Avec Drag-On, la recherche duale conforte son nid à l’Institut von Karman

12 janvier 2023
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Une recherche toujours plus duale! A l’occasion de leur visite à l’Institut von Karman (IVK) pour la dynamique des fluides, installé à Rhode-Saint-Genèse, entre Bruxelles et Waterloo, la ministre fédérale en charge de la Défense, Ludivine Dedonder (PS), et le secrétaire d’État en charge de la Politique scientifique, Thomas Dermine (PS), étaient sur la même longueur d’onde. Leur objectif: encourager ce centre de recherche de réputation mondiale à miser sur la recherche duale.

100 millions d’euros pour le projet DIRS

Recherche duale? Il s’agit de la recherche dont les résultats peuvent être intéressants dans le cadre d’applications tant civiles que militaires.

Dans le cadre du projet DIRS (Defence, Industry and Research Strategy) qui, lui-même, s’intègre dans le plan de refinancement de la Défense belge, une centaine de millions d’euros vont être consacrés à la recherche. Deux domaines de recherche de l’IVK sont particulièrement concernés: l’aéronautique et le spatial. Les écoulements sur les ailes d’un avion, sur les structures d’un lanceur spatial, sur le nez d’un missile hypersonique ou encore dans les tuyères et les moteurs de ces engins répondent tous aux mêmes lois de la physique. Faire progresser les connaissances dans un de ces domaines profite souvent aussi aux autres.

Alimenter en carburant un satellite en orbite basse

Un exemple? Le tout nouvel outil « Drag-On » en offre un bel aperçu. Cet équipement de recherche a été inauguré en décembre dernier. Sa spécificité? Voir dans quelle mesure un satellite en orbite (très) basse peut espérer récupérer une partie des rares particules atmosphériques qu’il y rencontre afin de s’en servir comme carburant.

Les satellites utilisent généralement des carburants embarqués depuis la Terre pour faire fonctionner leurs moteurs. Dans le jargon, on parle d’ergols. Ceux-ci peuvent soit servir à modifier l’orbite du satellite, soit à rectifier son attitude. Pour qu’il soit efficace, il vaut mieux qu’un satellite d’observation de la Terre regarde bien… la Terre. S’il commence à pivoter, cela pose un sérieux problème d’efficacité. Et si son attitude doit constamment être rectifiée, son carburant s’épuise.

Récupération de particules d’oxygène

« Ceci est d’autant plus vrai pour les satellites qui évoluent très près de la Terre, entre 100 à 300 kilomètres d’altitude, là où subsiste une atmosphère résiduelle », explique l’ingénieur de recherche Mikel Spillemaekers.

« Cette atmosphère ténue ralentit plus rapidement un satellite par rapport à un engin situé sur une orbite plus haute, quasiment dans un vide total. Ces frottements lui font perdre de la vitesse, et donc de l’altitude. Pour compenser cette perte d’altitude, et par conséquent la durée de vie de l’engin en orbite, il faut donc activer régulièrement ses moteurs et consommer son carburant embarqué. »

Et c’est là que le projet Drag-On entre en scène. Il vise à tirer parti des quelques molécules rencontrées en orbite basse par l’engin spatial pour en faire du carburant. « On parle ici de particules d’oxygène sous sa forme atomique », explique l’ingénieur. « Des particules qui sont dix millions de fois moins fréquentes à ces altitudes qu’au niveau du sol. »

Un démonstrateur dans deux ans

« L’idée est de les capter, de les compresser et de s’en servir ensuite pour activer des moteurs électriques également alimentés par les panneaux solaires du satellite. En injectant des particules dans Drag-On et en les accélérant aux vitesses rencontrées par les satellites grâce à un champ électrique, nous pouvons simuler les conditions rencontrées par ces satellites en orbite basse et tenter d’élaborer les solutions utiles à ce nouveau concept de propulsion électrique. »

« Notre but avec Drag-On est de pouvoir produire un démonstrateur d’ici deux ans, mais aussi d’étudier le comportement des matériaux exposés à de telles conditions. »

En quoi cette recherche est-elle duale? Si on reprend l’exemple de l’observation de la Terre, la réponse saute aux yeux. On voit mieux ce qui est plus près. Un satellite en orbite basse sera donc plus efficace qu’un engin situé plusieurs centaines de kilomètres au-dessus de lui.

« Ces images de meilleure qualité pourront être utilisées dans les domaines tant de l’agriculture que de la défense », indique Mikel Spillemaekers.

« Ce nouvel outil complète notre série de souffleries exceptionnelles, capables d’étudier des fluides en mouvement évoluant à des vitesses allant de quelques mètres par seconde à quelques kilomètres par seconde », précise Peter Grognard, le directeur de l’Institut von Karman. De quoi fournir des outils d’exception aux doctorants qui fréquentent les lieux, dont de nombreux chercheurs issus de l’École Royale militaire.

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