Série : Les aliments dans tous leurs états (2/4)
À la Haute École Louvain en Hainaut (HELHA), Coraline Sergent, Charlotte Saussez et Vesna Jerkovic s’intéressent aux lies de vin, une forme de déchets de l’industrie agroalimentaire. Leur but? Les valoriser dans des cosmétiques.
« Le secteur viticole est en pleine expansion en Belgique », notent-elles. « Au cours de ces quinze dernières années, la superficie des vignobles dans le pays a été multipliée par dix. Ce qui a mené à une explosion des déchets liés à cette activité. »
La fermentation, une alliée
Dans une approche d’économie circulaire, les producteurs tentent de valoriser les sous-produits disponibles à chaque étape du procédé.
La lie de vin représente entre et 2 et 4 % des résidus solides. On en retrouve à deux étapes du processus de vinification. La première a lieu à la fin de la fermentation principale. « Quand celle-ci s’arrête, les résidus sédimentent au fond des cuves. »
« Pour produire des vins mousseux, une seconde fermentation en bouteille est nécessaire. Une plus petite quantité de lie est alors produite. Elle est récupérée lors d’une phase appelée dégorgement. Il s’agit d’une étape au cours de laquelle on élimine les dépôts des bouteilles », explique Coraline Sergent.
Récupération des polyphénols et protéines
Les lies de vin sont un mélange de micro-organismes (levures ou bactéries), de sels tartriques et de résidus organiques. Actuellement, la valorisation de ce déchet n’est pas optimale et consiste généralement en quatre voies potentielles : l’épandage, le compostage, la distillation ou la méthanisation. Pourtant, les lies regorgent de composés très intéressants tels que des polyphénols ou des protéines. L’extraction et la purification de ces molécules permettraient de produire des ingrédients actifs à haute valeur ajoutée, très recherchés dans le domaine cosmétique.
« En partenariat avec la Maison Éole, une entreprise cosmétique belge qui valorise les résidus du Domaine du Chant d’Éole, nous récupérons ces lies de dégorgement », indique la chercheuse. « Elles sont moins importantes en volume que lors de la première fermentation, mais leurs levures sont vraiment très riches en composés intéressants. Nos travaux visent à valoriser les molécules utiles pour des cosmétiques. Principalement des composés de nature polyphénolique et protéique. »
Capter et réutiliser les acides aminés
Les polyphénols sont des antioxydants. Ils permettant de lutter contre le stress oxydatif et les radicaux libres. Ils peuvent ainsi limiter le vieillissement de la peau. Les protéines sont quant à elles un assemblage de plus petites molécules: les acides aminés.
L’équipe de la HELHA compte sur la collaboration du Centre de recherche agréé Celabor, en province de Liège, pour le bioraffinage et l’extraction des composés d’intérêt des lies de vin.
« Nous nous concentrons aujourd’hui sur la fraction protéique », reprend Coraline Sergent, qui est venue présenter son projet lors de la dernière journée des chercheurs en hautes écoles organisée par SynHERA, la cellule d’accompagnement et de valorisation de la recherche effectuée par les Hautes Écoles et les Centres de Recherche associés. « Notre but est de rendre disponibles les acides aminés présents dans ces protéines ». Leur attrait? Certains font partie de la famille des NMS, des facteurs naturels d’hydratation (en anglais, « natural moisterizing factor »). Ils agissent comme des éponges pour notre peau. Ils sont particulièrement hygroscopiques. »
Innocuité et stabilité à tester
Cette capacité à retenir l’eau est intéressante pour certains cosmétiques destinés à favoriser une bonne hydratation de la peau. « Ce qui signifie une bonne élasticité, moins de rides, etc. », précise la chercheuse. « Par ailleurs, certains acides aminés entrent aussi dans la composition de la kératine, du collagène, de l’élastine et d’autres protéines utiles au niveau de la structure et de la solidité de la peau. »
Outre l’extraction de ces composants d’intérêt et leur caractérisation pour la cosmétique, l’équipe du projet « Cosvi » (cosmétique — vigne) voudrait également tester certains de ses produits. Ceci afin de vérifier leur innocuité, mais aussi de tester la stabilité des divers éléments une fois incorporés dans les formulations. Le projet, financé par la Région Wallonne (WIN2WAL) se clôture en 2025.