Le mythe Tintin a donné lieu à des pastiches, mais aussi de nouvelles aventures pirates, autant d'hommages à Hergé, selon le Pr Jouret.
Le mythe Tintin a donné lieu à des pastiches, mais aussi de nouvelles aventures pirates, autant d'hommages à Hergé, selon le Pr Jouret.

Tintin au Collège Belgique

6 mars 2015
Temps de lecture : 4 minutes

PODCAST

 

Comment Tintin, le célèbre héros d’Hergé, est-il devenu un mythe? « A cause ou plus exactement grâce à ses fans », estime Jean-Claude Jouret, professeur à l’Institut des Hautes Etudes de Communications Sociales (IHECS), à Bruxelles. « Mais aussi suite au souci affiché d’emblée par Hergé de mêler des éléments historiques ou réels aux aventures de son héros de papier ».

 

Jean-Claude Jouret est professeur de marketing et de management à l’IHECS ainsi qu’à l’ICHEC. Il est également un des spécialistes de l’Univers d’Hergé. Sa thèse doctorale « Hergé et Tintin: de l’abbé Wallez à Steven Spielberg » , défendue à l’UCL, s’intéressait aux rapports entre l’univers de Tintin et ses exploitations commerciales. Son intérêt du moment, ce sont les « fan studies », l’étude des fans de Tintin. Il en parlera à Namur dans quelques jours, dans le cadre du Collège Belgique.

 

Un mythe ancré dans le merveilleux et dans le réel

 

« Avec Tintin, quand on parle de fan studies, on parle nécessairement de mythe », explique le Dr Jouret. « Cette croyance s’exprime de diverses manières, à différents moments et de manière symbolique ».
 
Tintin, un mythe ? « Hergé a beaucoup entretenu la limite ente le rêve et la réalité », précise le chercheur. « Dès 1930, Hergé produisait une pseudo lettre du GPU (la police d’Etat en Union Soviétique) qui menaçait la direction du Petit XXe (le journal pour lequel travaillait Tintin) si son jeune reporter, alors « au pays des Soviets », n’était pas rappelé en Belgique. Bien sûr, la direction du Petit XXe, avait répondu que c’était hors de question. Voilà un premier élément qui forge un mythe: le flou entretenu entre réalité et fiction ».

 

Il y en a de nombreux autres. « Comme cette mise en scène, cet événement organisé à Bruxelles, cet accueil public de Tintin de retour justement du pays des Soviets orchestré devant la gare du Nord, à Bruxelles », précise le Pr Jouret, en exhibant une photo d’époque qui a largement inspiré la case de l’album d’Hergé montrant ce retour triomphal.
 
Les aventures d’un « surenfant »
 
« Le mythe qui se construit avec ce premier album est également partiellement monté au départ d’un livre, « Moscou sans voile », publié par le Consul belge de l’époque à Rostov sur le Don, Joseph Douillet », continue Jean-Claude Jouret. Le Consul y relatait le trucage des élections. Hergé s’en inspire largement.

 

Le mythe tient aussi au fait que Tintin est un « surenfant », un adolescent de 15 ans qui s’émancipe de ses parents, qui vit ses aventures et qui devient un adulte. Il vit des aventures formidables qui subjuguent ses jeunes lecteurs, il conduit des voitures, un side-car, il pilote des avions, il prend les commandes d’un bateau.
 
Mi-homme, mi-dieu

 

« C’est un monde merveilleux, un rêve pour les enfants de l’époque », rappelle Jean-Claude Jouret. « Un rêve qui prend racine dans des événements réels. Tout est en place pour que le mythe se forge et prennent de l’ampleur au fil des aventures du jeune reporter », dit-il. « Il est mi-homme, mi-dieu, il survit aux bombes, aux accidents de train. Il est au-dessus de cela ».

 

Mais surtout, pour que le rêve soit encore plus beau, l’auteur propose aussi à ses jeunes lecteurs un héros certes ancré partiellement dans le réel, tout en étant à l’abri de deux de ses grandes contingences : la famille et l’argent.

 

La notoriété « inversée » du château de Cheverny

 

Quand on parle de mythe, on parle de culte, de lieux de pèlerinage, des reliques. Les médias y contribuent en partant sur les traces de Tintin. Le château de Cheverny par exemple, qui a inspiré celui de Moulinsart.
 
« Un château historique qui communique désormais davantage sur l’univers de Tintin que sur son univers initial », précise le chercheur. « Un peu comme si l’univers d’Hergé avait apporté au château de Cheverny ses lettres de noblesse. C’est le monde à l’envers. Mais cela ne fait que renforcer la plausible existence de Tintin”.

 

Rendez-vous à Namur

 

Le Pr Philippe Marion (UCL, professeur à l’Ecole de communication de l’UCL) apportera lui aussi son éclairage lors de cette leçon du Collège Belgique. La leçon des Professeurs Jouret et Marion, intitulée « Tintin et son fan club », sera donnée dans le cadre du Collège Belgique, à Namur le mardi 10 mars, à 17 heures, au Palais provincial (place Saint-Aubin).

 

L’exposé abordera d’une manière vivante et illustrée l’apport des « fan studies » à la compréhension du collectionnisme contemporain, les collections de bandes dessinées, le phénomène de la Tintinophilie etc.
 
L’entrée est gratuite, la réservation est souhaitée.
 

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