La technologie wallonne au chevet des chevaux de compétition

10 novembre 2021
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 6 minutes

Les courses de chevaux et de dromadaires sont des sports de haut niveau aux Emirats arabes unis. Les élevages et les écuries y sont nombreux. Les soins préventifs et curatifs à apporter à ces animaux de grande valeur constituent un souci majeur de leurs propriétaires. C’est ici qu’interviennent plusieurs scientifiques et innovateurs wallons. En particulier le professeur Didier Serteyn (ULiège). A la « semaine wallonne », organisée ces jours-ci par l’AWEX (Agence wallonne aux exportations et aux investissements étrangers) et Wallonie-Bruxelles International, dans le cadre de l’Exposition universelle de Dubaï, le vétérinaire vient de conclure deux accords de collaboration avec des partenaires du Moyen-Orient.

Un représentant de l’Arabie saoudite, le Pr Didier Serteyn et Elio Di Rupo, Ministre-Président de la Région Wallonne, lors de la signature de l’accord de collaboration à Dubaï. © Christian Du Brulle

Banque de cellules souches équines

« Nous venons de signer avec un partenaire d’Arabie saoudite un accord de collaboration concernant une de nos technologies », explique le Pr Serteyn, directeur de la clinique du cheval à l’Université de Liège. Dans le cadre de sa spin-off RevaTis, installée au parc Novalis (Marche-en-Famenne), il compte développer en Arabie Saoudite, avec le soutien de la société Sky Atlas trading, une unité de production de cellules souches pour chevaux, et éventuellement pour dromadaires.

« Nos recherches scientifiques ont débouché sur l’élaboration d’une technique brevetée nous permettant de récolter des cellules souches chez le cheval via une micro-biopsie musculaire», détaille le vétérinaire. « Avec cette technique très peu invasive, nous prélevons sur un animal en bonne santé des cellules qui sont mises en culture. Une fois multipliées, elles sont mises en banque. Si l’animal se blesse, on peut le soigner immédiatement, et avec ses propres cellules. Ce qui évite d’éventuels problèmes de rejet.»

Le fait de produire préventivement ces cellules souches et de les garder en banque assure la possibilité de traiter rapidement un animal souffrant d’une lésion. Le produit est disponible immédiatement. S’il faut prélever un échantillon musculaire par biopsie chez un cheval qui vient d’être blessé, celui-ci devra patienter six semaines environ avant de bénéficier du traitement. C’est là le temps nécessaire pour la production de cellules souches.

Les cellules souches ont la capacité de se différencier en différents types cellulaires. La technique liégeoise est principalement utilisée pour soigner des lésions de type tendinites ou d’arthrose chez le cheval.

Pr Didier Serteyn, directeur de la clinique du cheval (ULiège) © Christian Du Brulle

Deux études cliniques en cours

« Dans le cas de la tendinite, les cellules souches peuvent favoriser la cicatrisation optimale du tendon, voire le régénérer », reprend le scientifique. « Ce qu’on remarque de plus en plus, c’est qu’en les injectant dans la lésion, elles organisent la cicatrisation, en empêchant une cicatrisation anarchique ». Deux études cliniques, portant sur une centaine de chevaux, sont en cours en Belgique.

Le projet de collaboration, qui prend désormais forme en Arabie saoudite, porte sur la mise au point d’une unité locale de production de cellules souches. Un système dont la qualité des produits serait toutefois contrôlée par RevaTis. « Ce que nous allons faire ici, c’est de transférer une unité clé sur porte, et ainsi créer un premier laboratoire », indique encore le CEO de RevaTis.« L’idée est de permettre la création d’un cycle complet de production en Arabie saoudite, depuis le prélèvement des échantillons jusqu’à la mise à disposition de médicaments contenant un certain nombre de cellules souches. »

Elevage de pur-sang à Dubaï © Christian Du Brulle

Une thérapie préventive également pour les dromadaires

Cette technique de médecine régénérative préventive pourrait s’étendre aux dromadaires de course. « Aux Emirats arabes unis, les courses de chevaux constituent un business très important », explique  Mahmood Anzac, qui dirige une écurie à Dubaï. « Mais celui des courses de dromadaires se situe encore un niveau plus haut. »

« Notre thérapie cellulaire pourrait effectivement convenir aux propriétaires d’écuries de dromadaires », confirme le Pr Serteyn. « Nous l’avons déjà fait, mais à titre expérimental. L’intérêt de la collaboration que nous initions ici réside dans le fait de pouvoir développer une telle filière au Moyen-Orient. Et de pouvoir utiliser directement ces productions de cellules souches chez des animaux présentant des lésions. Et ce, sous la responsabilité du vétérinaire traitant. Ce qui permet de passer tout de suite dans la phase thérapeutique. Une manœuvre que la réglementation européenne ou étasunienne n’autorise pas aussi vite que celle des Emirats. »

La curcumine comme molécule vétérinaire anti-inflammatoire

En ce qui concerne les dromadaires, un autre accord de collaboration s’est noué lors de cette « semaine wallonne » à Dubaï, entre RevaTis et  le « Emirates Camel Center » de Um Al Quwain, un autre émirat.

« Quelque 4.000 dromadaires issus d’un réseau de propriétaires différents sont suivis par ce centre », explique le Pr Serteyn. « Il pourrait également accueillir une unité de production de cellules souches. Et, d’autre part, exploiter un de nos autres brevets portant sur la curcumine. »

L’idée étant d’utiliser les cellules souches comme vecteurs de transport de la curcumine afin de renforcer leurs propriétés anti-inflammatoires. Une combinaison qui pourrait être très utile pour traiter certains types de pathologies nécessitant des injections. Ce projet pourrait déboucher sur de nouveaux tests cliniques dans le cadre du traitement de l’asthme du cheval et l’endométrie de la jument.

« Notre stratégie est claire. Transférer notre savoir-faire au Moyen-Orient, y créer rapidement une unité de production de cellules souches et adapter notre technologie au traitement des dromadaires », conclut Didier Serteyn.

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