Plus de 500 kilomètres par jour pour les Belles-Dames, l’Antarctique occidental a abrité un grand fleuve, le pollen des mauvaises herbes et l’asthme, comment les rats contrôlent leur rythme cardiaque…
À la rédaction de Daily Science, nous repérons régulièrement des informations susceptibles d’intéresser (ou de surprendre) nos lecteurs et lectrices. À l’occasion de notre dixième anniversaire, nous relançons deux fois par mois notre rubrique du week-end « les yeux et les oreilles de Daily Science ». Avec, pour celle-ci, et à la demande de notre lectorat, un regard plus international.
Plus de 500 kilomètres par jour pour les Belles-Dames
Le papillon migrateur Belle-Dame (Vanessa cardui) est capable de voler sur plus de 500 kilomètres en une journée. C’est ce que montrent des chercheurs qui ont étudié des Belles-Dames récoltés en Guyane française.
Ces lépidoptères ont traversés l’Océan Atlantique à la faveur des Alizés, parcourant au moins 4 200 km depuis l’Afrique occidentale. Un périple qu’ils ont mis entre 5 et 8 jours à boucler. Toutefois, leur voyage a sans doute été bien plus long. Les papillons semblent en réalité être originaires d’Europe. Ce qui porte leur périple à plus de 7.000 kilomètres, indiquent les scientifiques.
Gérard Talavera, chercheur à l’Institut de botanique de Barcelone, a découvert des Belles-Dames sur les plages de la Guyane française: une espèce qu’on ne trouve généralement pas en Amérique du Sud. Cette observation inattendue a mené à une étude internationale pour retracer l’origine de ces papillons.
À l’aide d’outils multidisciplinaires (analyse génétique des papillons mais aussi des grains de pollens qu’ils transportaient), l’équipe a identifié deux espèces de plantes qui ne poussent qu’en Afrique tropicale, signe que les papillons avaient consommé le nectar de fleurs africaines avant d’entreprendre leur voyage transatlantique.
Elle a également analysé les isotopes d’hydrogène et de strontium contenus dans les ailes des papillons, un indicateur chimique servant « d’empreintes digitales » de leur région natale. En combinant l’information donnée par les isotopes à un modèle des habitats propices à la croissance des larves, l’équipe en a déduit que les papillons venaient probablement de l’ouest de l’Europe (France, Irlande, Royaume-Uni ou Portugal).
L’équipe a évalué la faisabilité d’un vol transatlantique en analysant la dépense d’énergie nécessaire. Selon les prédictions, la traversée (d’une durée de 5 à 8 jours sans le moindre arrêt) est faisable, et ce, grâce aux conditions de vent favorables. « Les papillons n’ont pu y arriver qu’en entrecoupant le vol actif, qui demande beaucoup d’énergie, à des moments où ils se laissent porter par le vent. Nous estimons que, sans le vent, les papillons n’auraient pu parcourir qu’une distance de 780 km avant d’épuiser toutes leurs réserves de graisse et, par conséquent, leur énergie », commente Eric Toro-Delgado, un des co-auteurs de l’article.
De l’avis de l’équipe de recherche, une importante voie aérienne de dispersion est la couche d’air saharien. On sait que cette masse d’air transporte de grandes quantités de poussière du Sahara africain vers l’Amérique, et fertilise l’Amazone. L’étude sur les Belles-Dames montre prouve que ces courants peuvent aussi transporter des organismes vivants.
L’Antarctique occidental a abrité un grand fleuve
L’Antarctique occidental est aujourd’hui recouvert d’une épaisse couche de glace, mais de nouvelles analyses sédimentaires montrent qu’un vaste réseau fluvial transcontinental traversait la région au milieu ou à la fin de l’Éocène.
En 2017, des scientifiques européens avaient réalisé une série de forages glaciaires allant jusqu’au substrat rocheux sur les plateaux intérieurs et moyens de la baie de la mer d’Amundsen, où l’inlandsis de l’Antarctique occidental se jette dans la mer.
