Le pollen apicole, bientôt dans notre assiette ?

6 août 2024
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

Série : Les aliments dans tous leurs états (1/4)

À côté du miel, les apiculteurs wallons proposeront-ils bientôt à la vente du… pollen ? Si la valorisation commerciale de cet autre produit de leurs ruches n’est pas vraiment à l’ordre du jour, elle intéresse cependant les chercheurs.

Le pollen, pourrait-il être considéré comme un aliment ou un complément alimentaire à haut potentiel? Est-il intéressant à consommer tel quel? Ou est-il préférable de l’intégrer à d’autres denrées ? C’est ce que l’équipe du projet BeePNUT veut tirer au clair. Les premiers résultats ont été présentés lors de la dernière « journée des chercheurs » organisée par SynHERA, la cellule d’accompagnement et de valorisation de la recherche effectuée par les Hautes Écoles et les Centres de Recherche associés.

Trois ruches étudiées

« Le pollen apicole dérive directement du pollen récolté au sein des fleurs par les abeilles ouvrières. Il est mélangé à du miel et à leurs propres sécrétions salivaires. La littérature scientifique lui attribue de multiples propriétés : haute teneur en protéines, pouvoir antioxydant élevé, présence de vitamines et de minéraux ou encore activité antimicrobienne », indique Frédéric Adam, biochimiste et ingénieur de recherche au Laboratoire de Brasserie & Industries alimentaires chez Meurice R&D, au sein de la Haute Ecole Lucia de Brouckère.

« Analyser son potentiel nutritionnel, son innocuité et sa variabilité en fonction de la localisation des ruches en Wallonie et à Bruxelles et des périodes de l’année : c’est le cœur du projet BeePNUT.»

« Notre projet de recherche de deux ans est à mi-chemin », précise Amaury Gérard, bioingénieur et docteur en sciences agronomiques. « Nous travaillons avec trois ruchers situés en zone urbaine, semi-urbaine et rurale : à Anderlecht, Louvain-la-Neuve et Doische. »

« Au cours de nos travaux, nous avons programmé une campagne de récoltes de pollens l’an dernier, et une cette année. La récupération du pollen se fait via des trappes disposées pendant quelques jours par mois à l’entrée des ruches. Nous ne les utilisons pas plus longtemps, afin de ne pas priver les abeilles de cette indispensable ressource à la survie de leur colonie. »

Pollens apicoles récoltés en 2023 © BeePNUT

Protéines et antioxydants

Les premiers résultats de l’équipe, obtenus sur base des analyses des pollens récoltés la première année, sont instructifs.

« La couleur va du vert à l’orange, en passant par le jaune, les bruns et les grisâtres », précise le Dr Gérard. Ces variations dépendent des lieux d’implantation des ruchers, mais aussi des saisons.

Pour déterminer leur composition nutritionnelle, les chercheurs analysent et dosent les glucides, les teneurs en fibres, en cendres (les résidus minéraux) ou encore en protéines et en eau. « Cette dernière intervient pour 15 % environ de la composition totale des pollens », révèle Amaury Gérard. « Selon les pollens, nous remarquons aussi des teneurs en protéines de l’ordre de 25 à 30 % et de 10 % de lipides, principalement polyinsaturés, ce qui est intéressant pour la santé », assure-t-il.

Un seul pesticide présent

« En ce qui concerne les antioxydants, qui ont également un effet bénéfique sur la santé, nous avons pu calculer que par 100 grammes de pollen, il était possible de retirer 700 à 800 milligrammes de polyphénols. Cela représente un apport potentiel intéressant. Certains minéraux sont également présents de manière significative, comme le cuivre, le zinc et le manganèse. »

Du côté des contaminants, les analyses sont également encourageantes. « Nous avons réalisé un screening de plus de 260 pesticides, et nous n’en avons trouvé qu’un seul (à Louvain-la-Neuve). Et ce, dans des concentrations cinq fois moindres que ce qui est toléré par les normes européennes. »

Améliorer la digestibilité

La deuxième année du projet BeePNUT bat son plein. Au cours de celle-ci, l’équipe va répliquer ses travaux afin d’obtenir des données robustes. Et elle pense déjà à la suite.

La question de la digestibilité des pollens est complexe. En effet, les grains de pollen ont une enveloppe externe très résistante. C’est d’ailleurs ce qui explique qu’il est possible d’en retrouver dans des sédiments âgés de plusieurs centaines de milliers d’années.

« Notre organisme ne peut pas dégrader complètement cette enveloppe», reprend le scientifique. « Dès lors, en consommant le grain de pollen tel quel, nous n’avons pas accès à tout son potentiel nutritif. Notre prochain projet visera à mettre au point une technique pour dégrader complètement son enveloppe. Et ainsi libérer l’ensemble des composants disponibles. »

« Nous allons aussi devoir nous intéresser à la question de la biodisponibilité des composés intéressants des pollens pour notre santé. Dans la ruche, ils se transforment par fermentation. Cela dégrade leur enveloppe externe. Il nous faut donc identifier une technique pour reproduire cette fermentation. Une démarche qui intéresse déjà le secteur », conclut-il.

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