Oeufs du parasite grande douve du foie © Danny S. — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=78700275

Du 14 au 17e siècle, les Bruxellois souffraient de sérieux problèmes intestinaux

11 septembre 2020
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

C’est à une surprenante plongée dans les bas-fonds bruxellois que nous convient les archéologues de l’Université de Cambridge, de l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique (IRSNB) et de l’Université libre de Bruxelles. Ces chercheurs ont profité de fouilles préventives réalisées dans deux sites du centre de Bruxelles (rue d’Une Personne et rue des Chartreux, respectivement en 2014 et 2010) pour étudier les différentes couches sédimentaires de fosses d’aisances (des latrines) datant du 14e et du 17e siècle. Et ils y ont découvert des œufs de parasites intestinaux comme des vers blancs de type ascaris, des traces de la grande douve du foie, de Trichuris, de ténias ou encore de cestodes. Mais aussi des traces de deux types d’amibes, Giardia duodenalis et Entamoeba histolytica, susceptibles de provoquer une diarrhée sévère. Clairement, la santé des Bruxellois n’était pas des meilleures à l’époque.

Une ville en plein développement, mais dénuée d’égouts

Au début du 14e siècle, Bruxelles s’imposait comme centre politique et économique. La ville comptait 20.000 habitants et connaissait une phase d’urbanisation importante. Les activités artisanales s’y développaient et on y remarquait l’apparition de bâtiments en brique et en pierre. Cent ans plus tard, 26.000 Bruxellois peuplaient la cité. Une population importante qui… ne connaissait pas les égouts. Ceux-ci sont, à Bruxelles, une invention du 19e siècle. Avant cela, tout passait par les fosses d’aisances. La Senne, la rivière qui traverse la ville, faisait office d’égout à ciel ouvert.

« Les anciennes fosses d’aisances constituent un véritable trésor pour les archéologues », explique Koen Deforce, archéologue à l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique. « Les restes de plantes et d’animaux qui ont été consommés par les habitants, mais pas toujours entièrement digérés, comme les pépins et autres graines, les petits os et les arêtes de poisson, peuvent souvent être identifiés dans les différentes couches sédimentaires. Ils constituent une source d’informations unique sur le régime et les habitudes alimentaires de ces populations ». Les restes des parasites intestinaux qui infectaient cette ancienne population ont aussi été conservés dans le contenu de ces anciennes fosses. Et c’est précisément ceux-ci qui intéressaient les chercheurs.

A l’époque de l’archiduchesse Isabelle, ici en 1615 à la fête des arbalétriers, près de l’église du Sablon à Bruxelles, la santé intestinale des Bruxellois n’était pas au beau fixe © Christian Du Brulle

Fertilisation risquée des potagers urbains

Les fouilles archéologiques ainsi que la recherche parasitologique effectuée sur les échantillons provenant de ces fouilles ont été organisées par le Service public régional bruxellois en charge de l’urbanisme et du patrimoine. Elles ont permis d’identifier huit espèces de parasites intestinaux présents à Bruxelles à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance.

La présence de ces parasites renseigne les chercheurs sur l’hygiène et les conditions de vie qui régnaient à Bruxelles à l’époque (post)médiévale. « Les infections devaient être fréquentes. Elles résultaient sans doute de la contamination d’aliments et de boissons par des matières fécales », analyse l’archéologue de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique.

« La fertilisation des jardins potagers et des champs avec le contenu des fosses d’aisances était habituelle à l’époque. Mais la Senne était probablement aussi une source majeure d’infection. Elle a joué un rôle d’égout jusqu’au XXe siècle, inondant régulièrement le bas de la ville médiévale et post-médiévale. Cela a permis aux maladies infectieuses de s’y propager facilement ».

Une infection de la plupart de ces parasites, tels que l’ascaris et le Trichuris, n’entraîne généralement pas de complications médicales graves, mais peut parfois provoquer une carence en vitamines, une anémie et un retard de croissance chez les enfants. L’infection par les amibes Giardia duodenalis ou Entamoeba histolytica a cependant souvent des conséquences médicales plus importantes. « Ces amibes provoquent la dysenterie, une forme grave de diarrhée qui peut entraîner la déshydratation et peut même être mortelle, notamment pour les jeunes enfants et les personnes âgées », précisent encore les scientifiques.

 

 

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