« Liège sous l'Occupation ». Otto Kropf, Collection Spronk, CegeSoma (CegeSoma : n°130346).
« Liège sous l'Occupation ». Otto Kropf, Collection Spronk, CegeSoma (CegeSoma : n°130346).

La Belgique et ses habitants pendant la Seconde Guerre mondiale

9 novembre 2017
Par Céline Husson
Temps de lecture : 5 minutes

Le 23 juin 1944, des coups de feu retentissent dans une habitation de Wasmes, non loin de la ville de Mons. Trois personnes au moins s’y sont introduites et en ont assassiné l’occupante.

 

Joséphine était rexiste et délatrice : elle se rendait régulièrement à la Kommandatur locale pour dénoncer aux Allemands les réfractaires au travail obligatoire. C’est l’une des histoires racontées sur le site Belgium WWII, consacré à la Belgique durant la Seconde Guerre mondiale.

 

Une équipe féminine au cœur du projet
Le site est le fruit d’un projet BRAIN (Belgian Research Action through Interdisciplinary Networks), lancé en 2015 grâce au financement de la Politique Scientifique fédérale (BELSPO). BRAIN est un programme de recherches fédéral. Il a permis en mettre en place le projet BELVIRMUS, lequel a donné naissance au site BELGIUM WWII.

 

Margot Brulard et Tamar Cachet sont historiennes. Elles sont également curatrices digitales de ce projet au Centre d’Études et de Documentation Guerre et Sociétés contemporaines (CegeSoma). Sous la houlette de Chantal Kesteloot – responsable du secteur Histoire publique du CegeSoma – elles ont créé de toute pièce un site internet d’un genre particulier. Entre outil scientifique et de vulgarisation, BELGIUM WWII a pour vocation de faire toute la lumière sur l’histoire de la Belgique durant la Seconde Guerre mondiale.

 

Un comité scientifique d’accompagnement

 

Les deux historiennes se sont entourées d’un comité scientifique. Il est composé d’historiens spécialistes de la Seconde Guerre mondiale. Ensemble, l’équipe a mis sur pied une plateforme virtuelle déclinée actuellement en deux volets: la collaboration et répression d’une part et la justice en temps de guerre d’autre part.

 

« L’objectif est d’alimenter le site avec nouveaux thèmes au fil du temps : la vie quotidienne, l’alimentation, l’économie, la résistance, etc. Le point central du développement de ce projet, c’est l’expérience de la population », explique Margot Brulard.

 

Une encyclopédie sur la Belgique en guerre

 

Les thématiques sont présentées sous quatre formes. « L’encyclopédie – appelée « Belgique en guerre » contient une notice écrite par des auteurs, qui fait le point sur les connaissances scientifiques », reprend Margot Brulard. « Les trois autres outils sont davantage de types muséaux. Ils ont pour but de vulgariser l’information en racontant des histoires, comme celle de Joséphine.

 

L’information transmise est cependant rigoureusement scientifique. Même si les auteurs ont reçu des consignes d’écriture presque journalistique. Beaucoup d’illustrations sont également proposées: des cartes, des vidéos, des séquences audios. Elles sont en lien avec des informations plus « figées » issues de l’encyclopédie, comme la Vlaamse Wacht. »

 

« Marché noir : une jeune femme achète du pain dans la rue des Radis à Bruxelles, 1943 ». Droits réservés (CegeSoma : n°28437).
« Marché noir : une jeune femme achète du pain dans la rue des Radis à Bruxelles, 1943 ». Droits réservés (CegeSoma : n°28437).

 

Correspondance liégeoise d’un soldat italien avec sa fiancée

 

Le conflit a bouleversé la vie de millions d’anonymes. L’exemple de cet émigré italien qui a vécu toute sa vie en Belgique l’illustre bien. Mobilisé dans l’armée italienne, ses témoignages nous sont parvenus via la correspondance qu’il a entretenue avec sa fiancée liégeoise.

 

Ce volet du projet tente de combler le fossé entre les connaissances scientifiques, historiques, et la connaissance qu’en a le grand public.
« De plus en plus de personnes non directement concernées par le conflit s’y intéressent », constate Margot Brulard. « La troisième génération commence à mener l’enquête sur l’impact de la Seconde Guerre mondiale dans les familles, sur leur implication dans la résistance ou la collaboration. De plus en plus de tabous sont levés ».

 

« Bombardement de Bruxelles par les Allemands, mai 1940 ». Collection Actualit, CegeSoma (CegeSoma : n°46).
« Bombardement de Bruxelles par les Allemands, mai 1940 ». Collection Actualit, CegeSoma (CegeSoma : n°46).

 

La chasse aux « fake news »

 

La partie « 5 questions essentielles » remet les pendules à l’heure en infographies animées. « Qui dicte la loi en Belgique occupée ? », « Quelles conséquences de la collaboration ? »

 

« Au cœur de la Belgique occupée » mobilise quant à elle de nombreuses archives visuelles sous la forme d’expositions virtuelles.

 

Le projet bénéficie des collections photographiques, vidéos et sonores du CegeSoma, mais aussi des Archives de l’État et bientôt de la Sonuma.

« BELGIUM WWII établit un pont entre les historiens et le grand public. Internet facilite cette interaction », estime à ce propos Bruno De Wever, historien à l’Université de Gand et membre du comité.

 

« Anvers, collaborateurs arrêtés par la résistance, 1944 ». Droits réservés (CegeSoma : n° 28307).
« Anvers, collaborateurs arrêtés par la résistance, 1944 ». Droits réservés (CegeSoma : n° 28307).

 

Koen Aerts, membre du comité et historien à l’UGent, lui aussi, l’exprime ainsi : « Nous vivons aujourd’hui dans une société où les gens se tournent vers internet plutôt que vers les livres pour trouver des réponses à leurs questions. C’est pourquoi ce site, basé sur les recherches scientifiques les plus récentes, me semble être le moyen idéal pour satisfaire ce besoin de connaissances ».

 

« À l’heure actuelle, nous vivons une époque trouble en termes de confiance donnée à l’information à cause des « fake news », estime Margot Brulard. « BELGIUM WWII est un outil qui permet de faire le point sur ce qui s’est réellement passé ou non en Belgique durant la Seconde Guerre mondiale. Les informations sont fiables, scientifiques et à jour.»

 

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