Vue d'artiste des satellites Météosat de troisième génération (MTG) © ESA / EUMETSAT

IRS, un sondeur infrarouge appelé à améliorer les prévisions météorologiques

7 septembre 2022
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 6 minutes

Météosat troisième génération (MTG) constitue la troisième génération de satellites météorologiques européens placés en orbite géostationnaire. Les premiers d’entre eux pourraient être lancés cette année et l’an prochain. A bord du second, IRS, un sondeur infrarouge appelé à améliorer les prévisions météorologiques.

Température et humidité en fonction de l’altitude

Pour la première fois, les satellites Météosat réaliseront en continu une analyse « couche par couche » de l’atmosphère. « Le but est d’obtenir des profils verticaux de température et d’humidité. Pour y parvenir, IRS effectuera des mesures dans les bandes d’absorption de la vapeur d’eau et du CO2 avec de très grandes résolution et précision spectrale », explique Dr Nicolas Clerbaux, spécialiste des données météorologiques satellitaires à l’IRM.

« D’habitude, les sondages atmosphériques sont faits avec des ballons-sondes ou par des avions munis de capteurs qui décollent des aéroports locaux. Deux fois par jour, des mesures sont également prises par IASI. Ce sondeur, présent sur les satellites météorologiques européens Metop, est placé en orbite polaire et survole donc notre pays deux fois par jour. C’est la grosse différence avec IRS : celui-ci sera placé en orbite géostationnaire et pourra donc regarder l’atmosphère européenne en continu. Cela fournira des informations météorologiques avec un rafraîchissement bien plus élevé (toutes les heures) qu’actuellement. »

« Ces informations sont très importantes pour caler les modèles météorologiques globaux. Ces profils verticaux permettent, en outre, de connaître la stabilité de l’atmosphère. Et donc, d’analyser et de prévoir le développement convectif des orages. Dans cette optique, il sera très intéressant d’avoir des mesures toutes les heures au lieu de toutes les 12 heures actuellement avec IASI. »

La Terre découpée en tranches

IRS sera placé à quelque 36.000 kilomètres au-dessus de nos têtes. Cette orbite, appelée géostationnaire, tourne à la même vitesse que la Terre. Un satellite qui y est hébergé observe dès lors le même point en continu. Ce sera le cas d’IRS qui, placé au niveau de l’équateur pour des raisons techniques, aura ses détecteurs fixés sans arrêt sur l’Europe et l’Afrique.

Le cercle terrestre observé par IRS est découpé en 4 tranches, dénommées LAC. LAC4 comprend l’Europe dans sa totalité ainsi que le nord de l’Afrique et l’Atlantique Nord (deux régions influençant fortement la météo européenne). Cette zone sera entièrement scannée toutes les 30 minutes. Les trois autres LAC, dont le chiffre décroît vers le sud, seront observées avec une périodicité moindre.

Chacune de ces LAC sera balayée selon des lignes de sondage au départ de l’est via une succession d’observations prenant la forme d’un carré. Chacun de ces sondages spectraux sera enregistré en une image de 160 x 160 pixels, où chaque pixel fait 4 km de côté. L’acquisition d’une LAC prendra 15 minutes. « C’est la première fois qu’une telle précision sera atteinte », précise Serge Habraken, directeur du Centre Spatial de Liège.

Des composants chimiques dans le collimateur

L’instrument prendra des mesures dans deux bandes spectrales : l’infrarouge (IR) à ondes longues (LWIR), de 680 à 1210 cm-1 et l’infrarouge à ondes moyennes (MWIR), de 1600 à 2250 cm-1.

« Il s’agit des deux bandes de transparence de l’atmosphère dans l’IR. Le but d’IRS n’est pas de voir la lumière réfléchie par la Terre dans la gamme IR, mais bien de mesurer le rayonnement IR que la Terre produit d’elle-même par sa propre température », explique Christophe Grodent, directeur commercial du CSL. « Autrement dit, ces images pourront être prises de jour comme de nuit. Plus l’atmosphère sera chaude, plus le signal sera fort. »

« L’instrument va analyser le spectre dans ces longueurs d’onde et le découper en très fines bandes. Et ce, afin d’aller chercher des absorptions atmosphériques liées à la présence de certains composants, notamment O3 dans la bande LWIR et CO dans celle MWIR. Et de là, remonter à leur concentration. IRS fournira une image toutes les 30 minutes de la concentration atmosphérique en ces deux composants », explique Pr Habraken.

