« On en parle davantage, car on connait de mieux en mieux son impact sur la santé. Mais en réalité, la pollution en Belgique a plutôt tendance… à baisser ! » Le Dr Cathy Clerbaux travaille depuis le début de sa carrière de chercheuse sur le sujet, aujourd’hui avec une douzaine de chercheurs du Service de chimie quantique et photophysique de l’ULB. Son outil de prédilection? L’instrument de mesure IASI (Interféromètre Atmosphérique de Sondage Infrarouge), installé sur les satellites météorologiques européens Metop, et dont la troisième version (Metop-C) va quitter la Terre cette nuit.
Une pollution en baisse? « Grâce à des normes restrictives et une évolution du parc automobile par exemple, la pollution au-dessus de notre pays n’est plus la même. L’ozone n’augmente plus au-dessus des villes. Par contre, les concentrations d’ammoniac liées à l’agriculture intensive, l’engrais et le bétail sont saisissantes », indique-t-elle. Avec le troisième exemplaire de IASI, ce polluant va être mieux surveillé.
À partir des données générées par IASI, des données que l’équipe de l’ULB analyse en continu, des cartes des gaz présents dans l’atmosphère sont générées.
« Je travaille sur cette mission depuis le début de ma vie de scientifique », explique la chercheuse. « Après mes études à l’ULB, mon postdoctorat en France avait déjà pour objectif de concevoir la sonde portée par le satellite. Cela a pris quinze ans pour cerner ce que l’on voulait qu’il observe précisément… ».
L’agence spatiale en charge des satellites météorologiques (Eumetsat) a prévu la mission sur la durée. « Avec ce troisième satellite Metop, la couverture géographique sera décuplée », poursuit-elle. « Son orbite est assez basse, autour de 800 km et avec des passages plus fréquents : on a donc plus de chances de passer entre les nuages qui nous empêchent d’habitude de voir près du sol… »
Ozone, monoxyde de carbone, ammoniac: plusieurs polluants sous surveillance
Un million d’observations par jour pour chaque satellite. Les deux premiers de la série ont surveillé notre air et notre climat pendant près de douze ans. Leurs cartes permettent aussi de suivre l’augmentation de gaz à effets de serre depuis l’espace.
« Observer l’évolution des polluants sur ces dernières décennies est fascinant », raconte Cathy Clerbaux. « Mais tout dépend des polluants. Certains ne se trouvent quasiment plus en Europe désormais, du fait d’un parc de véhicules assez neuf comparé à certains autres endroits du globe comme l’Afrique ou l’Asie. »
Les scientifiques ne peuvent pas surveiller tous les polluants avec cet instrument, contrairement aux données du satellite Sentinel 5P diffusées par Greenpeace la semaine passée sur le taux de dioxyde d’azote oppressant nos grandes villes belges, d’Anvers à Charleroi en passant par Bruxelles.
« L’instrument ne fonctionne que dans l’infrarouge, explique la scientifique. Du côté de Greenpeace, c’est un autre instrument qui fonctionne dans l’ultraviolet et qui mesure le dioxyde d’azote.
Un des polluants surveillés par IASI est aussi l’un des plus connus : le monoxyde de carbone, un gaz inodore, invisible, imperceptible et pourtant mortel. Ce gaz est émis par l’industrie, les transports, les phénomènes de combustion.
Suivre les phénomènes naturels à la trace
« L’année dernière, l’ouragan Ophélia qui a touché les îles britanniques avait affecté les routes du ciel, se rappelle Cathy Clerbaux. Le lendemain, la Belgique et les Pays-Bas voyaient leur ciel rouge-orangé se peindre à la manière des images du film « Interstellar ». L’ouragan avait transporté par ses vents violents de grosses quantités de poussières de sable arrachées du Sahara, ainsi qu’une épaisse fumée provenant de feux intenses qui ont sévi dans le nord du Portugal et à l’ouest de l’Espagne à l’époque. Des concentrations très élevées de monoxyde de carbone avaient alors été mesurées chez nous ce jour-là. Sans les satellites, nous n’aurions pas pu suivre aussi clairement ce phénomène à la trace. »
Prochain objectif : « Mesurer la température globale de la surface de la Terre en se servant de toutes ces données retravaillées pour avoir une série homogène, sur la durée », s’enthousiasme la chercheuse. « Ainsi nous pourrons mieux observer les variations du climat et distinguer entre les variations naturelles et les variations anthropiques… »
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