Avenir incertain pour le nouveau dinosaure exposé à Bruxelles

7 mai 2019
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

C’est une belle saga qui a trouvé temporairement son épilogue à Bruxelles. « Arkhane », un nouveau fossile quasi complet d’allosaure (à 70 %), découvert aux États-Unis en 2014 et acquis l’an dernier à Paris par un amateur pour quelque deux millions d’euros, a été préparé et est désormais visible pendant 11 mois au Muséum des Sciences naturelles de Bruxelles. Le fossile a pris place dans la galerie de l’Évolution.

Cerise sur le gâteau, le petit nouveau serait même une nouvelle espèce de dino, inconnue jusqu’à présent de la communauté scientifique. Le hic, c’est qu’elle pourrait le rester, à défaut d’obtenir son certificat de naissance « officiel ». C’est-à-dire faire l’objet d’une publication scientifique en bonne et due forme attestant de sa découverte.

Plusieurs indices ostéologiques plaident pour une nouvelle espèce

« Nous sommes certains d’avoir en face de nous une nouvelle espèce d’allosaure », indique le paléontologue Pascal Godefroit, responsable de la Direction opérationnelle Terre et Histoire de la Vie de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB). C’est dans son laboratoire, au Muséum, que le fossile a été étudié depuis octobre dernier.

« L’étude détaillée du fossile montre de nombreux caractères ostéologiques uniques, que l’on ne retrouve pas dans le squelette des autres allosaures connus à ce jour. Ce sont des détails qui peuvent paraître insignifiants pour un œil non exercé, mais qui prennent toute leur signification pour les spécialistes des dinosaures. Arkhane appartient donc plus que probablement à une nouvelle espèce, encore inédite pour la Science, du genre Allosaurus », précise le scientifique.

Quelles sont ces caractéristiques ? La mâchoire inférieure est très fine et présente des dents très petites par rapport à celles de la mâchoire supérieure. La griffe du premier doigt de la main est proportionnellement plus massive que chez l’espèce d’allosaure déjà connue (Allosaurus fragilis). La pointe du pubis est plus réduite que chez Allosaurus fragilis, alors que la base du pubis est plus élargie. Enfin, l’angle de la tête du fémur est plus grand que chez Allosaurus fragilis.

Garantir l’accès à cet holotype potentiel

Le nouveau dino est arrivé au Muséum via un collectionneur privé, néophyte mais passionné, et qui souhaite rester anonyme. L’animal est donc en dépôt à Bruxelles, où il est désormais présenté au public. « Pour qu’il puisse faire l’objet d’une publication scientifique, il faudrait que l’accès au fossile soit garanti dans le temps », précise le muséologue Gérard Cobut. « Dans cette perspective, il faudrait que le spécimen soit versé dans une collection accessible, par exemple celle d’une institution reconnue ou une fondation, qui garantira son accès aux futures générations de paléontologues. S’il s’agit bien d’une nouvelle espèce, ce spécimen  en sera l’holotype (le spécimen de référence qui a servi à décrire la nouvelle espèce).

La balle est désormais dans le camp du propriétaire de ce petit nouveau. Que fera-t-il ? Qu’adviendra-t-il du dinosaure dans 11 mois ?

En attendant que cet imbroglio soit démêlé, les recherches continuent sur le fossile. Une minuscule « carotte » a été prélevée dans le fémur de l’animal, depuis la surface jusqu’au cœur de l’os. Le paléontologue Koen Stein (VUB et Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique), va tenter, au départ de cet échantillon et via une étude microscopique, de donner un âge précis au spécimen. Lors du développement de l’animal, les os gardent inscrits dans leurs tissus les signes de leur croissance. Un peu comme les cernes des arbres. Ce genre d’information peut aider à donner un âge au dino, et éventuellement permettre d’en apprendre davantage sur sa vie, il y a 150 millions d’années.

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