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La Lune vieillit de 150 millions d’années

9 août 2019
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 6 min

Quel est l’âge du système solaire ? « On fixe la création de notre planète et du système solaire à 4,567 milliards d’années », explique la Dre Vinciane Debaille, responsable du laboratoire G-TIME (Geochemistry: Tracing with Isotopes, Minerals, and Elements), à l’Université Libre de Bruxelles (ULB). Comment le sait-on ? « Grâce aux minéraux les plus anciens que nous avons pu dater jusqu’à présent. Ils se sont formés à cette époque lointaine, au départ du nuage de gaz qui a donné naissance à notre système solaire », poursuit la scientifique.

Et la Lune ? « La théorie qui tient actuellement le plus la corde concernant la naissance de la Lune passe par un impact entre la Terre primitive et un autre corps céleste de la taille de Mars. Lors de cet impact, des débris ont été éjectés des deux corps. Ces débris se sont ensuite agglomérés pour former la Lune ».

Une étude menée sur des roches lunaires des missions Apollo

Quant à savoir quand s’est produit cet événement, les géologues et les planétologues hésitent. Ou du moins, hésitaient.

« Nous ne pouvons mesurer directement la date de cet impact. Les chercheurs se basent donc uniquement sur des déductions issues de modélisations de la formation du système solaire », précise la scientifique bruxelloise. C’est ici qu’interviennent les dernières avancées en la matière, dues aux travaux du Dr Maxwell Thiemens.

Membre du Laboratoire G-TIME de la Faculté des Sciences de l’Université libre de Bruxelles dans le cadre du projet EoS «ET-HoME», Maxwell Thiemens est le premier auteur d’une étude sur la Lune réalisée lors de sa thèse à l’Université de Cologne.

Ses nouvelles données indiquent que cet impact a eu lieu 50 millions d’années après le début du système solaire et non 200 millions d’années, comme on le pensait précédemment. La Lune a donc 150 millions d’années de plus que les précédentes estimations.

Le Dr Thiemens est arrivé à cette conclusion en analysant la composition chimique de quelques échantillons lunaires rapportés par les astronautes des missions Apollo.

Le hafnium et le tungstène livrent la clé du mystère

Avec ses collègues, il a comparé la teneur en différents éléments de roches formées à différentes époques. La relation entre des éléments rares tels que le hafnium, l’uranium et le tungstène peut notamment être utilisée comme une «sonde». Et ce, afin de quantifier le pourcentage de fusion qui a produit les roches basaltiques présentes dans les  « mers » de la Lune. Il s’agit des taches noires à la surface de la Lune qui n’ont de mer que le nom !

« L’étude du hafnium et du tungstène sur la Lune est particulièrement importante, car ces éléments constituent une horloge radioactive naturelle. L’isotope hafnium-182 se désintègre en effet en tungstène-182 », précise-t-on à l’ULB. « Ce processus s’est arrêté alors que le système solaire n’avait que 70 millions d’années. Les chercheurs ont combiné les données de hafnium et de tungstène obtenues lors de l’analyse des échantillons lunaires, d’une part, et les connaissances sur leur affinité avec certains minéraux obtenues par le biais d’expériences, d’autre part. » Leur étude conclut que la Lune a commencé à se solidifier environ 50 millions d’années après la formation du système solaire.

De nouveaux échantillons lunaires à l’ULB

Les chercheurs de l’ULB sont loin d’en avoir terminé avec la Lune. Ils viennent de recevoir cinq nouveaux échantillons microscopiques d’une certaine famille de roches lunaires issus des missions Apollo 16, 17 et 18.

« Il existe trois grandes familles de roche lunaires », explique la Dre Debaille. « Il y a tout d’abord la famille des roches blanches, des anorthosites. Ce sont des minéraux très clairs qui rendent la Lune lumineuse. » Vient ensuite la famille des « mers », comme la mer de la Tranquillité où s’est posé Apollo 11 il y a 50 ans. « Il s’agit de régions plus sombres, à cause de la présence de basaltes très riches en titane », dit la chercheuse.

Enfin, la troisième famille est mystérieuse et dite riche en magnésium. « C’est un peu une catégorie fourre-tout de roches lunaires », indique Vinciane Debaille. « En réalité, elle ne se compose pas d’une seule famille, mais de plusieurs sous-familles de roches. Et ce sont celles-ci que nous allons désormais étudier à l’ULB ».

Objectif : face cachée

« Les échantillons lunaires que nous venons de recevoir à l’Université libre de Bruxelles proviennent précisément de cette troisième famille de roches. Nous allons tenter de comprendre quelles sont les événements qui leur ont donné naissance et comment d’un point de vue géologique, elles ont évolué ».

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Sur la Lune, il y a des roches blanches, des anorthosites. Ce sont des minéraux très clairs qui rendent la Lune lumineuse. Les régions plus sombres, comme la mer de la Tranquillité où s’est posé Apollo 11 il y a 50 ans, sont dues à la présence de basaltes très riches en titane.

Pourquoi ne se contente-t-on pas d’étudier simplement les météorites qui tombent sur Terre pour mieux connaître la Lune ? La plupart de ces météorites proviennent pourtant de notre satellite naturel.

« Les échantillons lunaires et les météorites lunaires sont complémentaires », indique la Dre Debaille. « Un des grands attraits des roches lunaires est qu’on connaît parfaitement leur site d’origine. Cette localisation nous échappe par contre totalement en ce qui concerne les météorites : elles peuvent provenir de n’importe quelle région de la surface lunaire ».

« Ensuite, les roches lunaires provenant des récoltes faites par les astronautes du programme Apollo sont parfaitement préservées de toute contamination terrestre, érosion voire pollution par notre propre atmosphère. Ce qui n’est évidemment pas le cas des météorites, parfois découvertes des milliers d’années après avoir touché la Terre ».

La Lune est loin d’ avoir livré tous ses secrets. La géologue de l’ULB aimerait en apprendre davantage sur les roches de… la face cachée du satellite naturel de la Terre. « Il existe manifestement des anomalies chimiques entre les roches provenant de la face visible de la Lune et celles de la face cachée. Le relief de la face cachée est d’ailleurs très différent de celui de la face visible. Pouvoir analyser des échantillons de roches provenant de la face cachée est un rêve que caresse tout géologue. Cela nous en dirait un peu plus sur l’histoire à la fois de la Lune et de notre propre planète !  »

 

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