Pr Mark Thomson © Cern
Pr Mark Thomson © Cern

Nouveau directeur général au Cern, truffe du chien, océanographie, libido des moustiques

10 novembre 2024
par Daily Science
Temps de lecture : 11 minutes

Mark Thomson, nouveau directeur général au Cern, comment se forme la truffe du chien, l’Arctique digère mal les POP, recherche océanographique lors du Vendée Globe, la libido des moustiques passe par les oreilles…

À la rédaction de Daily Science, nous repérons régulièrement des informations susceptibles d’intéresser (ou de surprendre) nos lecteurs et lectrices. À l’occasion de notre dixième anniversaire, nous relançons deux fois par mois notre rubrique du week-end « les yeux et les oreilles de Daily Science ». Avec, pour celle-ci, et à la demande de notre lectorat, un regard plus international.

 

Le Britannique Mark Thomson sera le prochain directeur général du CERN

Le Conseil du Cern a choisi cette semaine le physicien britannique Mark Thomson comme prochain directeur général de l’Organisation. La nomination officielle aura lieu lors de la session de décembre du Conseil de l’Organisation européenne pour la Recherche nucléaire, à Genève. Le mandat de Mark Thomson commencera le 1er janvier 2026, pour une durée de cinq ans. Il succédera à Fabiola Gianotti, la Directrice générale actuelle.

Mark Thomson est actuellement président exécutif du Science and Technology Facilities Council (STFC) au Royaume-Uni et titulaire d’une chaire de physique des particules expérimentale à l’Université de Cambridge. Il a consacré une grande partie de sa carrière au Cern, où il a initialement contribué, dans les années 1990, aux mesures de précision des bosons W et Z.

« La mission du Cern est d’élucider les mystères de l’Univers, en contribuant à notre quête collective du savoir », indique Mark Thomson. « Le Cern a devant lui un futur prometteur de recherches et de découvertes révolutionnaires qui définiront notre compréhension de la physique, et, ce faisant, inspireront les générations futures de jeunes scientifiques. Je suis très honoré de devenir le directeur général du Cern et je suis résolu à mener à bien la mission scientifique de l’Organisation, en continuant le développement de technologies qui serviront la société dans son ensemble, tout en unissant les nations dans la volonté commune de faire progresser la science pour le bien de l’humanité. »

Daily Science avait rencontré le Pr Thomson voici quelques semaines lors de son passage à Bruxelles. L’occasion d’évoquer avec lui les enjeux liés aux développements technologiques majeurs qui se profilent. Dont le choix et la mise en chantier du prochain accélérateur géant de particules qui succédera au LHC, le projet FCC, « futur collisionneur circulaire ». Cet accélérateur souterrain de particules devrait faire 91 km de circonférence (contre « seulement » 27 kilomètres pour le LHC).

Comment se forme la truffe du chien

La peau du nez de nombreux mammifères tels que le chien, le furet et la vache, présente des sillons formant une multitude de polygones. Une équipe de l’Université de Genève a analysé en détail comment se formaient ces motifs chez l’embryon en utilisant des techniques d’imagerie et de simulations informatiques. Elle a découvert que la croissance inégale des différentes couches de tissus provoque la formation de dômes, qui prennent appui sur les vaisseaux sanguins sous-jacents. Ces travaux décrivent pour la première fois ce processus de morphogenèse, qui pourrait permettre d’expliquer la formation d’autres structures biologiques associées à des vaisseaux sanguins.

La peau glabre du rhinarium (truffe) de nombreuses espèces de mammifères possède un réseau de polygones formés par des rainures dans la peau. Celles-ci, en retenant les fluides physiologiques, permettent de garder le nez humide et, entre autres, de faciliter la collecte de molécules odorantes et de phéromones. L’équipe genevoise a collecté des échantillons de rhinaria d’embryons de chiens, de vaches et de furets.

Ces échantillons ont été observés par microscopie dite de « fluorescence à feuille de lumière », une technique permettant de visualiser les structures biologiques en trois dimensions. Les chercheurs et chercheuses ont constaté chez les trois espèces de mammifères que les réseaux polygonaux de plis de l’épiderme – la couche externe de la peau – apparaissent au cours de l’embryogenèse et qu’ils se superposent systématiquement à un réseau sous-jacent de vaisseaux sanguins rigides, localisés au niveau du derme – la couche profonde de la peau. Ils et elles ont observé par ailleurs que la prolifération des cellules de l’épiderme était plus rapide que celle des cellules du derme.

