C’est une avancée relevant de la recherche fondamentale que vient d’engranger l’équipe du Pr Fuks, à l’Université libre de Bruxelles. Une recherche qui ouvre de nouvelles perspectives en matière de lutte contre le cancer.
Au sein du laboratoire d’épigénétique du cancer, l’équipe de François Fuks s’est aperçue que l’épigénétique de l’ADN et celle de l’ARN pourraient être plus interconnectées qu’on ne le pensait jusqu’ici. En combinant les deux épigénétiques, la régulation des gènes s’avère plus fine, plus précise. Activés en même temps, ces deux mécanismes permettent une activation plus efficace des gènes. En revanche, si l’un de ces processus ne fonctionne pas correctement, l’activité des gènes concernés diminue.
Autant d’éléments qui peuvent avoir une grande importance en matière de lutte contre le cancer. Quand des gènes ne fonctionnent pas comme il le faudrait, cela peut initier une cascade d’événements dans les cellules qui risquent alors de dysfonctionner, de devenir malades et d’initier un cancer.
Mieux comprendre pour mieux traiter
« Rappelons que, de manière globale, notre laboratoire a pour but de mieux comprendre le cancer pour mieux le traiter », explique le Pr François Fuks. « Nos travaux montrent que l’épigénétique de l’ADN et de l’ARN, les deux molécules de la vie, sont complémentaires. »
Pour mémoire, pointons que la génétique correspond à l’étude des gènes tandis que l’épigénétique s’intéresse à une couche d’informations complémentaires qui définit comment ces gènes sont susceptibles d’être utilisés par une cellule.
« On connaît l’épigénétique de l’ADN depuis une soixantaine d’années », reprend le Pr Fuks. « On parle, dans ce cadre, de la méthylation de l’ADN, dont l’acronyme est 5mC. L’épigénétique de l’ARN (m6A) est, pour sa part, un phénomène connu depuis maintenant une dizaine d’années. Son rôle dans le cancer a été identifié en 2017 (dans le cadre de la leucémie). Ce que nous venons d’identifier est un nouveau mécanisme de régulation des gènes qui prend en compte simultanément l’épigénétique de l’ADN et de l’ARN. »
La bonne info au bon moment
« Notre organisme comporte différents types cellulaires : des cellules musculaires, des neurones… », reprend le scientifique. « Il faut qu’elles fonctionnent ensemble de manière appropriée, qu’elles reçoivent les bonnes informations au bon moment afin qu’elles puissent former un tout cohérent. Et qu’elles puissent, pour les cellules souches, par exemple, leur permettre de se différencier en différents types de cellules spécialisées le moment venu. On comprend donc que si on régule de manière inappropriée les gènes utiles à chaque cellule, cela peut conduire à des maladies graves comme le cancer. »
Une des questions fondamentales qui occupent les chercheurs du Laboratoire d’épigénétique du cancer de l’ULB est de comprendre comment ces gènes sont précisément régulés.
« Nos travaux viennent de déboucher sur une découverte : nous avons identifié un nouveau mécanisme de régulation des gènes en démontrant que, grâce à une collaboration entre l’épigénétique de l’ADN et de l’ARN, on arrivait à une régulation plus précise de l’activité des gènes. Et par là, à la spécialisation des cellules. »
Vers des médicaments « épigénétiques »
Concrètement, l’étude démontre que lorsque ces deux marqueurs sont ajoutés conjointement sur un gène, ils permettent une activation plus efficace de ce dernier. En revanche, si l’un de ces processus ne fonctionne pas correctement, l’activité du gène diminue.
En exploitant ce système de régulation complémentaire, s’ouvre la perspective de développer des thérapies basées sur des « médicaments épigénétiques » ciblant à la fois l’ADN et l’ARN, pointe l’équipe de l’ULB. Les scientifiques espèrent à l’avenir pouvoir développer des traitements plus précis et personnalisés, capables de cibler ces mécanismes de régulation, pour restaurer l’équilibre dans les cellules malades chez les patients atteints de cancer.