Einstein écrivait. Il dessinait aussi... à l'occasion.
Einstein écrivait. Il dessinait aussi... à l'occasion.

Cher Professeur Einstein…

7 février 2018
par Daily Science
Durée de lecture : 5 min

Le physicien Albert Einstein n’a pas écrit que des articles scientifiques. Il entretenait aussi une abondante correspondance privée et professionnelle.

Une soixantaine de lettres du savant, ou adressées à Einstein, et conservées aux « Archives Einstein » de l’Université hébraïque de Jérusalem, ont retenu l’attention de l’Américaine Alice Calaprice. Elle les publia en 2012, sous forme d’un petit livre rédigé en anglais. La version française de son ouvrage intitulé à l’origine « Dear Professor Einstein » vient d’être publiée par les éditions Payot. Son titre en français? « Cher professeur Einstein ».

« Cher professeur Einstein », par Alice Calaprice, Editions Payot, 15 euros.
« Cher professeur Einstein », par Alice Calaprice, Editions Payot, 15 euros.

Ce petit ouvrage offre un regard différent sur le père de la Relativité générale. Et pour cause, ce recueil ne contient que des missives envoyées par… des enfants. Le savant, qui ne vivait pas dans une bulle, ne manquait pas de leur répondre.

Un personnage de bande dessinée?

« Cher monsieur Einstein, je vous écris pour savoir si vous existez vraiment », se demande June, en 1952, dans sa lettre envoyée depuis le Canada. « Vous trouvez peut-être cela très bizarre, mais des élèves de ma classe pensaient que vous étiez un personnage de bande dessinée ».

Quand il trouvait le temps de répondre, Einstein le faisait toujours avec simplicité et souvent avec humour. « Jusqu’ici je n’avais jamais rêvé d’être une sorte de héros », répond-il ainsi à une autre correspondante. « Mais depuis que tu m’as accordé ce titre, j’ai l’impression d’en être un. »

Ce recueil de lettres donne la parole à des jeunes du monde entier (Japon, Amérique du Sud, Pays-Bas, Allemagne, Angleterre…). La plupart des lettres ont cependant été envoyées par des enfants américains à l’époque où Einstein vivait à Princeton, dans le New Jersey.

Une carte postale de Belgique

Si beaucoup de jeunes épistoliers lui souhaitaient son anniversaire ou lui demandaient un autographe, la plupart des lettres sélectionnées sont autrement plus originales. Sam l’implore de ne pas devenir fou comme tant de génies et John lui propose de partir pour Mars dans la fusée que va construire son père. Mais au fait, qu’est-ce que le firmament et l’âme ? veut simplement savoir Peter.

Et, surprise! La première des missives sélectionnées par Madame Calaprice pour ce recueil concerne directement la Belgique. On connait les liens qu’Albert Einstein entretenait avec Spa, Bruxelles, Anvers, Coq-sur-Mer.

Le premier texte reproduit est celui d’une carte postale envoyée en 1914 par Einstein à sa famille alors qu’il voyageait entre la Belgique et les Pays-Bas.

« Ma chère femme, mes chers enfants, j’espère que vous allez bien. J’ai fait bon voyage en compagnie de Fokker (un physicien néerlandais) et passé une journée à Anvers avec mon oncle Caesar, qui vous envoie ses amitiés. Ce soir je serai chez Ehrenfest (un physicien autrichien), où je vais passer plusieurs jours. Tete (le surnom d’Eduard) doit bien manger! Bien affectueusement, votre père ».

Le message est illustré d’un dessin de canard et d’un petit bateau destiné à remonter le moral de son fils Eduard qui était souffrant. C’est ce dessin qui illustre le haut de cet article.

Plus scientifique, sans aucun doute, est cet échange de points de vue avec Arthur, 12 ans, de Los Angeles, en 1928.

« Mon cher professeur »,

« J’ai écrit un article sur votre célèbre Théorie de la Relativité, que je joins à cette lettre, et serais très heureux d’avoir votre avis sur le document ci-joint. 
J’aimerais aussi savoir si le mouvement existe réellement avec ses phénomènes associés tels que l’inertie, etc., dans un espace qui ne contient pas d’autre objet que l’individu ou le mécanisme qui essaie d’entrer en mouvement. Ne serait-il pas immobile dans la mesure où, s’il se déplaçait, il ne serait ni plus près ni plus loin de quoi que ce soit ? 
Merci d’avoir la bonté de répondre à cette question concernant la Relativité de l’objet en question par rapport à un autre objet dans l’espace. La Relativité est une théorie qui m’a toujours fasciné, et j’y ai réfléchi très souvent, à l’instar du grand homme qui l’a conçue. J’aimerais beaucoup avoir votre avis sur mon article. En vous souhaitant bonne chance, santé et bonheur, je vous prie d’agréer, mon cher professeur, l’expression de mes sentiments distingués ».

« Arthur »

Albert Einstein, qui aimait beaucoup les enfants curieux, lui fit cette réponse, le 26 décembre 1928.

« Cher jeune homme », 

« Dans ton article, tu as parfaitement raison d’affirmer que nous ne pouvons ressentir et présenter le mouvement que comme relatif. Les Anciens le savaient déjà, et les adversaires de la théorie de la relativité l’ont également reconnu. Cependant, jusqu’à ce que la théorie de la relativité générale soit exposée, on croyait que le concept de mouvement absolu était nécessaire à la formulation des lois du mouvement. Réfuter cela a été un préalable à la théorie de la relativité. 
À ta question de savoir à quoi ressemblerait le monde si un seul corps s’y trouvait, on ne peut pas répondre aujourd’hui avec certitude, car on ignore s’il pourrait y avoir de l’espace autour de ce corps. Mais ce qui est sûr, c’est que parler de son mouvement n’a pas de sens. Quant à toi, il vaudrait mieux que tu attendes d’avoir appris quelque chose d’utile avant d’enseigner aux autres ». 

« Avec mes salutations amicales »,

« Albert Einstein »

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