Depuis l’espace, « Sentinel-3A » surveille en permanence la couleur de l’océan. « On devrait en réalité plutôt parler des couleurs de l’océan et de ses multiples nuances », estime François Montagner, qui dirige l’équipe des « applications marines et océaniques » d’Eumetsat.
Sentinel-3A est un des satellites européens développés par l’Agence spatiale européenne (ESA) pour le compte de l’Union européenne et son programme Copernicus.
Et Eumetsat est « l’autre » agence spatiale européenne, celle qui gère la flotte de satellites météorologiques européens. En Belgique, les informations récoltées depuis l’espace par Eumetsat sont notamment utilisées par l’Institut Royal météorologique pour ses prévisions météo, pour l’alimentation de ses modèles numériques ou encore pour ses travaux de recherche. Mais aussi par les scientifiques de l’Institut Royal des sciences naturelles de Belgique et plus particulièrement ceux de sa direction « Milieux naturels ».
La chaine alimentaire sous surveillance
Que viennent faire les couleurs de l’océan dans ce contexte? « L’eau pure est théoriquement bleue » explique François Montagner. « Mais de nombreux paramètres influencent cette couleur, comme les particules et les matières en suspension, qu’il s’agisse de particules issues du vivant ou du monde minéral.
Ce que nous pouvons observer comme nuances de couleurs depuis l’espace relève surtout du vivant: le plancton. Ce type d’observation est une donnée clé en ce qui concerne les modèles de chaine alimentaire. S’il y a du plancton, il y a donc de la nourriture, ce qui va favoriser la présence de zooplancton, de poissons, de cétacés, etc. Avec nos observations, nous pouvons donc suivre un des points de départ de la chaine alimentaire. Avec tout ce que cela peut signifier sur la gestion de stocks de poissons et la pêche par exemple ».
Transport de matières par les fleuves
« Ces changements de couleur de l’océan nous apportent également d’autres informations intéressantes dans le cadre d’études scientifiques. Par exemple l’érosion, et les échanges entre la terre et l’océan en zones côtières, via les particules charriées par les fleuves et leur fluctuation au fil des saisons ».
Ce suivi des couleurs depuis l’espace, est-ce réellement neuf? « Ce qui est nouveau, avec Sentinel-3A, c’est l’instrument OLCI (Ocean and Land Colour Imager) », reprend François Montagner.
Des observations désormais «opérationnelles »
« Depuis les années 1980, les satellites américains et européens observent les couleurs de l’océan depuis l’espace. Mais de manière expérimentale et moins systématique. Avec Sentinel 3A, nous passons à la vitesse supérieure. Les observations sont désormais opérationnelles ».
Qu’il s’agisse du phytoplancton, de la prolifération d’algues toxiques, du transport de sédiments dans les régions côtières, d’épisodes El Niño et La Niña ou de manifestations du changement climatique, les applications que permet l’instrument de détermination de la couleur des surfaces continentales et océaniques (OLCI) sont multiples.
En lien direct avec les prévisions météorologiques
Et toutes entrent dans le cadre du « cœur de métier » d’Eumetsat, qui est bien entendu la prévision météorologique. “Dont la météo marine qui s’intéresse aux vents et aux vagues, mais aussi de plus en plus aux courants et à la houle », précise François Montagner.
Grâce aux modèles numériques, nous en arrivons à prévoir quel sera l’état de l’océan, y compris ce qui se déroule en son sein. Les modèles numériques décrivent et prédisent ce qui se passe en trois dimensions. Outre le suivi de l’état de santé de la planète, cela permet également d’offrir des services liés à la sécurité de la navigation par exemple, en parfait couplage avec les prévisions météorologiques.