Aura-t-on bientôt des fenêtres intelligentes à très haute efficacité énergétique ? Des scientifiques de l’Université de Liège (ULiège) et de l’Université de Namur (UNamur) y travaillent. Ils ont mis au point un matériau électrochrome novateur capable de réguler indépendamment la lumière et la chaleur dans les bâtiments. Il s’agit d’un oxyde mixte de molybdène-tungstène dénommé MoWOx. Cette avancée permet d’envisager une fonctionnalité « double bande », c’est-à-dire une modulation sélective et indépendante des flux de lumière et de chaleur entrants.
Ni rideaux ni stores
Les fenêtres électrochromes sont des vitrages intelligents capables de moduler leur coloration, ou plus généralement leur état de transparence ou opacité, lorsqu’un courant électrique extérieur leur est appliqué. Une telle propriété permet de contrôler l’intensité de rayonnement solaire entrant dans un bâtiment, sans devoir recourir à des stores ou des rideaux.
« Ce type de fenêtres est déjà fabriqué industriellement et utilisé dans certains bâtiments, mais les produits actuels ne permettent pas un contrôle séparé de la lumière visible (VIS) et du rayonnement proche infrarouge (NIR), respectivement liés à la luminosité et à la chaleur incidentes », expliquent les chercheurs namurois et liégeois.
Transparent dans le domaine de l’IR
Grâce au soutien du Fonds de la Recherche Scientifique (FNRS), ils ont développé une nouvelle formulation de matériau électrochrome, intitulée MoWOx, qui repose sur une fonctionnalité « double bande » permettant la modulation sélective et indépendante des flux de lumière et de chaleur entrants. Par le biais de cette nouvelle formulation, les équipes scientifiques ont démontré l’occurrence d’un mode optique innovant, dit « chaud » (warm), pour la première fois pour ce type d’oxydes.
« Dans ce mode, le vitrage reste transparent aux radiations infrarouges pour laisser passer la chaleur, tout en ne filtrant que partiellement la lumière visible. Cette caractéristique est particulièrement intéressante pour des climats froids et pour les périodes hivernales, où maximiser les apports de chaleur solaire tout en réduisant l’éblouissement solaire peut diminuer considérablement la consommation énergétique des bâtiments, notamment en termes de chauffage et d’éclairage artificiel », précise l’équipe de recherche.
Un nanomatériau plasmonique
«Cette fonctionnalité « double bande » repose sur l’incorporation de composés plasmoniques nanostructurés dans la vitre intelligente. Un matériau plasmonique est un matériau dont les électrons libres peuvent osciller collectivement sous l’effet de la lumière. Il peut alors absorber, réfléchir ou diffuser la lumière de manière sélective selon sa composition et sa structure. Et c’est justement dans l’application de ces propriétés plasmoniques du MoWOx que réside cette innovation », poursuivent les chercheurs.
Sur ces bases, la composition et la morphologie des nanostructures plasmoniques influencent directement la sélectivité optique du filtrage, ce qui permet d’adapter plus précisément le vitrage aux besoins des utilisateurs.
Une application prometteuse
« Les futurs vitrages intelligents qui intégreront ces nouveaux composants pourront, à terme, révolutionner la gestion de l’énergie dans les bâtiments. Dans un contexte où la transition énergétique reste une priorité absolue, ces fenêtres novatrices contribueront à atteindre des objectifs de neutralité carbone et à construire des bâtiments à énergie quasi nulle. »
« Grâce à cette technologie, nous pouvons ajuster en temps réel la transmission de la lumière et de la chaleur à travers les fenêtres, ce qui représente un pas de géant pour l’optimisation énergétique des bâtiments », précise Dr Florian Gillissen, membre de l’équipe de recherche à l’Université de Liège.
« La modélisation théorique et numérique a été réalisée à l’UNamur dans l’équipe du professeur Luc Henrard tandis que la synthèse et la caractérisation des matériaux ont été réalisées sous la direction du professeur Rudi Cloots et du Dr Anthony Maho de l’Université de Liège. Ce sont ces synergies entre modélisation théorique et fabrication qui ont permis la caractérisation de ces matériaux MoWOx », ajoute Pr Michaël Lobet, chercheur qualifié FNRS à l’UNamur.
Cette étude a été menée dans le cadre du projet PLASMON_EC, une collaboration entre le laboratoire GREEnMat de l’Université de Liège et l’Institut de la matière structurée (NISM) de l’Université de Namur, en connexion étroite avec des chercheurs de l’Institut de Chimie de la Matière Condensée de Bordeaux (ICMCB).