Un cacao durable et éthique par le retour des pratiques traditionnelles

10 septembre 2020
par Camille Stassart
Durée de lecture : 4 min

En étant le 3e plus grand importateur de fèves de cacao, et le 2e pays exportateur de chocolat au monde, avec 300.000 tonnes exportées en 2019, la Belgique pèse lourd dans le secteur de « l’or brun ». Pourtant, malgré un marché en croissance, la majorité des cultivateurs de cacao n’atteignent pas le revenu vital, leur permettant de couvrir leurs besoins essentiels. Par ailleurs, cette culture intensive menace de plus en plus les écosystèmes des régions du sud.

Face à ces constats, le projet « People, Planet and Cocoa », mené par le chocolatier Galler, tente de trouver des solutions pour développer une cacaoculture plus durable et équitable en Afrique de l’Ouest. Une étude pilote vient de débuter au sein de la coopérative ivoirienne Yeyasso. Parmi les pistes envisagées, les partenaires proposent notamment de cultiver les plantations en se basant sur un ancien mode d’exploitation, redevenu en vogue : l’agroforesterie.

La monoculture de « l’or brun »

L’agroforesterie consiste à combiner, sur un même terrain, l’exploitation de divers arbres et de cultures. Autrefois courantes, les pratiques agroforestières ont été abandonnées au fil du temps au profit de parcelles uniformes, dans le but de faciliter la culture intensive. C’est le cas de la culture du cacao en Côte d’Ivoire, le premier fournisseur mondial.

« Là-bas, les plantations de cacaoyers se composent quasi exclusivement de cette essence. On y retrouve parfois d’autres végétaux de grande taille, comme des bananiers ou des caféiers, mais avec une très faible densité », explique Barbara Haurez, Docteure en sciences agronomiques et en ingénierie biologique au laboratoire d’agroécologie de Gembloux Agro-Bio Tech (ULiège), et partenaire scientifique du projet.

L’intérêt de cette culture mono-spécifique ? Augmenter au maximum le rendement de la plantation. D’autant plus que certaines variétés de cacaoyers de Côte d’Ivoire, des variétés hybrides sélectionnées, ont la particularité de produire davantage en plein soleil. Alors qu’en temps normal, le cacaoyer pousse dans la pénombre, sous la canopée de la forêt.

Un revenu faible et une terre appauvrie

Néanmoins, comme le rappelle la Dre Haurez, « récoler de grandes quantités de fèves de cacao n’est pas toujours positif pour le producteur, au vu des mécanismes d’établissement des prix au niveau du marché mondial ». Il n’y a, en effet, pas de barème minimum sur ce marché, le prix fluctue donc constamment selon l’offre et la demande. « Aussi, quand la production de fèves augmente, l’offre augmente, ce qui entraîne une diminution du prix de vente, et donc des salaires des cultivateurs. Finalement, très peu d’entre eux touchent le ‘living income’, le revenu minimal de base».

D’autre part, les plantations mono-spécifiques impactent négativement l’environnement. Les arbres sont plus vulnérables face aux maladies, et les sols deviennent moins fertiles. Sans parler de la problématique de la déforestation des forêts tropicales, en faveur de la plantation de cacaoyers.

Pour pallier ces problèmes, le projet « People, Planet and Cocoa » mise sur un retour des pratiques agroforestières. « On parle de retour, car l’agroforesterie était le mode d’exploitation traditionnellement appliqué à la culture du cacao, avant l’arrivée des pratiques de cultures intensives », précise la chercheuse.

Des bénéfices socio-économiques et environnementaux

Côté environnement, cette méthode rendra l’exploitation plus durable. « De fait, avec plusieurs essences associées aux cacaoyers, les sols seront naturellement fertilisés par le milieu, et l’ombrage apporté par ces autres arbres permettra de mieux protéger les cacaoyers des maladies ». Un ombrage qui aura aussi un effet bénéfique sur les conditions climatiques très chaudes ou sèches, en favorisant la rétention de l’humidité, dans l’air et dans le sol. « Ajoutons qu’un couvert forestier plus dense permettra également d’absorber davantage de CO2, ce qui permettra de lutter contre l’effet de serre », souligne Barbara Haurez.

Financièrement, les producteurs en tireront des bénéfices : « Avec l’agroforesterie, on va diversifier les essences au sein de la plantation et, de cette façon, diversifier les sources de revenus. À côté du cacao, les producteurs pourraient ainsi vendre d’autres fruits ».

©Yeyasso

Le projet a pour ambition de construire, dans les années à venir, quatre pépinières au sein de la coopérative Yeyasso. Et de former les exploitants à faire croître leurs propres plants, qu’ils pourront ensuite installer dans leurs plantations. En ce moment, les scientifiques de Gembloux Agro-Bio Tech, en partenariat avec l’Université Nangui Abrogoua, cherchent à déterminer les envies et besoins des producteurs de la coopérative.

« Nous avons noté qu’ils sont particulièrement demandeurs pour intégrer à leurs plantations le Garcinia kola, qui produit la noix de kola , informe Barbara Haurez. « Mais il pourrait aussi être question de planter des essences destinées à la production de bois d’œuvre, comme l’acajou. À terme, l’objectif sera de rendre les cultivateurs moins dépendants du marché du cacao », conclut la scientifique.

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