Partie de Codobot © François Rocca

La programmation informatique ? Un jeu d’enfants !

6 mai 2020
par Camille Stassart
Durée de lecture : 5 min

Un plateau, des cartes, un dé et un pion représenté par un petit robot. CODOBOT ressemble à n’importe quel jeu de société. À la différence qu’il permet d’initier le joueur à une discipline souvent perçue comme compliquée et inaccessible : la programmation informatique.

Ce produit est le résultat de trois années de recherches menées dans le cadre du projet First Spin Off « Tangerine », piloté par l’institut NUMEDIART et le service d’ingénierie pédagogique et numérique éducatif de l’UMONS.

« Nous nous sommes demandé comment davantage intéresser les jeunes à l’informatique. Et, en partant du constat que l’on apprend mieux en s’amusant, la dimension ludique s’est assez vite imposée. De là, est né CODOBOT », indique François Rocca, ingénieur civil et responsable du projet.

Coder les déplacements d’un rover sur une planète inconnue

Le pitch ?  Les joueurs sont à bord d’un vaisseau spatial et tentent de rejoindre une planète inexplorée. Mais une fois le vaisseau placé en orbite autour de cette planète, une pluie d’astéroïdes le frappe et l’équipage doit s’éjecter en urgence. Seul leur rover “Codobot” est encore utilisable.

Scan des cartes avec l’application dédiée © François Rocca

Deux scénarios sont alors possibles : soit les rescapés prennent place à bords du Codobot et partent ensemble à la recherche des modules de survie largués par le vaisseau, en vue d’installer leur camp de base et d’y attendre les secours ; soit différentes équipes se forment pour récupérer les modules et établir plusieurs camps de base. La première équipe à récupérer tous les modules de sa base sera gagnante.

Dans les deux cas, le but du jeu est de faire rouler le rover jusqu’aux zones d’exploration. Ce qui sera possible grâce aux différentes cartes de « programmation » distribuées à chaque joueur, du type « avance », « recule », « tourne à droite/ à gauche », etc. « Elles serviront à “écrire” une séquence d’instructions, qui programmera au rover son déplacement. Une fois écrite, la séquence sera scannée par les joueurs à l’aide d’une application mobile, qui enverra par Bluetooth l’information au robot. Selon l’ordre reçu, celui-ci se déplacera alors automatiquement sur le plateau de jeu », développe François Rocca.

Ce jeu a été développé avec le soutien de professionnels du secteur tels que les entreprises Asmodee, Pearl Games et Repos Production. Ainsi que par la firme Creaceed, spécialisée dans le développement d’applications mobiles.

Une fracture numérique qui se voit dans les usages

L’intérêt éducatif est donc d’apprendre aux jeunes la logique de la programmation informatique. Il est vrai que « coder » n’est pas la compétence numérique la plus partagée. Selon le dernier baromètre de l’Agence wallonne du Numérique, bien que 84% des ménages disposent aujourd’hui d’un ordinateur fixe ou portable, seuls 23% des Wallons estiment savoir créer un petit programme informatique dans le langage de leur choix.

Ces deux graphiques montrent que le niveau de capacité à programmer rebondit de façon inattendue vers 60 ans. Une explication plausible est que ces personnes avaient une trentaine d’années entre 1977 et 1987, âge d’or des premiers micro-ordinateurs. Lesquels nécessitaient bien souvent des compétences de programmation pour en exploiter le potentiel © Digital Wallonia

Digital Wallonia indique ainsi que « si une large proportion de la population maîtrise les tâches les plus élémentaires, comme l’envoi de messages instantanés ou la recherche sur Internet, cette maîtrise diminue lorsque les tâches deviennent plus techniques ou consistent à produire ou à manipuler du contenu ».

Parmi les leviers d’actions pour améliorer cette maturité numérique, on retrouve bien entendu la formation à l’école.

Les avantages du jeu de plateau

« Actuellement, les élèves sont trop peu formés aux savoirs numériques. Et c’est en partie parce que les enseignants ne sont pas toujours à l’aise dans le domaine. En développant un jeu non-virtuel pour inculquer des compétences informatiques, nous souhaitions démystifier le sujet », souligne le chercheur.

De fait, apprendre à coder via un jeu de plateau, un médium connu et maîtrisé par tout le monde, rend la tâche plus accessible. Autant pour les enfants que pour les professeurs. Sans parler du gain économique d’acheter une boite de jeu pour une classe, plutôt que vingt ordinateurs.

En outre, par sa forme, le jeu propose de traduire une information physique (la séquence de cartes), en une information virtuelle. Ce qui rend la programmation plus concrète, et donc plus compréhensible. « On s’est inspiré de la pédagogie Montessori qui dit que pour s’approprier des concepts abstraits, l’enfant doit le manipuler, de façon tangible, avec ses cinq sens. En général, c’est aussi vrai pour les adultes : on comprend mieux la théorie une fois qu’on l’expérimente dans la réalité ».

Partie de Codobot © François Rocca

Apprendre en jouant, de 7 à 77 ans

Le projet est aujourd’hui en phase de tests. Depuis plusieurs mois, des parties avec CODOBOT sont proposées aux enfants dans les écoles ou lors d’animations, proposées en collaboration avec l’ASBL Kaleidi. Et une expérience de 12 semaines est prévue avec deux écoles-pilotes.

« CODOBOT vise surtout un public scolaire. Mais on s’est rendu compte lors de nos démonstrations au cours d’événements publics que les adultes étaient aussi très enthousiastes ! C’est pourquoi nous ambitionnons de proposer deux ensembles de règles à la sortie du jeu, l’un adapté aux écoles, et l’autre pour le grand public, permettant des parties de 1 à 6 joueurs », précise le responsable du projet.

Une sortie normalement prévue pour l’année prochaine. Et des suites du jeu sont d’ores et déjà envisagées : « Des extensions avec d’autres thèmes, d’autres conditions sont imaginables. Notre intention est d’accompagner le public à travers différentes aventures et niveaux d’apprentissages », conclut François Rocca.

Animation avec Codobot réalisée par l’ASBL Kaleidi en décembre 2019 © Kaleidi
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