L’inquiétude monte, à Liège, depuis près d’un mois. Douze jours après son lancement en orbite, le nanosatellite OUFTI-1, développé à l’ULg, ne donne plus signe de vie.
« Tous les jours, il passe au-dessus de nous à deux reprises », explique le Pr Gaëtan Kerschen, du Laboratoire de structures et systèmes spatiaux de l’ULg. « A chaque fois, nous tendons l’oreille pour capter ses signaux. De nombreux radios-amateurs dans le monde en font de même depuis son lancement, le 25 avril dernier ».
Une alerte venue du Japon
C’est l’un d’eux, basé au Japon, qui a donné l’alerte. « Il nous a signalé avoir perdu la trace du satellite le 7 mai dernier. Très vite, un radio-amateur brésilien nous a annoncé la même chose. Nous avons également tenté d’écouter OUFTI-1. Sans succès ».
Que s’est-il passé en orbite? La question reste ouverte. Après son lancement depuis la Guyane française, le satellite liégeois fonctionnait parfaitement. Ses systèmes se sont allumés et les antennes se sont déployées.
Silence radio depuis le 7 mai
La balise de code Morse du satellite a alors commencé ses transmissions qui ont été reçues avec succès sur Terre. C’est ce code que les radios-amateurs et l’équipe de l’ULg écoutaient chaque jour. « Le signal était excellent et puissant », souligne le Pr Kerschen. « Même lorsque le satellite était bas sur l’horizon ».
Depuis ce moment, la balise a transmis de façon continue son message, qui contient notamment des informations de base de télémétrie. Durant les 12 premiers jours de la mission, le message était parfaitement capté. Depuis le 7 mai, c’est le silence.
Des télécommandes envoyées depuis l’ULg et l’Institut von Karman
Après trois jours intensifs d’écoute et d’analyse, l’équipe OUFTI-1 a décidé de commencer à activer un nouveau système de radiocommunication. La première télécommande a été envoyée au satellite le 10 mai à partir de la station sol principale à l’Université de Liège en Belgique. L’équipe a ensuite envoyé plusieurs télécommandes plus avancées, chacune avec plusieurs passages sur plusieurs semaines, mais le satellite n’a répondu à aucune de celles-ci, et la balise Morse a continué à rester silencieuse.
Afin d’éliminer tout problème au niveau de sa station sol liégeoise et de ses capacités de transmission, l’équipe a décidé d’envoyer des télécommandes identiques à partir d’une autre station sol. Cela a été fait le 3 juin, depuis la station sol de l’Institut von Karman situé à Rhode-St-Genèse, non loin de Bruxelles. OUFTI-1 n’a répondu à aucune de ces télécommandes.
« A ce stade, après un nombre important de tentatives variées pour établir le contact avec le satellite, il semble très clair qu’un problème technique est survenu à bord, probablement à partir du 7 mai », indique l’équipe.
La décharge complète des batteries pourrait rendre vie au satellite
C’est une mauvaise nouvelle, donc, pour la charge utile du satellite, qui n’a pas pu être activée. Outre ses propres systèmes de communication, OUFTI-1 devait aussi servir de relais pour les communications entre radios-amateurs suivant un protocole particulier (D-Star) qui n’avait pas encore été testé depuis l’espace.
« Avant de mettre ce système en marche, nous voulions d’abord nous assurer, pendant un mois, que le satellite se comportait en orbite exactement comme nous l’attendions et qu’il exécutait les commandes que nous lui envoyions depuis le sol », précise Gaëtan Kerschen. Cela n’a donc pas pu être réalisé ».
Il reste cependant encore un espoir aux ingénieurs liégeois. « Si les batteries du satellite se déchargent complètement, cela devrait engendrer une remise à zéro (un « reboot ») des systèmes de bord », précise Gaëtan Kerschen. « Ce qui pourrait rétablir les communications ».
OUFTI-2 : la réflexion est lancée
Les incertitudes qui pèsent sur l’avenir de la mission OUFTI-1 n’empêchent pas les chercheurs liégeois d’aller de l’avant.
« Nous pensons déjà à un éventuel OUFTI-2 », confirme Gaëtan Kerschen. « La réflexion s’oriente vers la mise au point d’un second cubesat, mais cette fois à visées scientifiques. OUFTI-1 était avant tout un outil éducatif. Il faisait partie du programme éducatif « Fly your Satellite » de l’ESA, l’Agence spatiale européenne ».
« Son successeur pourrait être un satellite doté d’une caméra et être développé en partenariat avec la Faculté des Sciences et le Centre Spatial de Liège. Les discussions à ce propos sont en cours. Une décision de principe pourrait être prise à ce sujet par l’université d’ici la fin de l’année ».