Les pommes aussi souffrent de coups de soleil. Sur leur face tournée vers le ciel, une large tache brune macule la peau de fruits en pleine croissance. Suite à la brûlure du soleil, leurs tissus se nécrosent et pourrissent. Le phénomène touche tout le pays. Sale temps pour les arboriculteurs.
Des pommes avec des coups de soleil, cela s’est déjà vu en Belgique. Mais jamais avec une telle ampleur. « Les pics de température à 40°C que nous avons connus cet été ont provoqué, en très peu de temps, de très gros dégâts sur les arbres fruitiers », explique Marc Lateur, directeur de l’unité de recherche « amélioration des plantes et biodiversité » au sein du Centre wallon de Recherches agronomiques (CRA-W).
Les fruits exposés au sud et proches de l’apex sont les plus colorés et les plus riches en sucres ainsi qu’en vitamines. Mais aussi les plus impactés par les coups de soleil. En Flandre, de 30 à 50 % des Jonagold, la variété dominante, seraient marquées par ces érythèmes solaires. En Wallonie, la proportion de pommes abîmées serait comprise entre 5 % et 20 %, dépendant de la variété, de la hauteur de l’arbre et de son âge.
Les vieux arbres et hautes tiges moins touchés
Un arbre jeune pêche par son petit nombre de branches. Moins touffu que les aînés, il procure moins d’ombre aux fruits. Davantage exposés au soleil, ceux-ci sont plus susceptibles de griller lors des épisodes de canicule.
Il en est de même avec les arbres basses tiges. C’est-à-dire atteignant au maximum 2 à 4 mètres de haut. Leur petit volume les rend bien moins protecteurs en cas d’ensoleillement excessif que leurs ancêtres à hautes tiges. Ces derniers s’élèvent jusqu’à 10 ou 12 mètres de haut.
Prédominants, jadis, dans nos vergers, ils ont été massivement remplacés par des fruitiers basses tiges dans les années 70. Et ce, afin d’en faciliter la culture et la récolte par des engins agricoles alors en plein développement. En 2000, les arbres hautes tiges n’étaient présents que dans 1 % de nos vergers.
Après cette phase de rapetissement des fruitiers, marche arrière toute. Pour rendre les vergers plus résilients face aux changements globaux, les arbres devront être plus grands à l’avenir. « S’ils sont moins productifs à l’hectare, les arbres hautes tiges sont bien plus résistants aux aléas climatiques que les basses tiges. De plus, leur porte-greffe robuste, allié à un système racinaire profond, permet de se passer à la fois de tuteur et d’irrigation en assurant à l’arbre un apport naturel en eau même en cas de sécheresse », explique Marc Lateur.
Inégalité des variétés face aux coups de soleil
Avec son équipe, il cherche à sélectionner des porte-greffes et des variétés alliant exigences industrielles et comportement biologique intéressant.
C’est que toutes les variétés ne sont pas égales face aux agressions climatiques, notamment aux coups de soleil. Dans le verger conservatoire de Gembloux, certaines s’en tirent clairement mieux que d’autres. De prime abord, c’est le cas de la Ducasse, une variété nouvellement développée par l’équipe de recherche. « A l’avenir, nous allons devoir tenir compte des événements extrêmes comme les canicules. Il nous faut identifier les variétés les moins sensibles. »
Cueillette précoce de pommes brûlées
L’ aspect visuel étant primordial, les pommes à la peau brûlée ne prendront pas le chemin des étals. Toutefois, « à condition que la surface abîmée n’excède pas 10 à 15 % de celle du fruit, elles pourraient être transformées, notamment en jus. » Cela vaudrait donc la peine de laisser ces fruits peu abîmés entamer leur maturation sur l’arbre. « Mais les producteurs préfèrent ne pas prendre de risque et font tomber la totalité des fruits marqués par un coup de soleil. »
Va-t-on les voir arracher à tour de bras leurs pommiers trop sensibles ? Marc Lateur n’y croit guère. « La plantation d’arbres fruitiers et de leurs tuteurs nécessitent des investissements financiers importants. Alors qu’avant on pouvait espérer un amortissement sur 10 ou 12 ans, il faut désormais attendre 15 ans. En effet, le prix de vente des fruits a dégringolé en même temps que le prix d’achat des arbres et le coût de la main-d’œuvre ont augmenté. À cela s’ajoute la très grosse crise que vit le secteur professionnel des pommes et des poires. Résultat : il n’y a pas de moyens pour de nouvelles plantations. »
À court terme, les producteurs vont donc garder leurs arbres basses tiges, vendre tant bien que mal leurs fruits à l’industrie et prier pour que pareille situation climatique ne se réitère pas trop vite.