Les yeux et les oreilles de Daily Science (118)

10 mai 2019
par Daily Science
Temps de lecture : 6 minutes

Découverte à Liège: un médicament utilisé pour le cœur est aussi un antibiotique puissant capable de terrasser le staphylocoque doré, plongée aux origines des neurones du cortex cérébral, les glaces du Mont-Blanc ont gardé les traces de la pollution de l’époque romaine

À la rédaction de Daily Science, nous repérons régulièrement des informations susceptibles d’intéresser (ou de surprendre) nos lecteurs. Découvrez notre dernière sélection.

 

Découverte à Liège: un médicament utilisé pour le cœur est aussi un antibiotique puissant capable de terrasser le staphylocoque doré

Les chercheurs de l’Université de Liège, le Professeur Patrizio Lancellotti, le Docteur Cécile Oury et leurs équipes, viennent de démontrer qu’un médicament antiplaquettaire utilisé pour le traitement de la maladie coronaire, du syndrome coronaire et de l’infarctus, possède également une activité bactéricide contre les bactéries. De plus, ce médicament conserve une activité identique contre les souches résistantes aux antibiotiques. En effet, le ticagrelor (commercialisé sous le nom de Brilique® en Belgique) tue les bactéries Staphyloccocus aureus et Staphylococcus epidermidis résistantes à la méthicilline et les Enteroccus faecalis résistantes à la vancomycine. Sa rapidité d’action est supérieure à celle des antibiotiques couramment utilisés en clinique et la fréquence d’apparition de résistance est extrêmement faible.

Avec cette découverte, les chercheurs apportent peut-être également une explication au constat que dans la grande étude clinique randomisée PLATO, les patients traités par ticagrelor présentaient une mortalité diminuée lorsque l’infection était la cause du décès et ce, en comparaison aux patients traités par un autre médicament antiplaquettaire, le clopidogrel.

Les staphylocoques et les entérocoques résistants comptent parmi les pathogènes qui représentent l’une des plus grandes menaces pour la santé humaine au niveau mondial. Il est de plus en plus difficile de les traiter en raison d’un manque d’efficacité des antibiotiques actuellement disponibles. Ces bactéries sont les premières responsables de l’infection des prothèses et des implants médicaux, de la septicémie et de l’endocardite.

L’infection par les bactéries résistantes est associée à un très mauvais pronostic pour le patient vulnérable, ce qui résulte en une mortalité accrue, des séjours plus longs à l’hôpital et une augmentation des coûts de soins de santé.

 

Plongée aux origines des neurones du cortex cérébral

En décryptant les programmes génétiques des neurones du cortex cérébral, des chercheurs suisses et belges (ULiège) expliquent les mécanismes contrôlant la genèse des cellules de l’une des parties les plus essentielles de notre cerveau.

Le cortex est une région cérébrale complexe qui nous permet de percevoir le monde et d’interagir avec les objets et les êtres qui nous entourent.
La diversité des tâches qu’il peut accomplir est reflétée par la diversité des neurones qui le composent: plusieurs dizaines de types de cellules aux fonctions distinctes s’assemblent au cours du développement pour former les innombrables circuits à l’origine de nos pensées et de nos actions.
Ces neurones naissent dans l’embryon à partir de cellules souches progénitrices, qui se divisent et produisent l’un après l’autre ces différents neurones. Mais comment ces progéniteurs parviennent-ils à générer des types de neurones précis au bon endroit et au bon moment? En identifiant les scénarios génétiques à l’œuvre, des chercheurs des universités de Liège, de Genève et de Lausanne lèvent le voile sur la conception des cellules qui constituent les circuits du cerveau. Ces résultats apportent aussi un élément supplémentaire à la compréhension de l’origine des troubles neuro-développementaux.

Cellules progénitrices (en rouge) se divisant pour donner naissance à des cellules neuronales filles (en vert). © UNIGE

Les travaux des chercheurs, effectués sur des rongeurs, également à l’être humain. En étudiant des données biologiques humaines, l’équipe a en effet pu montrer que les marques temporelles et leur mécanisme de transmission génétique étaient conservés au cours de l’évolution.

Cette découverte souligne l’importance des gènes temporaux dans la genèse des circuits du cortex cérébral et identifie des programmes génétiques dont l’altération pourrait contribuer aux maladies neuro-développementales. Cette étude récapitule également les «recettes moléculaires» à appliquer pour générer différents types de neurones et permet d’envisager la possibilité de régénérer artificiellement des types de neurones définis à partir de cellules souches de patients.

 

Les glaces du Mont-Blanc ont gardé les traces de la pollution de l’époque romaine

Datées au carbone 14, les couches les plus profondes du glacier du col du Dôme, dans le massif du Mont-Blanc, ont archivé l’état de l’atmosphère au cours de l’Antiquité romaine.

Cette étude démontre l’existence d’une pollution atmosphérique très significative en métaux toxiques survenue à cette époque. La présence de plomb et d’antimoine (dont c’est le premier enregistrement dans la glace alpine ancienne) dans la glace s’avère liée à l’activité minière et à la production de plomb et d’argent des Romains, donc bien avant le début de l’ère industrielle.
L’archive alpine retrace les grandes périodes de prospérité de l’Antiquité romaine avec deux maximums d’émission de plomb bien distincts : durant la République (entre 350 et 100 ans av. J.-C.), puis l’Empire (entre 0 et 200 ans apr. J.-C.).

Les Romains extrayaient le minerai de plomb argentifère pour produire le plomb nécessaire à la fabrication des conduites d’eau, et l’argent pour la monnaie. Le procédé de séparation plomb-argent passait par une fusion du minerai à 1200°C, ce qui entraînait d’importantes émissions de plomb dans l’atmosphère comme l’avaient déjà montré des archives continentales telles les tourbières, dont il est cependant difficile de déduire une information globale à l’échelle européenne.

Cette toute première étude de la pollution durant l’Antiquité à partir de glace alpine permet de mieux évaluer l’impact de ces émissions anciennes sur notre environnement européen et de le comparer notamment à celui de la pollution plus récente liée à l’utilisation de l’essence au plomb dans les années 1950-1985.

 

Simulations qui évaluent la sensibilité du dépôt de plomb au col du Dôme (étoile jaune) à la localisation géographique de l’émission. Cette carte indique également l’emplacement des principales mines connues de l’Antiquité romaine. Pour la région située ~500 km autour des Alpes, en bleu celles supposées actives dès la République romaine et en rouge celles qui le seront plus tard. En dehors de cette zone, toutes les autres mines sont reportées en rouge, quelle que soit l’époque. La glace alpine est donc représentative de l’atmosphère de haute altitude qui est alimentée par les émissions de France, Espagne, Italie, îles du bassin méditerranéen, et dans une moindre mesure d’Allemagne et Angleterre. © CNRS
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