Le Dr Alessia Simonini (Institut von Karman), devant son expérience placée sur la table vibrante du VKI.
Le Dr Alessia Simonini (Institut von Karman), devant son expérience placée sur la table vibrante du VKI.

Le ballottement sous haute surveillance

10 juillet 2017
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

À Rhode-Saint-Genèse, le phénomène de ballottement des liquides mobilise depuis quatre ans toute une équipe de chercheurs. Le ballottement ? Ce sont ces mouvements qui apparaissent par exemple dans une tasse de café quand on se met en marche. Si ce ballottement est maintenu dans des limites raisonnables, tout va bien. S’il devient trop important, c’est l’accident: le café déborde!

 

À l’Institut von Karman pour la dynamique des fluides, ce n’est bien sûr pas aux éclaboussures des tasses de café qu’on s’intéresse. « Nous avons travaillé sur le phénomène de ballottement qui se manifeste dans les réservoirs », explique l’ingénieure en aéronautique Alessia Simonini, qui vient de boucler son doctorat au Von Karman Institute for fluid dynamics – VKI sur la thématique du « sloshing » (le « ballottement » en anglais).

 

Shakespeare à la rescousse

 

« Nous nous sommes intéressés au ballottement qui intervient dans le réservoir de carburant des engins spatiaux », précise-t-elle. Que se passe-t-il dans de tels réservoirs lorsque le moteur d’un engin spatial fonctionne ? Que fait le liquide quand le moteur s’éteint ?

 

Prédire avec précision l’orientation d’un liquide en mouvement dans ce cadre est un problème vital. Se met-il en boule ? S’écarte-t-il des parois de son réservoir ? Est-il encore capable d’alimenter un moteur qu’on voudrait rallumer ?

 

Pour le savoir, la chercheuse a mené diverses expériences. D’abord au sol, sur la table vibrante « Shakespeare » (“SHaking Apparatus for Kinetic Experiments of Sloshing Project with EArthquake REproduction ») de l’Institut von Karman. Ensuite en microgravité, dans le cadre de vols paraboliques organisés par l’Agence spatiale européenne (ESA).

 

Deux types de liquides étudiés en microgravité

 

Sur la table vibrante, elle a tout d’abord mis au point et validé son système d’étude à deux caméras (optique et laser) du comportement du liquide soumis à ballottements. Un suivi du mouvement des particules colorées situées au sein même du liquide, mais aussi le suivi des mouvements de surface du liquide.

 

Cette expérience a ensuite été soumise à une série de périodes de microgravité, lors de vols paraboliques réalisés à bord de l’avion Zéro-G de la firme française Novespace.

Pendant ces vols, le comportement de deux types de liquides a été étudié. Tout d’abord de l’eau distillée, puis un composé chimique qui ressemble à du carburant liquide de fusée et dont le comportement « en ballottement » est assez différent de l’eau.

 

Le tout a été réalisé à température ambiante. Pour étudier du véritable carburant spatial liquide, il faut travailler à très basse température (on parle de cryogénie). Mais surtout se doter de protections importantes. Ce genre de produit est aussi efficace pour propulser des engins spatiaux qu’il est potentiellement dangereux pour la santé. Les tests cryogéniques en microgravité, ce sera donc pour plus tard.

 

Mieux prévoir les trajectoires des étages de fusées qui retombent sur Terre

 

Les résultats des travaux actuels des chercheurs du VKI sur le ballottement des carburants vont par contre alimenter les bases des données accessibles aux développeurs d’outils de simulation et de dimensionnement d’engins spatiaux. De quoi améliorer les technologies qui équiperont de futures missions spatiales.

« Mais aussi de quoi mieux assurer la sécurité des habitants de notre planète », précise de son côté le Pr Jean-Marie Buchlin, responsable du département au sein duquel Alessia Simonini a réalisé son doctorat.

« Les connaissances que nous générons vont aussi permettre de gérer de manière plus précise les trajectoires de retour sur Terre des premiers étages des lanceurs spatiaux. Il reste toujours un peu de carburant dans ces étages quand ils reviennent vers le sol. Et leur ballottement peut affecter leur trajectoire. Une meilleure simulation de ces mouvements permet donc de mieux diriger ces éléments quand ils plongeront vers la Terre ».

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