Le Dr Martin Van Damme est bioingénieur et chercheur postdoctorant au Service de Chimie Quantique et Photophysique de l’Université Libre de Bruxelles (ULB). Avec ses collègues belges et français, il vient de mettre à jour le cadastre mondial des émissions d’ammoniac. Ce polluant gazeux est généré pour l’essentiel par des activités agricoles et industrielles.
« On pense par exemple à l’élevage intensif », explique-t-il, ou encore aux usines de fabrication de fertilisants ou de soude. Nous identifions aussi des émissions résultant de fuite dans des systèmes de géothermie ou encore d’extraction et de production de nickel et de cobalt ».
Identification de sources individuelles
En utilisant les données de la mission scientifique IASI (Interféromètre Atmosphérique de Sondage dans l’Infrarouge), un instrument placé sur le satellite météorologique Metop, d’Eumetsat, le chercheur a pu détecter et mettre en carte les évolutions des émissions d’ammoniac sur Terre. Le tout avec une résolution spatiale (une précision « géographique » au sol) de plus en plus grande. Auparavant, chacun de nos pixels recouvrait un territoire de plusieurs dizaines de kilomètres carrés. Désormais, nous travaillons à l’échelle du kilomètre carré, ce qui permet d’identifier des sources d’émissions très précisément, comme un élevage intensif ou une usine », précise-t-il.
IASI observe notre atmosphère depuis l’espace, à bord des trois satellites Metop, dont le dernier a été lancé avec succès le 7 novembre 2018. Les données fournies par IASI permettent aux chercheurs d’étudier non seulement la météo, mais aussi les impacts des activités humaines sur la qualité de l’air et l’évolution du climat.
L’ammoniac est l’un de ces composés surveillés par IASI. Prépondérant dans notre environnement, il joue un rôle majeur dans la formation des particules fines et donc sur la qualité de l’air et la santé humaine. L’excès de ce composé altère également nos écosystèmes, en affectant la qualité de l’eau et conduit à une réduction de la biodiversité. Les processus qui régulent les concentrations d’ammoniac restent cependant mal connus, particulièrement à l’échelle très locale.
Dix années de données
En combinant près de 10 ans de mesures journalières de IASI, les chercheurs de l’ULB ont donc réalisé une cartographie à très haute résolution de l’ammoniac atmosphérique.
Cette haute résolution a permis à l’équipe de mettre en évidence 242 sources ponctuelles d’ammoniac, dont 83 sont liées à l’agriculture intensive et 158 à l’activité industrielle, principalement de production de fertilisants synthétiques. Deux tiers de ces sources d’ammoniac n’étaient pas répertoriés dans les précédents inventaires d’émission.
En outre, les chercheurs ont également constaté que les émissions provenant de sources connues étaient aussi très largement sous-estimées dans les inventaires actuels. L’évolution des concentrations d’ammoniac sur les 10 années écoulées a également permis d’identifier les changements observés dans les activités humaines, comme l’ouverture ou la fermeture de complexes industriels ou l’agrandissement d’infrastructures d’élevage intensif.