Redu, pour le grand public, c’est le « village du livre ». Pour les acteurs du secteur spatial en Europe, c’est également un village ardennais de la province de Luxembourg mais qui abrite depuis plus de 50 ans, et à quelques centaines de mètres de son clocher, un des établissements de l’ESA, l’Agence spatiale européenne. On y pilote des satellites. Notamment les engins de facture belge de la série « Proba ». Au fil du temps, ses activités se sont diversifiées.
Depuis quelques années, le site de l’ESA de Redu se positionne aussi comme un lieu incontournable en matière de cybersécurité. Il y a quatre ans, l’entreprise Rhea, spécialisée dans le monitoring de cyberattaques, y a pris ses quartiers.
Un investissement de 37 millions d’euros
Demain, ou plus exactement dès 2022, Redu va aussi héberger le nouveau centre de cybersécurité de l’ESA. « Un investissement de 37 millions d’euros, dont 14 sont pris en charge par la Belgique », a expliqué le ministre David Clarinval (MR), en visite à Redu. Il est notamment en charge, au gouvernement fédéral, de la Politique Scientifique (BELSPO), et donc du « spatial » belge.
Il représentait la Belgique lors de la réunion ministérielle de l’Europe spatiale « Space 19+ », qui s’est tenue fin novembre à Séville (Espagne). C’est là que cette décision a été prise.
« La sécurité des activités spatiales européennes est primordiale », indique le ministre. « Qu’il s’agisse de la gestion des satellites, des communications ou du géopositionnement, la sûreté des signaux et des échanges est au cœur des préoccupations de l’ESA ».
D’où sa volonté d’aller de l’avant dans ce domaine. Et de développer un centre de cybersécurité à Redu.
Une première enveloppe de 27 millions d’euros a été fixée par l’ESA pour ce projet stratégique, dont les 14 millions apportés par la Belgique. « Les 13 autres millions viendront de divers états membres intéressés par le projet, notamment l’Allemagne, l’Italie, l’Estonie ou encore le Grand-Duché de Luxembourg », précise le ministre. De son côté, l’ESA mettra aussi 10 millions d’euros dans ce projet, prélevés sur son propre budget. Le total fait 37 millions.
Un centre de « cyber-résilience » sécurisé
La « cyber-résilience » de l’Agence spatiale européenne passera en réalité par deux nouveaux outils : un Space Security Centre of Excellence et un Space Security Operations Centre. Tous deux seront basés au sein du Centre européen de sécurité et d’éducation spatiales de l’ESA en Belgique (ESEC-REdu). « Qui est appelé à devenir une « Cyber Valley », indique le ministre.
Le Space Security Centre of Excellence existe déjà. Il concerne le développement d’applications de « cyber-résilience » spatiale et de formations. Le Space Security Operations Centre complétera les opérations de résilience existantes à l’ESA. Le futur Cyber Security Operations Centre implanté à Redu « surveillera et protégera contre les attaques, les technologies des informations et des opérations. Il protégera également les segments sol et espace, ainsi que l’exploitation des données. Cela inclut également la protection des opérations de vols habités, ainsi que des missions d’astronautes européens vers la station spatiale internationale et au-delà », précise l’ESA.
« Dans l’immédiat, l’ESA va consacrer un million d’euros à la réalisation de deux études destinées à préciser la nature des besoins propres de l’ESA pour le site de cybersécurité de l’ESEC-Redu », précise-t-on encore au cabinet du ministre. Quant au futur Cyber Security Operations Centre, il devrait être opérationnel dès 2022.
Centre de distribution de clés quantiques
« Le site belge offre plusieurs atouts », indique Martin Ditter (ESA), le directeur du site de Redu. « Il s’agit d’un site sécurisé, capable d’offrir des services 24h sur 24. Nous disposons par exemple de deux circuits distincts et indépendants d’approvisionnement en électricité. Ce dispositif est complété par un système de batteries de secours, mais aussi d’un générateur diesel. Indispensable pour nos activités satellitaires.»
Quant aux enjeux que ce nouveau centre va offrir, le directeur des lieux est lui aussi enthousiaste. « C’est la porte ouverte à de nouvelles activités innovantes dans ce secteur. De nouveaux partenariats, et donc de nombreux nouveaux emplois dans la région, sont envisageables », estime-t-il.
Un projet complémentaire pourrait encore prendre forme à Redu. Il s’agit de la création d’un centre de distribution de « clés quantiques » (de cryptage) pour les communications des autorités européennes avec leurs services d’action extérieurs.
« Nous sommes situés à une distance idéale entre Bruxelles et Luxembourg pour permettre de telles communications de cryptage quantique en ligne directe », indique M. Ditter. « Cela signifie que ces clés quantiques ne doivent plus passer par des relais intermédiaires avant d’être transmises aux utilisateurs ». Un autre avantage pour Redu, manifestement, et sa « Cyber Valley ».