La jeunesse bruxelloise, une jeunesse à deux vitesses? Pour Muriel Sacco, chercheuse en sciences politiques et sociales au centre de recherche Germe de l’Université Libre de Bruxelles (ULB), la réponse à cette question est clairement “oui”.
Avec sa consœur Caroline d’Andrimont, chercheuse à l’IGEAT (ULB), et les sociologues Bram Spruyt, Wendy Smits et Dimokritos Cavais de la Vrije Universiteit Brussel (VUB), elle a relu quelque 200 études récentes sur la question des jeunes dans la capitale belge. Des études produites par de multiples acteurs (universités, fondations, institutions publiques, associations), aux logiques communautaires et sectorielles diverses.
L’équipe réunie autour de Muriel Sacco s’est surtout concentrée sur la tranche d’âge des 12 à 24 ans. La synthèse qu’elle en tire, publiée depuis peu aux “Brussels Studies”, est riche en enseignements.
La population bruxelloise est la plus jeune des trois Régions
En termes de nombre, tout d’abord. En 2015, les jeunes âgés de 12 à 24 ans étaient 177 722 en Région de Bruxelles-Capitale. Ce qui représentait 15 % de sa population totale et ce qui fait aussi de Bruxelles la Région la plus jeune du pays.
Ensuite en ce qui concerne leurs répartitions dans les différents quartiers. Les chercheurs observent une concentration de la jeunesse plutôt dans le centre de la Région.
Cette revue de la littérature permet aussi de chiffrer la langue privilégiée par les jeunes bruxellois. Sur l’ensemble des jeunes inscrits dans l’enseignement secondaire francophone et néerlandophone subventionné à Bruxelles (94.230 élèves au total pour l’année scolaire 2013-2014) 85% étaient scolarisés dans l’enseignement francophone.
Situation globalement précaire et dualisation
La note de synthèse pointe aussi les maux dont souffre la jeunesse bruxelloise.
“La situation de nombreux jeunes est en assez précaire”, indique l’équipe. “Que ce soit sur le plan de l’éducation, de l’accès à l’emploi, des conditions de logement ou encore de l’accès aux soins de santé”.
“La littérature analysée met en avant la très forte dualisation des conditions de vie de la jeunesse bruxelloise. Deux types de jeunesse semblent peupler Bruxelles, vivant des vies « en parallèle », ne se rencontrant ni dans le système scolaire ni dans les espaces de loisirs, ne pratiquant pas le même type de mobilité, et n’ayant ni le même niveau d’éducation ni les mêmes chances d’accès à l’emploi”, constatent les chercheurs.
“Les tentatives de réduction de ces phénomènes d’exclusion semblent jusqu’ici n’avoir que peu porté leurs fruits. Ces constats doivent être pris en compte, sous peine d’un renforcement de l’exclusion sociale et de la dualisation sociospatiale dans la Région”, indiquent-ils encore dans leur note de synthèse, réalisée à l’initiative de la Fondation Bernheim, en collaboration avec la Fondation Roi Baudouin.
Toutefois, cette revue de la littérature montre aussi que de nombreuses thématiques concernant les jeunes à Bruxelles mériteraient d’être davantage étudiées.
“Des domaines comme la vie intime des jeunes, les déterminants du choix du partenaire amoureux, les goûts, les activités et les gestes de la vie quotidienne, ou les pratiques religieuses sont peu connus. Seules quelques rares analyses articulent la thématique du genre avec les relations sociales au sein de certaines communautés ethniques bruxelloises. L’occupation du temps libre par des activités culturelles et sportives est seulement très partiellement connue”, écrit l’équipe de chercheurs.
“L’approfondissement de ces thématiques pourrait aider à mieux comprendre les jeunes”, conclut-elle.