Jonathan Marescaux et Véronique Pire, associés d’E-Biom, au salon Pollutec 2025. © Christian Du Brulle
Jonathan Marescaux et Véronique Pire, associés d’E-Biom, au salon Pollutec 2025. © Christian Du Brulle

E-Biom, la spin-off wallonne qui évalue la biodiversité dans l’ADN environnemental

10 octobre 2025
Par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 6 minutes

La Wallonie était présente en force à Lyon (France) dans le cadre du salon Pollutec 2025. Ce rendez-vous incontournable pour les sociétés actives dans le domaine environnemental et écologique a attiré la grande foule. 

Grâce au soutien de l’AWEX, l’Agence wallonne à l’exportation et aux investissements étrangers, et à son bureau de…. Lyon, ainsi qu’avec le concours de Wallonie-Bruxelles International, le Cluster wallon H2O et le pôle GreenWin, plus de 60 acteurs wallons avaient fait le déplacement pour mettre en avant leurs solutions innovantes dans le domaine de l’eau et de l’économie circulaire. Parmi ces acteurs wallons, pointons deux spin-offs de l’Université de Namur: les entreprises E-Biom et Traqua. Leur particularité? Elles sont toutes les deux issues d’un même Institut, l’ILEE, l’Institute of Life, Earth and Environment de l’UNamur!

Si Traqua s‘intéresse à l’hydrogéologie, de son côté E-Biom a développé son expertise dans le domaine de la biodiversité environnementale.

« Nous sommes là pour montrer que la biodiversité peut être mesurée, suivie, et même valorisée au même titre que le carbone », explique Jonathan Marescaux, biologiste et cofondateur d’E-Biom. « Et cela, grâce à des méthodes robustes, issues de la génétique. »

Une technologie née en université et arrivée à maturité

C’est en 2019, après trois années de recherche dans le cadre du programme First Spin-Off de la Région wallonne, que la société a été officiellement lancée. L’idée est novatrice : au lieu d’observer ou de capturer des espèces pour mesurer la biodiversité d’un site, E-Biom propose d’en extraire l’ADN laissé dans l’environnement comme dans des échantillons d’eau, de sol, d’air, ou même de miel, pour en évaluer la richesse.

« C’est un peu comme ce que fait la police scientifique, sauf qu’on ne cherche pas de traces humaines, mais celles laissées par les poissons, les amphibiens, les bactéries ou les plantes », détaille le Dr Marescaux.

Installée au parc Crealys (près de Namur), l’entreprise dispose aujourd’hui de 240 m² de laboratoires entièrement dédiés à la génétique environnementale. C’est là que toutes ses analyses sont réalisées.

L’entreprise développe trois axes de travail: le suivi de la biodiversité, la détection de pathogènes dans l’environnement (via une approche One Health), et le contrôle de l’environnement industriel. Dans ce dernier cas, il s’agit par exemple de détecter rapidement la présence de bactéries ou de pathogènes indésirables lors de la préparation de produits alimentaires par exemple. On pense notamment aux secteurs brassicole et agroalimentaire.

La pandémie: un défi pour la jeune entreprise

Les débuts d’E-Biom ont été marqués par la pandémie de covid. Un événement qui a paralysé l’économie. Pour la jeune entreprise, cela a plutôt été une opportunité de se diversifier. Sollicitée par la Société publique de gestion des eaux, on lui a demandé si elle était capable de repérer des traces du coronavirus dans les eaux usées. Après tout, elle savait déjà retrouver de l’ADN de grenouille dans une mare…
Le défi a été relevé de manière éclatante. Cette reconnaissance scientifique lui a permis ensuite d’accélérer sa croissance.

« Ça a été un moment décisif pour la crédibilité de notre technologie. On a prouvé que nos analyses étaient fiables, reproductibles, et utiles à la prise de décision publique », commente Jonathan Marescaux.

Objectiver les décisions écologiques

L’ADN n’est qu’un point de départ. L’ambition d’E-Biom est plus large : fournir des outils et des indicateurs concrets pour aider entreprises et pouvoirs publics à prendre des décisions éclairées sur le plan environnemental.

« Il faut sortir du flou. Dire qu’on va planter une haie pour la biodiversité, c’est bien. Mais est-ce réellement utile ? Est-ce mesurable ? », interroge Jonathan Marescaux. « Notre rôle, c’est d’objectiver ces choix par des analyses scientifiques.»

L’entreprise se positionne ainsi comme un partenaire stratégique, capable de transformer des ambitions écologiques en plans d’action précis et quantifiables, que ce soit dans des projets immobiliers, industriels ou territoriaux.

Un duo à la tête de la croissance

À la direction, deux profils complémentaires se partagent les rôles. Jonathan Marescaux, issu du monde académique, apporte la vision scientifique. Véronique Pire pilote la structuration de l’entreprise et son développement commercial.

« J’ai été la première non-scientifique de l’équipe », explique-t-elle. « Mon objectif est d’amener une vision corporate, de structurer notre offre, de déployer notre présence à l’international. »

Aujourd’hui, E-Biom emploie une dizaine de personnes et s’appuie sur un modèle d’ambassadeurs free lances en France, en Flandre ou aux Pays-Bas, pour se développer. 

En seulement quelques années, la France est devenue le premier marché étranger d’E-Biom, représentant près de 50 % de son chiffre d’affaires. L’entreprise y collabore avec de grands groupes comme EDF, Chanel, Veolia ou encore des cabinets de conseil en écologie.

Mais la croissance dépasse les frontières européennes. Des missions sont en cours en Guyane française, sur le suivi de rivières tropicales, ainsi qu’en Guinée et au Cameroun. 

La technologie et le savoir-faire en matière de conseil de la spin-off séduisent plus loin encore. Des discussions sont en cours au Brésil. L’Afrique du Sud est également au menu où des projets d’envergure exigent un haut niveau d’expertise environnementale. Il en va de même pour le Moyen-Orient où les grands projets urbains intègrent de plus en plus les enjeux écologiques.

« Ce sont des marchés où la composante environnementale devient incontournable. On veut y être présents, mais cela nécessite une vraie stratégie et des relais locaux », souligne Véronique Pire.

Le soutien de l’AWEX (l’Agence wallonne à l’exportation) est mobilisé pour accompagner cette croissance. La société reste en lien étroit avec les clusters environnementaux wallons (Greenwin mais aussi H2O, également présents à Pollutec) et souhaite continuer à s’appuyer sur les dispositifs régionaux pour accélérer son déploiement.

Construire le territoire de demain à Chênée

En Wallonie, son expertise séduit aussi. A Chênée, par exemple, E-Biom participe, pour le compte d’un bureau d’architectes, à l’élaboration d’un projet visant à ”renaturer”  un tronçon de la vallée de la Vesdre, lourdement touchée par les inondations de 2021. Il s’agit de transformer une friche industrielle en un parc inondable et en une zone humide, avec la création d’une passerelle, d’un mobi-pôle et d’aménagements divers.

Une approche qui conjugue écologie et développement

Avec une méthode scientifique rigoureuse, un modèle économique agile et une stratégie tournée vers l’international, E-Biom s’impose comme un acteur de la transition écologique. À rebours des discours idéologiques, l’entreprise prône une écologie objectivée, mesurable et compatible avec les enjeux économiques.

« Notre but, c’est de rendre les projets de nos clients meilleurs, plus respectueux de la biodiversité, et de permettre aux entreprises de faire mieux, pas de faire moins », conclut Jonathan Marescaux.

 

Note: dans un prochain article, nous reviendrons sur les innovations développées par la spin-off  Traqua.

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