Obligation de refroidissement

Avant de prendre son envol, IRS devra passer au banc d’essais au Centre Spatial de Liège. « Il sera testé dans FOCAL 5, une cuve à vide de 5 mètres de diamètre simulant les conditions spatiales», explique Pr Serge Habraken, directeur du CSL. « Des corps noirs, développés en Angleterre et qualifiés par le CSL, injecteront un niveau d’énergie bien connu. Ils seront alimentés en azote par un réservoir situé au sommet de la cuve. »

IRS est un instrument qui fonctionne dans l’infrarouge. Il est dès lors crucial de le refroidir fortement.

“Si vous êtes capable de voir un chien, c’est parce que son pelage renvoie la lumière blanche, composée de longueurs d’onde visibles, émise par une source, le Soleil. Mais le chien lui-même, étant une source de chaleur à 38,5 °C, émet du rayonnement infrarouge”, explique Christophe Grodent, directeur commercial au Centre Spatial de Liège.

“ Une similitude peut être faite avec IRS. L’instrument a comme objectif de mesurer un rayonnement infrarouge qui vient de l’observation de la Terre. Mais si lui-même est chaud, il va détecter le rayonnement qu’il émet en plus du rayonnement en provenance de la Terre. Ce qui conduira à une superposition de deux signaux impossibles à discriminer.”

“ Pour effacer ce rayonnement interne, il faut réduire la température de l’instrument. La longueur d’onde de son rayonnement va alors s’allonger, et va se réduire énergétiquement parlant. Ainsi, on ne regardera que ce qui nous intéresse : le rayonnement IR émanant de la Terre. C’est ce qu’on appelle le rapport signal sur bruit.”

C’est ainsi que l’instrument, lorsqu’il sera testé au CSL, devra être extrêmement refroidi, à une température de l’ordre de -250 °C. “A titre de comparaison, concernant des instruments d’observation de l’Univers, la température est même inférieure à cela. Ce fut le cas avec le télescope spatial Planck, qui fut lancé en 2009 : le CSL n’avait pas participé à sa calibration, mais devait garantir l’environnement spatial. Pour ce faire, il avait fourni une coquille froide à 20 kelvins (soit -253°C), localement à 4 kelvins (soit – 269 °C) ! Ensuite, le client Thales avait activé ses boucles de refroidissement en chaîne. Et à la fin de la dernière boucle, en température absolue, une température de 0,1 kelvin (soit -273,05 °C) a été atteinte pendant 15 jours. Le point le plus froid de l’Univers ! C’était unique”, conclut Christophe Grodent.

4 imageurs, 2 sondeurs

Entre 2002 et 2015, ont été mis en orbite les 4 satellites de la famille Météosat seconde génération (MSG) développés sous la responsabilité de l’agence spatiale européenne ESA pour le compte de l’organisation météorologique européenne EUMETSAT. Arrivant en fin de vie, ils doivent être progressivement remplacés, à partir de cette année, par des satellites MTG.

Ils seront au nombre de 6. Quatre seront des imageurs (MTG-I), deux des sondeurs (MTG-S), se différenciant par les instruments embarqués. Chacun des deux sondeurs aura à son bord un IRS et un Sentinel-4. Ce dernier, composant du programme européen Copernicus, mesurera les concentrations de gaz à l’état de trace et des aérosols dans l’atmosphère terrestre.

« L’avantage de ces satellites, par rapport aux précédents Météosat, c’est leur grande stabilité, due à 3 axes de stabilisation. On peut dès lors espérer une très bonne qualité d’image », mentionne Pr Habraken.

Dans la configuration opérationnelle de cette constellation de satellites météorologiques, l’opérateur EUMETSAT a prévu de disposer en permanence de deux imageurs et d’un sondeur. Les premiers modèles d’imageur et de sondeur devraient être lancés en 2022 et en 2023, respectivement. Le 2e modèle d’imageur, en 2024. La durée de vie de chaque satellite étant de 7 ans, le lancement du second sondeur et des autres imageurs est prévu après 2030.

 

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