Eléphant de forêt © Thomas Breuer - https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=2507332

Les exploitations forestières constituent un refuge de choix pour les éléphants de forêt

8 août 2023
par Laetitia Theunis
Durée de lecture : 4 min

Plus de 80% des éléphants de forêt que comptait la planète ont disparu ces 40 dernières années. Suite à la mise en place de patrouilles anti-braconnages, ils sont désormais plus abondants dans les exploitations forestières qu’en forêt naturelle. Représentant 27 % de la superficie forestière en Afrique centrale, les forêts exploitées pourraient devenir un élément clé de la stratégie de conservation de ces pachydermes. C’est ce qui ressort d’une vaste revue de littérature menée par Morgane Scalbert, doctorante au sein de l’axe de recherche Gestion des ressources forestières à Gembloux Agro-Bio Tech (ULiège).

Depuis le début du commerce de l’ivoire à l’époque coloniale, des millions d’éléphants de forêt ont été chassés pour leurs défenses. « Cela a conduit à des densités extrêmement faibles et parfois même à des extinctions locales, comme ce fut notamment le cas en République démocratique du Congo. » Et à son inscription sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature comme étant en danger critique d’extinction.

Trois menaces de taille

En Afrique centrale, l’exploitation du bois est un secteur économique majeur en expansion. Elle est très sélective, ne prélevant que les arbres à haute valeur économique.

« L’exploitation forestière nécessite l’ouverture de centaines de kilomètres de routes au sein des forêts. Les routes actives sont généralement évitées par les éléphants de forêt. » Cette industrie nécessite également de la main-d’œuvre impliquant l’implantation d’infrastructures et de cultures vivrières au cœur des forêts.

Bien qu’il existe des normes pour limiter l’impact environnemental d’une telle activité, il est évident qu’elle conduit à une fragmentation du paysage, à faciliter le braconnage et à une perte d’habitat, trois facteurs constituant la plus grande menace pour les éléphants de forêt.

Concentration dans les zones exploitées

« Alors que des populations d’éléphants de forêt ont été observées dans les aires protégées, des études récentes soulignent également la persistance de certaines populations importantes en dehors de ces zones, notamment dans les forêts exploitées. Ces dernières constituent 54 millions d’hectares, ce qui correspond à 27% de la superficie des forêts pluviales d’Afrique centrale. C’est deux fois la taille des aires protégées, qui couvrent 27 millions d’hectares », explique la chercheuse.

Dans le nord de la République du Congo, les éléphants sont également plus abondants dans les zones exploitées que dans les zones non exploitées. Il en est de même dans le parc national de Kibale, dans l’ouest de l’Ouganda.

Pour expliquer ce phénomène, les auteurs avancent trois hypothèses. « Tout d’abord, les conditions de lumière et le microclimat résultant des trouées dans la canopée favorisent le développement d’espèces herbacées et arbustives exigeantes en lumière particulièrement appréciées par les éléphants de forêt. Ensuite, ils peuvent être attirés par les cultures installées dans les villages à proximité des zones exploitées. Enfin, les efforts d’application de la loi pour protéger la faune dans certaines concessions bénéficient directement aux éléphants de forêt dans les zones surveillées », résume Morgane Scalbert.

Un acteur essentiel dans le maintien de certaines essences

Par la grande quantité de fruits qu’ils consomment et les longues distances qu’ils parcourent, les éléphants de forêt contribuent fortement à la dissémination de plusieurs centaines d’espèces de plantes tropicales.

Pour ces dernières, à condition que leurs graines n’aient pas été détruites par la digestion et qu’elles soient déposées dans un endroit propice à leur développement, les bénéfices sont multiples : « Une moindre concurrence entre les graines, un temps de germination réduit, une croissance plus rapide et de meilleures conditions de développement. »

Sa capacité à ingurgiter de très grosses graines fait de l’éléphant de forêt un disséminateur inégalé. « 27 études sur les graines trouvées dans les excréments d’éléphants dans les forêts africaines ont permis de répertorier les espèces de bois de la forêt tropicale africaine dispersées par le pachyderme : 18 espèces principales ont été identifiées, dont Bobgunnia fistuloides l’une des espèces les plus chères du marché. Ainsi que 23 espèces de bois moins connues, peu commercialisées, mais présentant des propriétés intéressantes. »

Parmi les variétés d’arbres dépendant exclusivement des éléphants de forêt pour leur dispersion, quatre sont commerciales : Autranella congolensis, Detarium macrocarpum, Klainedoxa gabonensis et Mammea africana. Leur régénération serait compromise si le déclin des populations d’éléphants de forêt se poursuit.

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