On vivra plus longtemps

10 juin 2022
par Raphaël Duboisdenghien
Temps de lecture : 5 minutes
“À votre santé!”, par Catherine Gourbin et Guillaume Wunsch. Collection L’Académie en poche. VP 7 euros, VN 3,99 euros

Depuis la fin du XIXe siècle, la baisse de la mortalité est frappante dans la plupart des pays européens. D’abord chez les jeunes. Puis chez les adultes. Et aujourd’hui aux âges élevés. Sauf pour les démunis qui mettent en balance une visite chez le médecin. Un achat de médicaments ou d’aliments. Le payement d’un loyer.

Dans «À votre santé!» de la collection L’Académie en poche, les démographes Catherine Gourbin et Guillaume Wunsch, membre émérite de l’Académie royale de Belgique, retracent les grandes tendances des causes de maladies et de mortalité en Europe. Principalement depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Selon les professeurs émérites de l’UCLouvain, il est crucial de connaître les niveaux et les tendances de la mortalité «car celle-ci est une composante importante du mouvement de la population, de sa croissance et de sa structure par âge. De plus, la démographie va identifier des groupes vulnérables sur la base de leurs caractéristiques socio-économiques et culturelles. »

L’espérance de vie stagne

Pendant une longue période, l’espérance de vie n’aurait pas dépassé 25 ou 30 ans. En France, en 1780-1789, à l’époque de la Révolution, elle est de 28 ans environ. Deux siècles et demi plus tard, elle atteint 79,7 ans pour les hommes et 85,6 ans pour les femmes. Chez nos voisins, comme chez nous et aux Pays-Bas, la hausse se marque à partir de la décennie 1870-1880. Avec une interruption pendant les deux guerres mondiales. Et la décennie 1960, surtout chez les hommes.

«La stagnation observée au cours des années soixante est due à l’impact de la mortalité par maladies cardio-vasculaires», relèvent les spécialistes. La littérature épidémiologique et médicale pointe l’influence de l’hypertension artérielle, du diabète et de l’hypercholestérolémie. Ainsi que le tabagisme, la consommation excessive d’alcool. Un régime alimentaire pauvre en fruits et légumes ou riche en matières grasses. Et le manque d’activité physique.

La mortalité augmente chez les femmes

Dans les pays à revenus élevés, un peu moins de 40% d’hommes et de femmes développeraient un cancer au cours de leur vie. Et environ la moitié en décédera. En Belgique, 3 sites totalisent près de 50% des décès. Le poumon, le sein, le côlon ou le rectum pour les femmes. Le poumon, le colorectal et la prostate pour les hommes.

On observe une diminution des taux de cancer du poumon. Mais, depuis les années 1970, la mortalité augmente chez les femmes. En restant cependant environ 3 fois inférieure à celle des hommes.

«L’impact du tabagisme actif, et dans une moindre mesure, passif est bien connu pour le cancer du poumon», notent les démographes. «Si pour les hommes les campagnes de prévention et l’amélioration de la prise en charge peuvent expliquer une diminution de la consommation de tabac et de la mortalité, le tabagisme augmente au contraire chez les femmes à la suite notamment d’une insertion croissante dans la sphère publique. Et de la modification de leur rôle intra et extra-familial.»

La consommation d’alcool, le tabagisme et le diabète augmenteraient le risque de développer un cancer colorectal. L’activité physique et la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, comme l’aspirine, le diminueraient.

Au-delà de 90 ans

Selon les scientifiques, «dans les conditions de mortalité de l’année 2019, un habitant de la Belgique âgé de 75 ans peut espérer vivre encore en moyenne 11,6 années s’il s’agit d’un homme. Et 13,8 années s’il s’agit d’une femme. Ces valeurs étaient de 8,8 et 11,5 en 1994».

À quel gain d’espérance de vie peut-on encore s’attendre? «La réponse dépend d’une part, de la diminution des risques de mortalité aux âges élevés. Et d’autre part, de la durée limite de la vie humaine. Une étude de Meslé et Vallin, effectuée à partir de données françaises sur la période 1979-2017, a montré que même au-delà de 90 ans, l’espérance de vie s’est accrue grâce à la réduction des taux de mortalité des maladies cardio-vasculaires ainsi que ceux des maladies infectieuses et respiratoires.»

«Il est à noter que plus un nombre élevé d’individus atteint l’âge de 90 ou 95 ans, plus on observera de centenaires et super centenaires par le simple jeu des probabilités de survie.»

Vivre plus longtemps ne signifie pas forcément vivre en bonne santé… Une population âgée et très âgée risque d’être en moins bonne santé qu’aujourd’hui. «On peut espérer toutefois que les progrès de la médecine, notamment en ce qui concerne la réparation ou le remplacement d’organes défectueux, ainsi qu’une meilleure hygiène de vie viennent compenser cette situation.»

La longévité dépend du statut économique. «Les politiques sociales doivent veiller tout particulièrement à ce que les services de santé, tant préventifs que curatifs, soient accessibles aux plus démunis.»

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