Un tour du monde de la parenté

6 août 2021
par Raphaël Duboisdenghien
Temps de lecture : 4 minutes
"Espaces pluriels de la parenté", par Alice Sophie Sarcinelli, Fanny Duysens et Élodie Razy. Editions Academia. VP 29 euros, VN 22,99 euros
“Espaces pluriels de la parenté”, par Alice Sophie Sarcinelli, Fanny Duysens et Élodie Razy. Editions Academia. VP 29 euros, VN 22,99 euros

Membres du Laboratoire d’anthropologie sociale et culturelle de l’ULiège, Alice Sophie Sarcinelli, Fanny Duysens et Élodie Razy proposent «Espaces pluriels de la parenté». Une étude réalisée par 20 chercheurs au Brésil, Liban, Mexique. En Afrique noire, Algérie, Australie, Belgique, Corée du Sud, Espagne, France, Islande et Italie. Parue aux éditions Academia. Dans la collection «Investigations d’anthropologie prospective».

En français ou en anglais, les chercheurs décrivent des espaces de parenté. Juridiques et administratifs, sociaux et politiques, médicaux et technologiques. Ils incitent à repenser les relations entre parents. Au-delà du social et du biologique. Du construit et de l’inné. Du similaire et du différent.

Ces enquêtes sont éditées avec l’aide du Fonds de la recherche scientifique-FNRS. Et des Fonds spéciaux pour la recherche de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Chez les Tsiganes

Neyra Patricia Alvarado Solis explore les relations de parenté chez les Ludar. Ces populations, appelées aussi Tsiganes ou Roms, circulent dans le nord du Mexique. La chercheuse en anthropologie s’intéresse aux enfants qui vivent dans des campements. Elle les a observés, écoutés. Sans intervenir.

«Les Ludar ne dévoilent pas leurs liens de parenté, ni ceux des autres, au premier venu», explique la professeure au Colegio de San Luis à Mexico. «La parenté doit être vécue pour pouvoir être connue, conformément à ce qui se passe dans d’autres populations roms.»

«Les enfants apprennent à interagir avec les membres de leur famille et les non-Ludar à travers la pratique de la parenté. En créant et en innovant à partir des termes existants. Les non-Ludar sont connus pour leurs échanges parfois difficiles au quotidien.»

Par respect, les enfants de 3 à 13 ans appellent couramment «oncle» ou «tante», les adultes de la famille. Vivre ensemble, partager la nourriture joue un rôle déterminant dans les liens de parenté.

Sous la loi islamique

Le juriste algérien Belkacem Trouzine analyse le caractère religieux de la filiation dans son pays. Mesure l’influence des valeurs et des principes musulmans lors du recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP).

Le maître de conférences à l’Université d’Ain Temouchent constate «qu’il n’y a pas vraiment de recul de la charia en droit algérien de la famille étant donné que les liens de parenté sont toujours encadrés par l’institution traditionnelle du mariage. L’AMP crée une confusion quant au lien de parenté féminin. Ce rapport de parenté a nécessité une certaine adaptation de la charia en droit algérien de la famille.»

«Le transfert des conditions juridiques de la filiation issue d’une fécondation naturelle à une fécondation artificielle s’inscrit dans un but de stabilité de la parenté maternelle.»

En Europe occidentale

Lors de sa thèse de doctorat à l’Institut de recherches sociologiques de l’Université de Genève et au Centre interdisciplinaire de recherche sur les familles et les sexualités de l’UCLouvain, Pierre-Yves Wauthier a observé qu’«au fil des dernières décennies, dans les sociétés d’Europe occidentale, le paysage de la famille est devenu mouvant, fragile et complexe. Les parcours familiaux ne correspondent plus à une trajectoire standard et univoque autant que cela a pu être le cas dans les années 1950.»

«La famille se définit davantage comme un réseau d’affinités géographiquement épars et moins comme un groupe de parenté géolocalisé. Les mariages sont moins fréquents et durent moins longtemps. Les couples informels augmentent significativement. Et en moyenne, leur pérennité est encore plus faible que celle des mariés.»

Nouveaux pères, mères différentes

Les études portant sur la paternité suggèrent une redéfinition progressive des relations de genre. «À l’autorité distante du père pourvoyeur a succédé une autre figure paternelle idéale, redéfinie à l’aune d’un partage plus égalitaire des tâches parentales et d’une proximité inédite à l’enfant, occupant une part croissante dans la valorisation des identités masculines», note l’anthropologue Agnès Martial, directrice de recherche en France, au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). «Les mères demeurent toutefois les principales actrices de la vie domestique et familiale. Assumant toujours la majeure partie du travail parental.»

«La figure paternelle qui se dessine est celle d’un homme qui, pour être pleinement père, doit vivre avec ses enfants par-delà la rupture. Pourtant, penser les redéfinitions de la paternité induit inévitablement de réviser nos conceptions de la maternité. Et d’envisager non seulement de nouveaux pères, mais aussi des figures positives et valorisées de mères différentes.»

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