Combattre les infections par l’alimentation

9 octobre 2017
Par Camille Stassart
Durée de lecture : 4 min

La résistance des bactéries aux antibiotiques menace de plus en plus notre santé mais aussi celle des animaux d’élevage. Le porc, viande la plus consommée en Belgique, développe des infections contre lesquelles plus aucun traitement n’est efficace.

Une équipe de trois chercheurs de la faculté Gembloux Agro-Bio Tech (Université de Liège), dirigée par la professeur Nadia Everaert, étudie depuis 2014 des alternatives aux antibiotiques administrés à ces cochons d’élevage.

Des infections intestinales dues au sevrage

Le projet, mené à l’unité « Élevage de Précision et Nutrition », se penche plus particulièrement sur des alternatives pour traiter les infections intestinales dont souffrent les porcelets.

« Ce sont les infections les plus courantes après les problèmes pulmonaires», explique Nadia Everaert, docteur en agronomie et spécialiste de la nutrition et de la santé du porc et de la volaille. « Une fois installées, les bactéries responsable de la maladie sont très difficiles à éliminer. Il est urgent d’y trouver une solution ».

Pour la scientifique, ces complications intestinales trouveraient leurs origines dans le sevrage de l’animal.

Un système immunitaire affaibli peut entraîner la mortalité précoce des cochons. Pour l’instant, les éleveurs tentent de freiner ce phénomène en administrant massivement des antibiotiques. La Belgique est le 6e pays en Europe à enregistrer un des plus élevé taux d’utilisation de ceux-ci. Selon les derniers chiffres du SPF Economie, le secteur porcin représente 20% de la production animale.

Un microbiote influencé par les aliments

Les agronomes de Gembloux proposent une alternative aux antibiotiques : un nouveau régime alimentaire pour les porcelets. Par ce biais on modifie la composition de leur microbiote intestinal, on améliore leur santé.

« Dans le tube digestif, le microbiote se développe surtout après la naissance. Ce que le porcelet ingère à partir de ce moment-là va l’impacter », reprend le Dr Everaert. « Et comme il y a des interactions entre microbiote et maturation du système immunitaire, améliorer l’un renforce l’autre ».

En collaboration avec le Centre Wallon de Recherche Agronomique (CRA-W) qui dispose d’une porcherie, plusieurs stratégies alimentaires sont mises en place par l’équipe.

« L’une d’elles consiste à ajouter à l’alimentation des porcelets avant leur sevrage des suppléments auxquels peuvent être incorporés des probiotiques ou des prébiotiques » précise la chercheuse.

Pour rappel, les probiotiques sont des bactéries qui agissent en favorisant l’élimination des « mauvaises » bactéries. Les prébiotiques, quant à eux, sont des nutriments qui stimulent l’activité des probiotiques. Ils rééquilibrent de cette façon la flore intestinale.

L’idée est de préparer au mieux le microbiote du porcelet au stress qu’il ressentira quand il ne sera plus nourri au lait maternel. Des recherches sont menées en parallèle afin de sélectionner plusieurs prébiotiques, produits, coproduits, et ingrédients pouvant intervenir dès le sevrage.

Le régime des truies a un impact sur la santé de leurs petits

Une autre stratégie repose sur le régime de la truie. Les chercheurs se sont rendu compte que jouer sur l’alimentation de la mère affecte le microbiote des petits.

« Les changements alimentaires opérés chez la truie se transmettraient au lait qu’ils ingèrent, mais aussi via les matières fécales de leur mère. Lors de gestation le régime alimentaire de la truie est aussi crucila car les bactéries sont transmises via le placenta chez le porcelet à naître » expose le Pr Nadia Everaert.

Cela conduit à une modification du microbiote intestinale du porcelet. « Par contre, on ne sait pas encore si cela a un effet positif sur leur santé intestinale ».
La suite de ses recherches visera à évaluer la pertinence de cette approche. Ainsi qu’à déterminer le meilleur moment pour modifier le régime de la mère: durant la gestation, la lactation, ou bien les deux périodes?

Une industrie à repenser

Ce sujet de recherche intéresse évidemment beaucoup les industriels. Dès ce mois d’octobre 2017, l’équipe de Gembloux, en partenariat avec le Centre Structurel Interdisciplinaire de Recherche de la Faculté de Médecine vétérinaire de l’ULiège et le CRA-W, collaborent dans une nouvelle étude avec quatre entreprises belges : Vésale Pharma , Dumoulin, Artechno  en Wallonie, et Aveve Biochem en Flandre.

Ce projet soutenu par le pôle de compétitivité de l’agro-industrie wallonne, Wagralim, se place dans la continuité des recherches conduites par l’équipe du Pr Everaert. L’objectif des partenaires est d’élabore de nouveaux produits qui renforceront la santé intestinale des porcelets.

La spécialiste de la santé des cochons concède néanmoins que le modèle industriel sur lequel repose l’élevage de porc pose aussi question. Notamment l’âge de la séparation du porcelet et de la mère.

Une autre stratégie à envisager serait de sevrer les petits plus tard. Ce qui n’entre pas dans la logique industrielle: la truie doit être rapidement inséminée. « Il est clair que l’élevage intensif a augmenté le risque de ces infections et que certaines méthodes pourraient être reconsidérées » conclut Nadia Everaert.

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