Bien digitaliser pour mieux motiver les employés

6 mars 2018
par Daily Science
Durée de lecture : 4 min

L’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) au sein des entreprises constitue-t-elle un élément attractif pour les employés? Ou au contraire, cette digitalisation de l’environnement de travail a-t-elle une influence négative sur leur motivation? Pour le savoir, l’économiste Ludivine Martin a analysé des milliers de données collectées auprès d’employeurs et de salariés du secteur privé. Ses résultats montrent les limites de la digitalisation… quand elle est « mal utilisée ».

Ces données, récoltées en 2013 dans le cadre du projet TWAIN (Technology use at Work And INovative work practices), lui permettent d’identifier les technologies utilisées, les motivations et la volonté de rester dans l’emploi actuel de plus de 14.000 employés du secteur privé actifs dans quelque 2.000 entreprises employant au moins 15 salariés au Grand-Duché de Luxembourg. Le Dr Martin est en effet chercheur au « Luxembourg Institute of Socio-Economic Research » (LISER) situé Esch-sur-Alzette.

Motivation autonome et motivation contrôlée

« Le concept de motivation au travail retenu ici est fondé sur des travaux en psychologie du travail et se décompose, d’un côté, par une motivation liée à la réalisation de tâches en phase avec ses propres valeurs ou par plaisir (motivation dite autonome) et d’un autre côté par une motivation illustrant l’adhésion du salarié au système de récompense de l’entreprise et la volonté de stimuler son ego (motivation dite contrôlée) », précise-t-on au LISER (Luxembourg Institute of Socio-Economic Research).

« La motivation autonome est associée à des comportements positifs des salariés avec plus de partage d’information, de coopération entre collègues, d’engagement affectif et de performance. Ce n’est pas le cas de la motivation contrôlée qui est uniquement associée à ce que l’on appelle un engagement de continuité vis-à-vis de l’entreprise qui conduit l’individu à rester dans son emploi pour éviter les coûts inhérents à un changement d’emploi ».

Travail collaboratif et à la gestion des flux de travail

« Ainsi, parmi les technologies de l’information nous pouvons retenir que l’usage du Workflow (outils de gestion du flux de travail) augmente l’intérêt que le salarié porte à son travail, ainsi que son investissement au travail pour donner le meilleur de lui-même et ne pas échouer ».

« Ces outils permettent de stocker de l’information utile à l’ensemble des salariés lesquels y ont accès quand ils en ont besoin », précise le Dr Martin. « Cela leur permet de travailler à leur rythme, de se désynchroniser des échanges d’informations tels ceux intervenants par mails  et qui donnent le sentiment de devoir y répondre quasi dans l’immédiat ».

«Certaines technologies de la communication (web-conférences, logiciels de travail collaboratif) lorsqu’elles sont mal utilisées, peuvent, au-delà du bénéfice premier qu’elles apportent, avoir des effets négatifs sur l’autonomie des salariés. Les décisions sont alors plus souvent perçues comme étant prises par les échelons hiérarchiques supérieurs ». En clair, l’organisation de trop de téléconférences a un impact négatif car il y a une perte de contrôle du salarié sur l’organisation de son travail.

L’analyse montre également qu’un usage combiné des différentes technologies renforce positivement les différentes dimensions de la motivation. La technologie donne des moyens d’action, d’initiative au salarié.

Email professionnel et risque d’infobésité

C’est le cas du simple email professionnel. Si celui-ci est utilisé à bon escient. La chercheure constate qu’il augmente les différentes dimensions de la motivation, sauf si son usage devient abusif. D’autres travaux scientifiques ont en effet montré que l’usage intensif de l’e-mail peut engendrer de l’anxiété liée à l’infobésité et/ou aux difficultés à se déconnecter ». « C’est alors un facteur de stress, de frustrations pour l’employé. Nous l’avons remarqué lors d’expériences de groupes réalisées au sein de notre laboratoire », précise l’économiste du travail.

Un risque réel, qui a déjà donné lieu à des expériences de « journées sans emails » dans certaines entreprises aux Etats-Unis par exemple. Ou encore aux réflexions liées au droit à la déconnexion ».

Les résultats de ses travaux invitent donc les entreprises à prendre conscience des effets positifs et négatifs de la digitalisation de l’environnement de travail sur leur organisation, mais aussi sur les dimensions de la motivation de leurs employés.

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