Ces carottes comprenaient une section de grès datant de l’Éocène moyen et tardif. Pour se faire une idée de l’aspect de la région à cette époque, les scientifiques ont étudié les carottes à l’aide de diverses techniques, pour finalement séparer les minéraux du grès qui se prêtaient à l’analyse isotopique. Ils affirment que leurs résultats montrent que cette partie de l’Antarctique occidental était probablement un delta de rivière ou un estuaire, il y a environ 44 à 34 millions d’années.
Le pollen des mauvaises herbes pourrait accroître le risque d’asthme chez les jeunes enfants
Les espaces verts urbains pourraient être une source d’allergies malgré la protection que confère le couvert végétal des arbres, indiquent une équipe de scientifiques canadiens. Bien que les espaces verts des villes diminuent l’exposition à la pollution atmosphérique, et qu’ils permettent aux petits de bouger et les mettent en contact avec un microbiote diversifié, ce qui aide au développement du système immunitaire, ils peuvent également être un facteur d’asthme infantile, estiment-ils. Toutefois, les arbres et le couvert qu’ils procurent peuvent atténuer cet effet dans une certaine mesure.
« Nous avons observé que le couvert des arbres protégeait en partie les enfants du risque d’asthme. Toutefois, cet effet protecteur disparaît lorsque s’accroît l’exposition au pollen des mauvaises herbes », explique l’auteur principal Éric Lavigne, professeur auxiliaire à l’École d’épidémiologie et de santé publique de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa.
L’équipe de recherche a utilisé la base de données de la province d’Ontario sur l’asthme. Elle a analysé les données pour une période de huit ans, afin de déceler les cas d’asthme survenus chez les enfants entre la naissance et l’âge de six ans. Il en ressort 13 % des 214 000 enfants inclus dans l’étude ont reçu un diagnostic d’asthme. L’équipe de recherche a mesuré l’exposition environnementale à l’aide de l’indice de végétation par différence normalisée (IVDN) et estimé l’étendue du couvert des arbres dans un rayon de 250 mètres autour du domicile de l’enfant à la naissance (selon le code postal).
Ces résultats surprenants montrent que l’aménagement d’espaces verts en milieu urbain augmente l’exposition au pollen et diminue la protection offerte par le couvert des arbres, commentent les chercheurs.
Comment les rats contrôlent leur rythme cardiaque
Bien que la fréquence cardiaque soit principalement contrôlée par le système nerveux autonome, elle peut être modifiée intentionnellement par l’entraînement, par exemple, comme le font les plongeurs en apnée. Une nouvelle étude menée sur des rats qui ont appris à réduire leur fréquence cardiaque permet de comprendre comment cela fonctionne.
Le système nerveux autonome contrôle principalement plusieurs paramètres physiologiques, tels que la fréquence cardiaque, la pression artérielle et la température corporelle. Toutefois, ces paramètres peuvent être modulés intentionnellement grâce à un entraînement par rétroaction biologique. Cet entraînement est activement pratiqué dans des activités telles que la méditation et des sports comme la plongée en apnée. L’entraînement par rétroaction biologique devrait également avoir des applications cliniques prometteuses sans médicaments dans le traitement des arythmies cardiaques, de la douleur, de l’anxiété et de la dépression. Cependant, la base neuronale de cet entraînement n’est pas bien comprise.
En stimulant le néocortex et le cerveau antérieur médian en tant que retour d’information sur la fréquence cardiaque et récompense, respectivement, Yoshimoto et ses collègues de Tokyo ont constaté que les rats apprenaient à réduire leur fréquence cardiaque en 30 minutes et parvenaient à une réduction d’environ 50 % de la fréquence cardiaque après cinq jours d’entraînement. Une capacité qui persistait pendant au moins dix jours après la période d’entraînement.
Les techniques d’électrophysiologie, d’imagerie calcique et de traçage synaptique ont révélé que cette bradycardie induite par la rétroaction biologique était médiée par une voie neuronale impliquant le cortex cingulaire antérieur, le noyau thalamique ventromédial, l’hypothalamus dorsomédial, le noyau ambigu et les neurones parasympathiques postganglionnaires du cœur.