Première image d'un trou noir. © EHT collaboration
Première image d'un trou noir. © EHT collaboration

Mars et le trou noir : semaine chargée sur Terre

11 avril 2019
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 6 min

La diffusion, mercredi, de la première photographie d’un trou noir à quelque peu éclipsé une double autre annonce astronomique tout aussi passionnante faite le même jour : deux observations martiennes très surprenantes et impliquant des chercheurs belges.

Le trou noir, tout d’abord. Mercredi, la communauté (radio)astronomique avait mis les petits plats dans les grands pour dévoiler simultanément, dans six lieux différents de notre planète, la toute première image d’un trou noir. Jusqu’à présent, il n’existait que des modèles et des simulations basés sur la théorie de cet objet astronomique. Désormais, on l’a « vu ».

Observation d’un trou noir… et de son ombre

Cette image, fruit du travail de multiples équipes scientifiques en Europe et ailleurs dans le monde, réunies dans le cadre du projet collaboratif Event Horizon Telescope, montre le centre de la galaxie M87, dans la constellation de la Vierge. Le « Event Horizon Telescope » (EHT)  – un réseau constitué de huit radiotélescopes répartis sur la surface de la planète créé dans le cadre d’une collaboration internationale – a été conçu pour capturer les images d’un trou noir.

Situé au centre de M87, dans la constellation de la Vierge, ce trou noir se trouve à quelque 55 millions d’années-lumière de la Terre et présente une masse de 6,5 milliards de fois celle de notre Soleil.

C’est un trou noir « super massif », comme disent les astronomes. Sa photographie, la première image directe d’un trou noir et de son environnement, est en réalité une image composée de multiples données obtenues par des radiotélescopes répartis dans le monde, et qui ont travaillé comme un unique télescope virtuel de la taille de la Terre.

Bien que les télescopes qui composent l’EHT ne soient pas physiquement reliés entre eux, ils sont capables de synchroniser leurs données enregistrées grâce à des horloges atomiques – les masers à hydrogène – qui synchronisent précisément leurs observations. Ces observations ont été recueillies à une longueur d’onde de 1,3 mm lors d’une campagne mondiale en 2017. Chaque télescope de l’EHT a produit d’énormes quantités de données – environ 350 téraoctets par jour – qui ont été stockées dans des disques durs haute performance remplis d’hélium. Ces données ont été envoyées à des supercalculateurs hautement spécialisés – appelés corrélateurs – au Max Planck Institute for Radio Astronomy et au MIT Haystack Observatory pour être combinées. Elles ont ensuite été méticuleusement converties en une image à l’aide de nouveaux outils informatiques mis au point par la collaboration.

Que voit-on sur ce cliché ? Il s’agit de « l’ombre du trou noir », expliquaient les astronomes européens réunis mercredi à la Commission. « La matière qui s’accumule près du trou noir prend la forme d’un plasma extrêmement chaud qui est détectable dans certaines longueurs d’onde. Le trou noir se situe au centre de halo lumineux ».

Anatomie d’un trou noir

L'ombre d'un trou noir vue ici est la plus proche possible d'une image du trou noir lui-même, un objet complètement sombre duquel la lumière ne peut s'échapper. La limite du trou noir - l'horizon des événements qui a donné son nom à l'EHT - est environ 2,5 fois plus petite que l'ombre qu'il projette et mesure un peu moins de 40 milliards de km de diamètre. Bien que cela puisse paraître gros, cet anneau ne mesure qu'environ 40 micro-secondes d'arc, ce qui équivaut à mesurer la longueur d'une carte de crédit à la surface de la Lune. © ESO
L’ombre d’un trou noir vue ici est la plus proche possible d’une image du trou noir lui-même, un objet complètement sombre duquel la lumière ne peut s’échapper. La limite du trou noir – l’horizon des événements qui a donné son nom à l’EHT – est environ 2,5 fois plus petite que l’ombre qu’il projette et mesure un peu moins de 40 milliards de km de diamètre. Bien que cela puisse paraître gros, cet anneau ne mesure qu’environ 40 micro-secondes d’arc, ce qui équivaut à mesurer la longueur d’une carte de crédit à la surface de la Lune. © ESO

Sur la planète Mars, le méthane manque à l’appel

Plus près de la Terre, c’est la planète Mars qui faisait le jour même l’actualité. Dans son cas, il s’agit de deux résultats scientifiques passionnants issus d’observations réalisées par la sonde européenne TGO (de la mission ExoMars 2016).

La revue Nature publie en effet cette semaine deux articles décrivant les premiers résultats de l’instrument belge NOMAD à bord d’ExoMars-TGO (Trace Gas Orbiter), la sonde russo-européenne placée en orbite autour de Mars, et qui avait quitté la Terre en 2016.

Les surprises de l’instrument belge

L’instrument belge NOMAD présent sur TGO a commencé ses observations scientifiques en avril 2018. « Après quelques mois de données, et contre toute attente, nous n’avons pas détecté de méthane dans l’atmosphère martienne », explique Ann-Carine Vandaele, de l’Institut d’Aéronomie spatiale de Belgique (IASB), responsable de cet instrument.  NOMAD a été conçu à l’Institut d’Aéronomie spatiale (IASB) puis testé et calibré au Centre Spatial de Liège. Plusieurs chercheurs du « Laboratory for Planetary and Atmospheric Physics » (LPAP) de l’ULiège, sont d’ailleurs membres de l’équipe NOMAD.

« Nos spectromètres ne montrent que des concentrations de méthane qui sont 10 à 100 fois plus faibles que les mesures obtenues précédemment par d’autres instruments scientifiques qui observent Mars depuis la Terre, depuis d’autres engins spatiaux, mais aussi depuis la surface de la planète, avec le robot américain Curiosity par exemple », explique Ann-Carine Vandaele.

Surprenant ? « Nos instruments ne détectent du méthane atmosphérique depuis l’orbite martienne que jusqu’à une altitude d’environ 3 km au-dessus de la surface de la planète », explique la scientifique de l’IASB. « Il pourrait exister un processus de destruction du méthane qui est à l’œuvre sur Mars et qui nous est inconnu. Ce qui pourrait expliquer ces différences de concentration ».

Les tempêtes de poussières globales « assécheraient » la planète 

L’autre découverte martienne, également fruit d’observation par NOMAD, concerne la gigantesque tempête de poussière qui a affecté Mars en juin 2018. « Nos observations vont permettre de comprendre comment ces tempêtes globales peuvent apparaître », indique encore le Dr Vandaele.

« Nos données montrent également que la concentration de l’eau dans l’atmosphère martienne évolue très vite en cas de tempête. Nous avons vu qu’en quelques jours, cette tempête de poussières a entraîné un réchauffement de l’atmosphère martienne. Cela a eu pour effet de faire monter les molécules d’eau vers les couches atmosphériques supérieures de la planète. L’eau atteint ainsi des altitudes de 80 à 90 km d’altitude alors qu’en l’absence de tempête de poussières, elle reste cantonnée sous la barre des 50 km. Cela expliquerait comment les atomes d’hydrogène martien disparaissent ».

« En montant plus haut dans l’atmosphère martienne, les molécules d’eau sont davantage dissociées par le rayonnement solaire. Les atomes d’hydrogène ainsi créés peuvent plus facilement s’échapper de l’environnement planétaire. Ce qui expliquerait en partie comment Mars a perdu son eau au fil du temps ».

« Nous allons maintenant nous intéresser aux autres éléments présents dans l’atmosphère martienne, et pousser plus finement nos analyses des phénomènes qui s’y produisent », conclut-elle.

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