La constellation d'Orion (à gauche de l'arbre) est visible en hiver sous nos latitudes © Crushman (Pixabay)

Découverte d’un nouveau type d’étoiles « bi » dans les constellations d’Orion et de la Girafe

8 avril 2020
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Il y a du neuf dans l’Univers. Les astronomes de l’Université libre de Bruxelles viennent de découvrir un nouveau type d’étoiles dans la constellation d’Orion et dans celle de la Girafe, visibles depuis l’hémisphère nord. Ils ont observé pour la première fois des étoiles « bitrinsèques ». Pourquoi “bi” ? Parce qu’elles sont doublement enrichies en éléments plus lourds que le fer, une sorte de palier dans la vie des étoiles. Mais également parce que ces étoiles sont aussi, et nécessairement, des systèmes binaires. C’est-à-dire que chaque étoile concernée possède une étoile compagnon, qui orbite autour d’elle.

La piste du technétium

C’est la Dre Shreeya Shetye, post-doctorante à l’Institut d’Astronomie et d’Astrophysique, et désormais chercheuse du programme EOS cogéré par le FNRS et son pendant flamand le FWO, qui est à l’origine de cette découverte. Elle s’inscrit dans la suite de sa thèse.

Au cours de celle-ci, la chercheuse avait pu montrer, en utilisant des données d’astrométrie obtenues grâce au satellite européen Gaia et des observations réalisées depuis l’observatoire de Roque de los Muchachos, aux Canaries, que des étoiles moins massives qu’1,5 ou 2 fois la masse du Soleil étaient capables de contribuer à l’enrichissement chimique de la Galaxie. Un travail qui se basait sur la présence de technétium à la surface de certaines de ces étoiles.

La découverte d’étoiles bitrinsèques se base également sur la détection de technétium. « Le premier enrichissement en éléments lourds de ces étoiles bitrinsèques a lieu lorsque l’étoile-compagnon produit elle-même des éléments lourds par nucléosynthèse, lors d’une phase très avancée de son évolution », explique la Professeure Sophie Van Eck, de l’Institut d’Astronomie et d’Astrophysique de l’ULB, qui a codirigé cette recherche. « Quand elle produit des éléments lourds, comme le technétium, on dénomme ce type d’étoile « intrinsèque ». »

Constellation d’Orion Till Credner / CC BY-SA (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)

Polluée par son étoile-compagnon

« Lorsqu’elle arrive en fin de vie, cette étoile intrinsèque éjecte son enveloppe et devient alors une naine blanche. Son enveloppe et les éléments lourds qu’elle contient vont alors polluer l’étoile voisine. Ainsi polluée, celle-ci est appelée étoile extrinsèque. Mais, quant à son tour, elle évolue et atteint le stade où elle est capable de produire elle-même des éléments lourds, ce type d’étoile doublement enrichie, est dès lors dénommée étoile bitrinsèque. »

Comment les astronomes sont-ils certains que les éléments lourds observés sur la deuxième étoile de ces systèmes binaires ne sont pas uniquement le fruit de la pollution générée par leur voisine ? Tout simplement parce que le technétium n’a pas une durée de vie très longue.

L’isotope 99Tc produit par le technétium affiche un court temps de demi-vie (210.000 ans). C’est très peu par rapport à l’échelle de l’évolution stellaire qui, elle, se compte en milliards d’années. La présence de cet isotope atteste donc que ces étoiles sont en phase de nucléosynthèse active.

 

 

Double pollution, interne et externe

Par ailleurs, certains produits de désintégration de radio-isotopes ne sont surabondants qu’à la surface des étoiles extrinsèques : c’est le cas du niobium. L’observation simultanée de technétium et de niobium dans deux étoiles a permis de déduire qu’elles avaient subi une double pollution, l’une externe, ensuite l’autre, interne.

L’enrichissement chimique des atmosphères stellaires peut donc se produire à la fois par nucléosynthèse propre et par pollution extérieure. « Nous soupçonnions l’existence de ce type d’étoiles », précise encore la Pre van Eck. « Avec les travaux de Shreeya Shetye, nous avons pu les observer. »

Collaboration avec la KULeuven et son télescope Mercator

Soulignons encore que pour mener à bien ses travaux, la chercheuse a utilisé un télescope belge situé aux Canaries: le télescope Mercator, géré par la KULeuven, sur l’île de La Palma. Le télescope Mercator est installé à l’observatoire Roque de los Muchachos, géré lui par l’Institut d’astrophysique des Canaries.

Quant au détecteur Hermes, utilisé sur le télescope Mercator et qui a permis d’obtenir ces données, il s’agit d’un spectromètre à haute résolution qui est cofinancé par la KULeuven, l’ULB via le F.R.S-FNRS, et l’Observatoire Royal de Belgique.

 

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