À l’aide de ces données, un modèle mathématique a permis aux scientifiques d’effectuer des simulations informatiques de croissance des tissus. Celles-ci prennent en compte la différence de vitesse de croissance entre le derme et l’épiderme, leur rigidité respective et, surtout, la présence de vaisseaux sanguins dans le derme. « Nos simulations numériques montrent que le stress mécanique généré par la croissance excessive de l’épiderme se concentre aux positions des vaisseaux qui forment des points d’appui rigides. Les couches épidermiques sont alors repoussées vers l’extérieur en formant des dômes – un peu comme des voûtes s’élevant contre des piliers rigides », explique Paule Dagenais, post-doctorante au Département de génétique et évolution de la Faculté des sciences de l’Université de Genève, et première auteure de l’étude.

Ces résultats démontrent que dans le cas des rhinaria, la position des structures polygonales de l’épiderme est imposée par la position des vaisseaux sanguins rigides du derme, qui vont exercer des contraintes locales lors de la croissance de l’épiderme conduisant à la formation de sillons et de dômes à des endroits précis. « C’est la première fois que ce mécanisme, que nous appelons ‘‘information positionnelle mécanique’’, est décrit pour expliquer la formation de structures au cours du développement embryonnaire. Mais nous ne doutons pas qu’il permettra d’expliquer la formation d’autres structures biologiques associées à la présence de vaisseaux sanguins », conclut le Pr Michel Milinkovitch, patron du laboratoire d’évolution naturelle et artificielle.

L’Arctique digère mal les POP

Depuis qu’ils ont été interdits par 152 pays en 2001, les polluants organiques persistants (POP) sont en constante diminution dans tous les océans du monde, sauf un. On constate en effet une hausse marquée des POP dans les eaux glaciales de l’Arctique depuis les dernières décennies rapporte le professeur adjoint de l’Université Concordia, Xianming Zhang. La présence de ces composés constitue un danger pour les animaux et les humains, car ils pénètrent dans le réseau alimentaire de cet écosystème fragile.

« Les polluants organiques persistants sont très stables, bioaccumulatifs et toxiques, ce qui signifie qu’ils ne se décomposent pas facilement, qu’ils peuvent se déplacer dans l’environnement planétaire et s’accumuler tout au long de la chaîne alimentaire, exerçant des effets tant sur le plan de l’environnement que de la santé », indique Xianming Zhang. « Durant la période où les POP étaient produits et libérés dans l’environnement, ils atteignaient l’Arctique principalement sous l’effet de leur transport sur de grandes distances par les courants atmosphériques. Or, depuis que la réglementation a mis un frein à l’émission de ces polluants, les courants océaniques jouent un rôle plus important dans le transport des POP vers l’Arctique. C’est là la thèse de notre étude », explique le Pr Zhang.

Les eaux froides de la région peuvent ajouter des décennies à la durée de vie déjà considérable de ces composés chimiques. De plus, l’action des courants océaniques ainsi que des phénomènes naturels comme le couvert de glace y favorisent la rétention des polluants, un processus qu’on appelle « piégeage par le froid ».

« Au-delà des problèmes de santé que ces composés chimiques occasionnent en pénétrant dans la chaîne alimentaire par l’entremise d’animaux comme les baleines, les phoques et les ours polaires, leur présence soulève aussi des questions éthiques, car bon nombre de POP ne sont ni produits ni utilisés en Arctique. Or, la population et les écosystèmes de cette région sont exposés à des concentrations élevées de produits chimiques émis dans d’autres parties du monde », fait remarquer le Pr Zhang.

« Nous devons souligner que même si les concentrations de POP ne diminuent pas en Arctique plus de 20 ans après leur interdiction, cela ne signifie pas que la réglementation sur les produits chimiques est inefficace, conclut le Pr Zhang. En fait, la situation serait bien pire, n’eût été cette réglementation. »

 

25 skippers du Vendée Globe 2024 aux côtés de l’UNESCO pour soutenir la recherche océanographique

Sur les 40 skippers qui prennent le départ ce dimanche pour la course en solitaire autour du monde « Vendée Globe », 25 volontaires embarqueront à bord de leurs voiliers des instruments scientifiques. Ces instruments fournis par l’Unesco et ses partenaires vont récolter des données qui permettront de faire progresser la recherche océanographique et les modèles de prévisions météorologiques. « C’est une initiative exemplaire de coopération entre le monde du sport et celui de la science », déclare Audrey Azoulay, Directrice générale de l’Unesco.

Conformément aux engagements environnementaux pris par le Vendée Globe auprès de l’Unesco, l’embarquement de ces instruments sera rendu obligatoire pour tous les concurrents dans les règles de la course à compter de l’édition 2028.

