La présence d’espaces verts est reconnue comme bénéfique pour la santé et le bien-être. C’est dans ce cadre qu’a été formulée en 2021 par le professeur Cecil Konijnendijk, chercheur à l’Université de Colombie-Britannique, la règle du 3-30-300, adoptée par de nombreuses villes à travers le monde. Elle fixe trois critères pour garantir un accès équitable à la nature : voir au moins trois arbres depuis son domicile, vivre dans un environnement avec au moins 30 % de couverture arborée, habiter à moins de 300 mètres d’un espace vert de qualité.
Dans le cadre de ses travaux sur l’accès aux droits fondamentaux en Wallonie, l’IWEPS (Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique), en collaboration avec le Département des données transversales du SPW, a évalué l’approche 3-30-300 en Wallonie francophone à partir de trois types de données : enquêtes, imagerie aérienne (orthophotos et LiDAR) et données administratives/statistiques sur la localisation de la population.
Résultats ? Au total en 2023-2024, si 94,2 % de la population de Wallonie francophone bénéficient du critère « vision de 3 arbres » et 78,3 % ont accès à un parc, un bois, une forêt ou un espace vert public à moins de 300 m de leur logement, à peine 10,6 % vivent dans un voisinage avec au moins 30 % de canopée. « C’est donc clairement la condition des 30 % de canopée qui est la moins rencontrée en Wallonie et illustre le manque d’arbres grands d’au moins 3 mètres dans les zones résidentielles », analysent Julien Charlier, chercheur à l’IWEPS, et ses collègues dans le rapport « Espaces arborés et lieux de vie en Wallonie – Application de la règle 3-30-300 ».

L’accès visuel aux arbres reste inégal
Lors de l’enquête ISADF (Indicateur Synthétique d’Accès aux Droits Fondamentaux) menée en 2024 auprès de 23 825 personnes, 94,2 % des habitants des 252 communes wallonnes francophones ont déclaré voir au moins 3 arbres depuis leur domicile.
Mais qu’entend-on par « arbre » ? En botanique, il n’existe pas de définition standard. Toutefois, dans le cadre de cette étude, un arbre est une plante de minimum 3 mètres de haut, vivace, ligneuse dont le tronc s’épaissit au cours du temps.

« Avec une lecture de la cartographie d’ouest en est, les valeurs les plus faibles (entre 80 et 87 % de la population, NDLR) sont localisées, d’une part, dans la province du Hainaut, avec quelques groupes de communes identifiables notamment au nord (près de Mouscron et Tournai), à Mons et dans les communes situées au sud de Mons, dans l’agglomération de La Louvière, à Charleroi et dans les communes à l’est de Charleroi. Un autre groupe de communes est, d’autre part, repérable en province de Liège sur un axe partant de Engis, dans des communes urbaines le long de la Meuse, comprenant l’agglomération de Liège et jusqu’à Bassenge au nord », mentionnent les chercheurs de l’IWEPS.
30% de canopée pour à peine moins de 12% des Wallons
La canopée correspond à la couverture arborée. Elle se mesure en pourcentage dans un environnement défini : dans le cadre de l’étude menée par l’IWEPS, il s’agit de l’espace compris dans un rayon de 500 m autour de chaque point-adresse.
Les effets bénéfiques de la canopée sur la santé ont été démontrés dans de nombreuses études. Ainsi, une couverture de 30 % de canopée est associée à une réduction d’un tiers de la mortalité pendant les vagues de chaleur. Des pourcentages de canopée élevés induisent des microclimats plus agréables, et améliorent les habitudes de sommeil, la santé mentale et globale. Ils purifient également l’air, soutiennent la biodiversité, captent le CO2, atténuent le risque d’inondation.
Malgré ces bénéfices innombrables, à peine 11,5 % des Wallons et Wallonnes, soit 423 576 habitants, disposent d’au minimum 30 % de canopée dans leur environnement proche.

« La répartition spatiale de la population wallonne qui réside dans un environnement de vie avec moins de 30 % de canopée souligne les inégalités régionales les plus fortes par rapport à cet enjeu. Cela concerne 3 267 618 Wallons et Wallonnes, soit 88,5 % de l’ensemble de la population de Wallonie en 2024. Les pourcentages de la population de chaque commune qui bénéficient de ce critère sont très étendus, de 0 % à 83,8 %. C’est donc une condition très discriminante liée notamment aux caractéristiques des régions agrogéographiques. Dans 28 communes, aucun habitant ne répond à cette condition (=0 %). Il s’agit essentiellement de communes à caractère agricole marqué, soit pourvues de grandes cultures sur sols limoneux comme en Hesbaye liégeoise ou hennuyère (« Tournaisis »), soit de bocages comme dans le Pays de Herve. Les valeurs absolues les plus élevées se situent assez logiquement dans les communes des grandes agglomérations urbaines (plus de 50 000 habitants), notamment Liège et Charleroi, mais aussi Mouscron, Mons, La Louvière et Namur », expliquent les chercheurs de l’IWEPS.

8 Wallons sur 10 bénéficient d’un espace vert à 300 m de chez eux
D’après leur ressenti, environ 78,3 % des Wallons et Wallonnes ont accès à un parc, un bois, une forêt ou un espace vert public en moins de 5 minutes à pied de chez eux. C’est-à-dire à moins de 300 mètres de leur domicile. C’est ce qui ressort de l’enquête ISADF 2024. De façon plus précise, mentionnons que les résultats varient d’un territoire à l’autre avec un minimum de 58,9 % et un maximum de 94,2 %.

« Avec une lecture d’ouest en est, les valeurs les plus faibles sont localisées dans la province de Hainaut, avec quelques groupes de communes identifiables notamment au nord, de Mouscron à Ath, du côté de Quaregnon, Boussu, Colfontaine, dans les communes à l’ouest et à l’est de Charleroi, au nord de la province de Liège, de Waremme à Ans (Hesbaye) et jusqu’à Grâce-Hollogne. Par ailleurs, toute la partie sud de la région, au sud du sillon Sambre-et-Meuse, est caractérisée par des valeurs élevées à très élevées pour ce troisième critère de l’approche 3-30-300 », expliquent les chercheurs de l’IWEPS.
Lutter contre les inégalités régionales
Lorsque l’on regarde ensemble les indicateurs 3-30-300, il apparaît que trois groupes de communes contigües sont particulièrement mal logés en termes de verdurisation globale. Avec une moyenne normalisée des trois indicateurs 3, 30 et 300 inférieure à 0,20 elles sont repérables en vert pâle sur la carte.

« Un premier groupe est situé à l’ouest de la province du Hainaut, de Comines-Warneton à Ath. Un second groupe rassemble plusieurs communes à l’est de la province du Hainaut incluant quelques communes au sud de Mons, les villes de Binche et La Louvière et les communes voisines, la ville de Charleroi et les communes à l’est de Charleroi et jusqu’à la commune de Sambreville localisée en province de Namur. Un troisième groupe de communes avec des valeurs faibles concerne la commune de Liège et quelques communes au nord de celle-ci. »
« Si le souhait est d’améliorer l’accès à un environnement sain, ce seraient donc dans ces communes-là que la préservation des espaces arborés matures existants, la plantation d’arbres, la restauration d’espaces arborés ou la mise à disposition d’espaces verts serait à développer en priorité », concluent les chercheurs de l’IWEPS. « La cartographie fine de la canopée croisée à la population permet d’ailleurs de préciser les quartiers les moins bien dotés à prioriser dans le cadre de politiques d’amélioration du cadre de vie et du bien-être et de limitation des inégalités socio-environnementales. »