Un nouveau centre de recherche pluridisciplinaire sur le diabète (UCDR) vient de voir le jour à Bruxelles. Initié par l’Université Libre de Bruxelles (ULB) (Faculté de médecine et hôpital Erasme), ce centre réunit des experts en endocrinologie, en biologie moléculaire, en virologie ou encore en pharmacodynamie. Il compte élargir rapidement son panel d’experts (notamment en immunologie, en psychologie…) et s’ouvrir à des chercheurs d’autres universités (VUB, UCL, KUL).
« L’idée est de développer à Bruxelles un pôle d’expertise sur la question du diabète », précise le professeur Decio Eizirik, directeur de l’UCDR (ULB Center for Diabetes Research).
382 millions de malades dans le monde, dont 56 millions en Europe
Pourquoi ce nouveau centre ? « Parce que le diabète est devenu une épidémie mondiale. Dans les années qui viennent, le coût (humain et économique) de cette maladie va exploser », explique le scientifique du Laboratoire de médecine expérimentale de l’ULB. « C’est un réel problème de santé publique. Et il est en bonne partie induit par la sédentarisation croissante des populations. Quand j’étais enfant ,- se souvient-il – après l’école, on jouait au foot dans la rue ».
Avant la télé, avant l’omniprésence des voitures et des écrans, les jeunes et les moins jeunes bougeaient beaucoup plus. Résultat: avec l’activité physique en rade, l’obésité se développe. Et avec elle un cortège de problèmes de santé, dont le diabète, principalement de type II.
« Aujourd’hui, on estime à 382 millions le nombre de personnes souffrant de diabète dans le monde, dont 56 millions en Europe », souligne le chercheur. « D’ici 2035, les projections de la Fédération internationale du diabète (IDF ) font bondir ce chiffre à 592 millions de patients ».
Les cellules bêta dans le collimateur
Pour lutter contre cette pandémie, l’idéal reste sans doute la prévention. Mais la recherche a aussi un rôle majeur à jouer. « Le diabète est une maladie multifactorielle et complexe », explique le Dr Anne Op de Beck, virologue à l’ULB et partenaire de l’UCDR. « La recherche et les thérapies à envisager sont elles aussi multifactorielles et complexes. Les infections virales, tout comme un dysfonctionnement du système immunitaire ou encore une prédisposition génétique peuvent expliquer le développement de certains diabètes ».
La recherche sur le diabète à l’ULB porte notamment sur les cellules bêtas. Ces cellules, présentes dans le pancréas, sont à l’origine de la synthèse de l’insuline qui permet de réguler le taux de sucre dans l’organisme. Quand les cellules bêtas disparaissent, qu’elles s’auto-détruisent (on parle d’apoptose dans le jargon, soit une forme de “suicide cellulaire”), l’organisme ne réussit plus à maîtriser le sucre. Le diabète se développe.
La piste des infections virales
« Nous avons déjà pu clarifier un des mécanismes qui déclenchent la mort des cellules bêtas », explique le Pr Miriam Cnop (Laboratoire de médecine expérimentale et Clinique du Diabète à l’hôpital Erasme). « Les défis d’aujourd’hui portent sur la rééducation de notre système immunitaire pour qu’il n’attaque plus les cellules bêtas ou encore une meilleure compréhension des mécanismes qui interviennent sur ces fameuses cellules en cas d’infections virales ».
« Chez 80% des patients diabétiques, on retrouve des traces d’infections aux entérovirus », précise le Dr Op de Beeck.
Un vaccin pour limiter les dégâts
« Nous aimerions aussi élaborer une sorte de vaccin contre certains virus qui permettrait de prévenir le diabète », reprend le Pr Eizirik. « Un peu comme celui élaboré contre les papillomavirus qui semble apporter des bons résultats dans la prévention du cancer du col de l’utérus ».
Rappelons qu’il existe deux types principaux de diabète. Le type I est plutôt une maladie auto-immune, qui se déclenche, vraisemblablement mais cela reste un sujet d’étude, lorsque trois éléments entrent en conjonction: une prédisposition génétique, une composante auto-immune générée par une trop grande hygiène lors des premiers mois de la vie et l’une ou l’autre infection virale.
Le diabète de type II se développe plutôt suite à de mauvaises habitudes de vie (sédentarisation, alimentation peu équilibrée, etc).
Dans un cas comme dans l’autre, la recherche qui se développe à Bruxelles pourrait un jour aider l’ensemble de ces patients à mieux détecter, soigner voire prévenir ces maladies. Et, pour les pays en voie de développement où l’épidémie est galopante (Asie, Afrique), à éviter un décès précoce lié aux complications cardio-vasculaire que le diabète engendre s’il n’est pas détecté ni traité.
« On estime que 10 à 15% de tous les patients diabétiques dans le monde souffrent du diabète de type I », indique le Dr Cnop, de la Clinique du diabète et d’endocrinologie à l’hôpital Erasme (ULB). « Les autres sont plutôt des diabétiques de type II ». Le Dr Cnop travaille principalement sur le diabète de type II. Ses travaux ont été couronnés par un prix prestigieux l’an dernier (Prix Minkowski), entre autres parce qu’elle a tissé un lien entre certains médicaments utilisés en diabétologie et… une maladie neurogénérative orpheline… Le diabète est bien une maladie complexe et multifactorielle…
FOOD4GUT
Les entérovirus se développent dans notre système digestif. Depuis le mois de mars 2014, les chercheurs de l’ULB participent avec leurs collègues de l’Université de Liège (ULg) au projet de recherche « Food4Gut » piloté par le Pr Nathalie Delzenne (UCL). Ce projet va étudier le microbiote intestinal (la flore intestinale comme on disait anciennement) et ses liens avec l’obésité et le diabète. Il s’agit d’un programme de recherche à la fois fondamentale et appliquée dont l’étude clinique, financée par la Wallonie, devrait porter sur 150 patients.