Exemple d’une « couche de destruction » : un dépôt archéologique contenant généralement des restes de vases brisés, des débris architecturaux et des traces d’incendie. La couche de destruction présentée ici témoignerait du tremblement de terre de la première moitié du treizième siècle avant J.-C. en Egée. © Q.Letesson, Sissi Archeological Project.
Exemple d’une « couche de destruction » : un dépôt archéologique contenant généralement des restes de vases brisés, des débris architecturaux et des traces d’incendie. La couche de destruction présentée ici témoignerait du tremblement de terre de la première moitié du treizième siècle avant J.-C. en Egée. © Q.Letesson, Sissi Archeological Project.

L’archéosismologie éclaire et protège

6 janvier 2015
par Alix Botson
Durée de lecture : 5 min

L’archéologue fouille les sols pour étudier les modes de vie des Hommes. Le sismologue guette les mouvements des plaques tectoniques et la propagation des ondes sismiques pour comprendre l’histoire des tremblements de terre.  Ensemble, ces deux disciplines ont donné naissance à l’archéosismologie.

 

« Ce domaine de recherche consiste à identifier les traces de tremblements de terre dans les vestiges archéologiques », précise Simon Jusseret, chargé de recherche FNRS à l’Institut des Civilisations, Arts et Lettres (INCAL) de l’Université catholique de Louvain.

 

Tremblements de terre et déclin des civilisations de l’âge du Bronze

 

Le jeune chercheur s’est intéressé à l’archéosismologie suite à sa thèse qui combinait approches géologique et archéologique. « Ma thèse portait sur l’évolution des paysages côtiers de la Crète pendant la période Néolithique et l’Âge du Bronze » explique-t-il. « Lors de ma défense de thèse, un des membres de mon jury m’a fait remarquer que je n’avais pas assez tenu compte des effets des tremblements de terre sur l’évolution de ces paysages ».

 

Aujourd’hui, les travaux de Simon Jusseret visent notamment à comprendre le rôle joué par les tremblements de terre dans la disparition de la civilisation minoenne, à la fin de l’Âge du Bronze en Crète.

 

Ces recherches s’inscrivent dans le cadre d’une Action de Recherche Concertée à l’Université catholique de Louvain intitulée « A world in crisis ? Archaeological and epigraphical perspectives on the Late Bronze Age (13th c. B.C.) Mediterranean systems’ collapse: a case study approach. ». Elle s’intéresse à la fin des civilisations de l’Âge du Bronze en Méditerranée orientale.

 

Archives, fouilles, observations géologiques : des méthodes sur mesure

 

« La disparition de la civilisation minoenne a eu lieu aux environs de 1200 avant J.C. Cet événement marque le début des «  siècles obscurs ». Elle permis l’émergence de nouveaux modèles politiques, sociaux et économiques à la base de nos États modernes », rappelle le scientifique.

 

Pour détecter le rôle potentiel de tremblements de terre dans la disparition de cette civilisation, les archéosismologues se basent sur des données variées :

 

  • – recherche d’archives
  • – consultation de rapports de fouilles archéologiques
  • – travail de terrain incluant des fouilles, des observations géologiques ou encore de la prospection géophysique

 

« Il n’y a pas de méthode type, on développe une méthode en fonction du sujet et des autorisations que l’on obtient pour la consultation de documents ou l’accès aux sites archéologiques », indique Simon Jusseret.

 

Au gré de ses recherches, le scientifique a pu identifier un tremblement de terre important survenu au cours de la première moitié du XIIIème siècle av. J.-C, le dernier siècle au cours duquel la civilisation minoenne fut florissante.

 

« Jusqu’ici nous avions très peu de preuves d’un tremblement de terre au cours de la seconde moitié de ce siècle qui représente la période où tout s’est précipité. C’est à ce moment-là que de nombreux sites crétois ont été détruits et/ou définitivement abandonnés », explique le chercheur. Ces résultats suggèrent donc qu’il faut trouver d’autres facteurs décisifs que les tremblements de terre pour expliquer la disparition de la civilisation minoenne.

 

Retracer des siècles d’histoire sismique

 

Bien qu’elle contribue à comprendre certains événements qui ont marqué l’histoire, l’archéosismologie n’est pas qu’une affaire du passé. Elle peut avoir un lien direct avec des problématiques très actuelles.

 

« Grâce aux données archéologiques, il est possible de retracer l’histoire sismique de certaines régions pour lesquelles on ne connaît que peu de choses à ce jour », souligne Simon Jusseret. « C’est notamment le cas pour la Grèce et la Turquie qui sont des régions très actives d’un point de vue sismique et qui comptent un grand nombre de sites archéologiques bien conservés ».

 

Les premières mesures instrumentales des tremblements de terre ne remontent qu’à la fin du 19ème siècle. Pour connaître l’histoire sismique d’une région avant cette période, il y a peu d’autres possibilités que de se tourner vers les sources historiques, vers les vestiges archéologiques ou vers les données géologiques.

 

Mieux anticiper les séismes à venir

 

« Ce type de travail a son importance dans le long terme pour permettre de mieux se préparer aux événement sismiques qui pourraient se produire dans ces régions », reprend le scientifique. De fait, bien souvent le cycle sismique – c’est à dire la durée qui peut s’écouler entre deux séismes importants dans une région – s’étale sur plusieurs centaines, voire sur plusieurs milliers, d’années. Les données qui s’échelonnent sur des milliers d’années, telles que celles sur lesquelles se base l’archéosismologie, permettent de déterminer la périodicité des tremblements de terre importants dans une région donnée.

 

La région autour de la faille du Levant est l’une des plus étudiées en archéosismologie. « C’est également une région très riche en sites archéologiques et les scientifiques ont pu reconstituer son histoire sismique », indique Simon Jusseret. « On s’est ainsi rendu compte que certaines régions qui ont eu une activité sismique faible, voire nulle, depuis des décennies avaient connu des tremblements de terre conséquents dans le passé ». On comprend dès lors comment ce type d’information peut servir directement les populations locales actuelles, notamment en termes de précautions à prendre pour les constructions.

 

L’UNESCO s’intéresse aussi à l’archéosismologie. L’agence des Nations-Unies a soutenu un vaste projet de recherche international prenant en compte cette discipline. De quoi mettre en exergue ce que les séismes anciens peuvent nous apprendre sur notre passé et comment ils peuvent nous aider à préparer l’avenir.

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