Après avoir été professeur de philosophie, botaniste-prospecteur en Afrique, chercheur en biologie à la Faculté agronomique de Gembloux et à l’Université Paris-VI, Jean Baudet se consacre à la recherche philosophique. L’historien des sciences vient de faire paraître «Les plus grands Belges» aux éditions La Boîte à Pandore.
Comment distinguer les plus grands parmi les Belges ?
«J’ai essayé, en me basant sur les dictionnaires et sur les travaux des historiens, de constituer une liste qui me semble refléter assez bien le consensus des spécialistes», explique Jean Baudet. «J’ai choisi de présenter les personnalités selon leur date de naissance. Si bien que je peux proposer au lecteur une histoire de la construction de la Belgique. Ou plutôt une esquisse de cette histoire, car je n’ai retenu que 175 noms. J’ai voulu évoquer, plus qu’étudier jusque dans les profondeurs, les littérateurs, les scientifiques, les artistes et les industriels belges dans leur ensemble. J’ai voulu montrer que quelques Belges d’exception ont modelé la Belgique que nous connaissons. C’est injuste vis-à-vis des politiques. Mais les limites de mes travaux limitent le champ de mes possibles ».
Pourquoi ces 175 Belges décédés sont-ils exceptionnels?
«La question est vaste et difficile. Mais l’on peut la poser autrement. Pourquoi certains hommes atteignent-ils leurs objectifs? L’entrepreneur, dans quelque domaine que ce soit, atteint son but s’il en a eu les moyens. Ernest Solvay a trouvé des amis disposés à lui prêter de l’argent pour fonder une société productrice de carbonate de sodium. Jules Bordet, Christian de Duve, Édouard Van Beneden ont trouvé des laboratoires pour faire, dans le calme et à l’abri de la préoccupation de chercher leur nourriture, leurs observations et leurs expériences. Il faut des moyens! Du talent, bien sûr, des qualités morales, de l’intelligence, de la mémoire, de la créativité, de la patience… Mais aussi, il faut des circonstances favorables: des rencontres décisives, le soutien d’un conjoint ou d’un ami, un marché qui s’ouvre, une mode qui se développe… Et surtout, il faut beaucoup travailler. Je crois que c’est le dénominateur commun des 175 Belges dont j’ai raconté l’histoire ».
Pourquoi avoir écrit ces biographies de personnalités connues ou moins connues?
«Pour tenter de comprendre la condition humaine. Ce n’est pas de ma faute si cela conduit plutôt au pessimisme. Car en Belgique, comme partout où il y a des hommes et des femmes, l’intelligence est rare. L’ardeur au travail est rare. Et les circonstances sont rarement favorables aux entreprises humaines. Il n’est pas facile de construire et de progresser ».
Des idées lumineuses
Jean Baudet met un nom sur des idées lumineuses comme celle qui a germé chez André Dumont. Plus il y pensait, plus ce professeur de géologie à l’Université de Liège croyait à la présence de charbon en Campine.
André Dumont collectionne les capitaux. Un premier sondage est effectué en 1899. Les forages se poursuivent jusqu’au 2 août 1901. Ce nouveau sondage recoupe une couche de houille à 541 mètres de profondeur. Pendant près d’un siècle, la Belgique a construit une partie de sa prospérité en exploitant le charbon découvert par l’ingénieur Dumont.
C’est en 1938 que Marcel Pourbaix a eu l’idée de sa vie. Chercheur à l’Université libre de Bruxelles (ULB), l’ingénieur civil s’intéresse au comportement dans l’eau des sels métalliques. La corrosion, due aux pluies, dégrade les constructions métalliques. Elle oblige à les repeindre régulièrement à grands frais.
L’idée du thermodynamicien-électrochimiste: représenter le comportement de chaque métal par un diagramme avec deux coordonnées. L’une représentant le pH, l’acidité de l’eau en contact avec le métal. L’autre, le potentiel d’oxydation de l’eau.
En 1945, le chercheur publie la «Thermodynamique des solutions aqueuses diluées», travail effectué avec l’appui du Fonds National de la Recherche Scientifique (FNRS) . Il crée à l’ULB un service dédié aux problèmes de corrosion. Les industriels du secteur des constructions métalliques sont intéressés. Leur association, Fabrimétal, finance la constitution du Centre belge d’étude de la corrosion (Cebelcor). Placé à sa création sous la direction de Marcel Pourbaix (1904-1998).
Photo en une
Première Conférence Solvay – Bruxelles 1911
Assis (G-D): Walther Nernst, Marcel Brillouin, Ernest Solvay, Hendrik Lorentz, Emil Warburg, Jean Baptiste Perrin, Wilhelm Wien, Marie Curie, and Henri Poincaré.
Debout (G-D): Robert Goldschmidt, Max Planck, Heinrich Rubens, Arnold Sommerfeld, Frederick Lindemann, Maurice de Broglie, Martin Knudsen, Friedrich Hasenöhrl, Georges Hostelet, Edouard Herzen, James Hopwood Jeans, Ernest Rutherford, Heike Kamerlingh Onnes, Albert Einstein, and Paul Langevin.
Photo de Benjamin Couprie, Institut International de Physique Solvay, Bruxelles, Belgique.