La météorite responsable de l’extinction des dinosaures s’est écrasée sur la Terre au printemps. Une équipe de chercheurs internationale, dont Koen Stein de l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique (IRSNB), est arrivée à cette conclusion en se penchant sur les fossiles des poissons morts juste après l’impact.
Un scénario connu
Les paléontologues s’accordent à dire que l’impact d’une météorite géante, qui a percuté la Terre il y a environ 66 millions d’années, a provoqué l’extinction des dinosaures terrestres (donc qui ne volaient pas) et des trois quarts de toute la faune de l’époque, entraînant ainsi la 5e extinction de masse.
Le site de fouille de Tanis, dans le Dakota du Nord (USA), est un des sites les plus prometteurs pour dévoiler des informations au sujet de ce moment clé de l’histoire. Il regorge de faune et de flore fossilisées : des restes de dinosaures, de ptérosaures, un mosasaure, des mammifères, des poissons, une fourmilière, des plantes… Tous ces spécimens furent ensevelis sous les sédiments à peine une heure après l’impact à Chicxulub, dans la péninsule du Yucatán au Mexique, et sont par conséquent particulièrement bien fossilisés.
« L’impact a fait trembler la plaque continentale et a provoqué de grandes marées dans les rivières et autres plans d’eau. Cela a détaché une grande quantité de sédiments qui a enseveli les poissons encore vivants », explique Melanie During de la VU Amsterdam et Uppsala University.
Le verre, un indice temporel
« Au même moment, une pluie de petites boules semblables à du verre s’abattait sur la Terre : il s’agissait de petites pierres fondues propulsées hors du cratère d’impact, qui se sont vitrifiées dans l’air pour atterrir parfois jusqu’à des milliers de kilomètres plus loin.
Ces petites boules ont été retrouvées par les scientifiques dans des branchies d’esturgeons fossilisées du site de Tanis, preuve que leur mort s’est produite peu après l’impact de la météorite.
« Sur les scans aux rayons X du Synchrotron à Grenoble, ils étaient clairement visibles », explique Koen Stein, chercheur à la Vrije Universiteit Brussel et à l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique.
C’était le printemps !
La structure osseuse interne de six esturgeons fossilisés a été étudiée par les chercheurs. « Nous avons étudié les traces de leur croissance saisonnière, comme chez les arbres. Les anneaux ne nous disent pas seulement quel âge ils avaient, mais également à quelle saison ils sont morts : c’était le printemps dans l’hémisphère Nord. »
Une deuxième preuve : les cellules osseuses des poissons. Leur taille et la distance entre elles changeaient en fonction des saisons. « La distance intercellulaire et la taille des cellules des fossiles ont été analysées. Durant l’année de l’impact de la météorite, leurs cellules étaient en pleine croissance, mais elles n’avaient pas encore atteint leur taille maximale », précise Dennis Voeten de Uppsala University.
Une autre preuve vient du fossile d’un esturgeon. Un isotope de carbone stable a été analysé sur cet exemplaire, pour reconstituer les habitudes alimentaires de l’animal. La disponibilité du zooplancton, son repas préféré, fluctuait en fonction des saisons et était à son maximum entre le printemps et l’été. « Quand l’esturgeon mangeait plus de zooplancton, cela laissait des traces dans son squelette : on y trouve alors une plus grande concentration de l’isotope carbone 13, lourd, par rapport à la concentration de l’isotope carbone 12, plus léger », explique Melanie During. « Nous avons vu que cet esturgeon n’avait pas encore atteint son pic nutritif de l’année. On peut en conclure que sa mort est arrivée au printemps. »
Dormir peut sauver la vie
L’extinction de masse qui a suivi l’impact de la météorite représente une des grandes césures dans l’histoire de la vie sur Terre : la disparition de tous les dinosaures terrestres, des ptérosaures, de la majorité des reptiles marins, des ammonites … alors même que des mammifères, oiseaux, crocodiles et tortues ont survécu.
Mélanie During précise : « Nous savons à présent que la météorite a percuté la Terre à un moment sensible, lorsque le printemps battait son plein dans l’hémisphère Nord, saison durant laquelle de nombreux animaux démarrent leur cycle de reproduction. La période d’incubation des reptiles, comme les dinosaures et les ptérosaures, est plus longue que chez d’autres groupes d’animaux, comme les oiseaux. Ils étaient, par conséquent, plus sensibles à cette perturbation soudaine de leur environnement. »
Dans l’hémisphère Sud, c’était l’automne. « Les animaux qui vivaient alors déjà sous terre et avaient commencé leur hibernation, notamment certains mammifères primitifs, ont pu survivre à l’impact de la météorite ponctué de feux de forêt à grande échelle. »