La médiation explose dans les domaines juridique, administratif, familial, scolaire, politique, thérapeutique. Christine Servais fait le point sur les implications scientifiques, pratiques, idéologiques de ce modèle de relation dans «La médiation» aux éditions De Boeck . La professeure au Département des arts et sciences de la communication de l’Université de Liège (ULg) s’adjoint le regard de 10 chercheurs.
«Il nous manquait un ouvrage consacré à une première analyse de la complexité du phénomène», souligne Olgierd Kuty, professeur émérite de sociologie de l’ULg. «Nous pouvons nous réjouir d’avoir dans les mains un tel dossier de textes, rassemblés pour avancer dans l’élaboration de cette nouvelle médiation horizontale.»
Une gouttelette d’huile
«Les pratiques de médiation posent à la société des questions urgentes sur le conflit, sa légitimité et sa résolution», insiste Christine Servais qui dirige le Laboratoire d’études sur les médias et la médiation de l’ULg. «Mais aussi sur la pluralité et le partage des normes. Sur le rôle des institutions. Sur le rôle du politique dans la régulation sociale.»
En Fédération Wallonie-Bruxelles, l’école n’échappe pas à la médiation qui remet en cause la relation verticale. Les chercheurs Christophe Dubois et Baptiste Dethier de l’ULg retracent son historique lié aux préoccupations sociales et sécuritaires des années 1990. Parallèlement aux discours de prévention et de répression de la criminalité, l’accent était mis sur la lutte contre le décrochage, la violence, l’absentéisme.
Aujourd’hui, beaucoup d’acteurs pratiquent la médiation: élèves, enseignants, éducateurs, centres psycho-médico-sociaux (CPMS)… Les chercheurs les ont interrogés lors d’une recherche doctorale soutenue par le Fonds de la Recherche Scientifique F.R.S.-FNRS.
«De nombreux niveaux de pouvoir proposent ce type de service, selon des modalités de coordination structurelle variables, mais souvent imprécises. La notion de médiation scolaire recouvre des formes concrètes orientées vers la prévention ou la répression. Articulées autour de pratiques d’écoute ou de soutien. Isolées ou destinées à servir de relais vers d’autres instances. Chaque médiateur y apporte une touche personnelle selon sa formation, son expérience, son vécu ou son environnement.»
Lors d’un entretien collectif, un médiateur scolaire explique qu’il agit comme une gouttelette d’huile dans un mécanisme qui peut gripper, se bloquer. La comparaison des pratiques et dispositifs de médiation entre les six établissements d’enseignement secondaire choisis n’indique aucune influence significative de la taille des écoles, de l’indice socio-économique, du réseau ou du type d’enseignement. Paradoxalement, des établissements où un médiateur intervient fréquemment relèvent d’une forme de régulation organisationnelle majoritairement autoritaire. Et une école, qui ne fait jamais appel à un médiateur, se caractérise par une importante culture de la médiation.
Des animaux agissent comme médiateurs
La chercheuse Bénédicte de Villers et la professeure Christine Servais étudient la médiation animale. Des pratiques d’aide ou de soin qui impliquent des chiens, des chevaux, des dauphins… L’objectif: contrer des difficultés physiques ou psychologiques.
Christine Servais a impulsé le projet «Auti-dauphin». Ce programme a induit des changements positifs dans l’attention et la motivation d’enfants autistes interagissant avec des dauphins. Bénédicte de Villers a participé au projet «Mistral gagnant» qui a bénéficié notamment du soutien des universités de Liège, Namur, Louvain et de la Région wallonne. L’interaction quotidienne avec deux chiens dans une unité de soins psychiatriques a aidé des patients psychotiques à gérer leurs émotions.
«Pour le patient, la capacité du chien à apprendre est une façon de mesurer immédiatement les effets de sa façon de communiquer.»
Selon les chercheuses, la médiation animale s’apparente à un écotone, un écosystème à la jonction de deux écosystèmes différents. Elle démultiplie les zones de contact possible et établit de nouvelles compatibilités entre patient et thérapeute.
«Les animaux ne sont pas des outils que l’on pourrait utiliser pour faire céder efficacement tel ou tel symptôme. Ils sont les partenaires d’un projet qui doit accepter de compter sur eux et avec eux. De faire place à l’incertitude.»