Les marins ont été formés mi-octobre par des scientifiques à l’utilisation et au déploiement de ces outils.

10 skippers embarqueront des flotteurs-profileurs Argo (20 kg, 1,70 m de long) qui mesurent la température et la salinité de la mer jusqu’à 2 000 m de profondeur, permettant de prévoir les changements dans l’océan et leurs impacts sur le climat et la biodiversité marine.
8 skippers embarqueront des bouées de surface dérivantes (20 kg) qui mesurent la pression atmosphérique, la température de surface de la mer et les courants, permettant d’améliorer les prévisions météorologiques mondiales et de réaliser un meilleur suivi du dérèglement climatique.
5 skippers embarqueront des photomètres Calitoo (400 g), un petit appareil portable qui mesure le niveau des aérosols présents dans l’atmosphère et les trie en fonction de leur taille (fumée, gaz polluant, cristaux de glace, poussière). Cela permet de mesurer la profondeur optique, c’est-à-dire la quantité de lumière absorbée dans l’environnement.
2 skippers embarqueront des balises Argos Marget II (1,3 kg) pour révéler et mesurer les courants marins, essentiels pour la navigation, le déplacement des animaux marins, et pour mieux appréhender la dynamique de certains déchets dans l’océan.
En complément de ces dispositifs, des stations météorologiques (300 g) reliées à l’ordinateur de bord mesureront en temps réel la pression atmosphérique pour les prévisions météorologiques.
Enfin, les TSG Gaillard (10 kg) embarqués sur deux voiliers mesureront en continu la température et la salinité de surface de la mer.

La libido des moustiques passe par les oreilles

L’inactivation d’un seul gène auditif chez les moustiques les rend sourds, ce qui amène un désintérêt certain des mâles pour l’accouplement, révèle une étude américaine. Résultat: « si un moustique mâle ne peut pas entendre une femelle, c’est comme si elle n’existait pas », résument les chercheurs.

Chez les moustiques, l’accouplement a lieu en vol. C’est le son des battements d’ailes d’une femelle qui attire le mâle. « La parade nuptiale de l’Aedes aegypti se déroule généralement de la manière suivante », expliquent-ils. « Les femelles battent des ailes à une fréquence d’environ 500 Hz. Lorsque les mâles l’entendent, ils décollent en bourdonnant à environ 800 Hz. Les mâles modulent rapidement cette fréquence lorsque les femelles sont présentes. Il y a alors un rapide rendez-vous en plein vol, puis les deux partenaires partent chacun de leur côté. Les mâles restent toujours à la recherche de nouvelles partenaires potentielles. Tandis que la femelle fécondée ne l’est quasi plus ».

Les chercheurs ont dès lors travaillé sur les neurones auditifs de l’insecte. Ceux-ci se trouvent à la base des antennes, dans une structure appelée organe de Johnston. Les antennes sont des appareils multisensoriels, remplis de sensilles olfactives, mécanosensorielles et même thermiques infrarouges. Dans l’étude actuelle, l’équipe s’est concentrée sur un canal sensoriel particulier appelé TRPVa – et le gène correspondant, trpVa – qui est l’analogue chez le moustique d’un canal nécessaire à l’audition chez la mouche.

L’équipe a supprimé le gène codant pour TRPVa chez les moustiques Aedes aegypti. Les animaux ainsi obtenus n’ont montré aucune réaction au son. En fait, ils ont constaté que le son ne provoquait aucune activité électrique des neurones de l’organe de Johnston. Les insectes étaient véritablement sourds.

Lorsque les chercheurs ont placé des mâles sourds en présence de femelles… rien ne s’est passé. « S’ils n’entendent pas le battement d’ailes de la femelle, ils ne sont pas intéressés », explique l’équipe. « Leurs homologues entendants, en revanche, n’ont pas tardé à s’activer : ils se sont accouplés plusieurs fois en l’espace de quelques minutes ».

L’ouïe n’est pas seulement nécessaire pour que les mâles s’accouplent, elle semble aussi suffisante pour éveiller leurs désirs. Lorsque les auteurs ont fait entendre aux mâles normaux le son des battements d’ailes des femelles, les mâles ont généralement répondu par des poussées abdominales. Ils étaient prêts à passer à l’action. Les mâles sourds ont à peine tressailli.

« Ces résultats pourraient avoir des implications majeures sur la manière dont nous gérons la transmission des maladies en contrôlant mieux les populations de moustiques vecteurs, tels que l’Aedes aegypti, qui infectent chaque année des centaines de millions de personnes avec des virus à l’origine de maladies », concluent les chercheurs.

 

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