Photo de Mercure prise par la sonde MESSENGER en décembre 2009 © NASA / Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory / Carnegie

A la découverte de la planète de fer, avec la mission BepiColombo

12 juillet 2023
par Camille Stassart
Temps de lecture : 6 minutes

Série : Pleins feux sur notre Système solaire (1/5)

Alors que les planètes Vénus et Mars ont chacune fait l’objet d’une vingtaine de missions d’exploration réussies, Mercure n’a été visitée pour le moment que par deux engins spatiaux : Mariner 10 en 1974, et MESSENGER de 2011 à 2015. Ce nombre s’élèvera toutefois bientôt à trois grâce à la mission BepiColombo, menée par l’Agence spatiale européenne (ESA) et l’Agence d’exploration aérospatiale japonaise (JAXA). Nom donné en hommage à l’ingénieur et mathématicien italien Giuseppe (Bepi) Colombo.

Les deux sondes embarquées sur le vaisseau spatial, lancé en octobre 2018, se placeront en orbite autour de Mercure d’ici deux ans. Elles emportent conjointement 16 instruments destinés à étudier la planète sous toutes ses coutures. Des chercheurs de l’Observatoire royal de Belgique prendront part à l’analyse des futures données recueillies pour trois de ces instruments, en collaboration avec la KU Leuven et l’ULiège.

Image de Mercure lors du 2e survol en juin 2022 © ESA / BepiColombo / MTM

Une planète au grand cœur de fer

Planète la plus proche du Soleil, Mercure abrite un monde particulièrement inhospitalier. Son absence d’atmosphère fait que la chaleur du Soleil est rapidement absorbée le jour, et vite rejetée la nuit. Dans les régions exposées au soleil, les températures peuvent ainsi atteindre les 430 °C et descendre jusqu’à -180 °C à l’ombre.

Mais c’est surtout sa densité, c’est-à-dire le rapport de sa masse à son volume, qui la démarque des autres planètes du Système solaire. « Alors même que Mercure est à peine plus grande que la Lune, elle présente une très forte densité, la 2e plus élevée après la Terre », indique Tim Van Hoolst, chef de projets en sciences planétaires à l’Observatoire royal de Belgique et participant à la mission BepiColombo.

Cette caractéristique a été mise à jour par la sonde américaine Mariner 10 lors des trois survols qu’elle a opérés au-dessus de Mercure entre mars 1974 et mars 1975. Cette densité importante suggérait l’existence d’un important noyau de fer. Une idée confirmée 35 ans plus tard par la sonde MESSENGER, dont les données attestent la présence d’un grand noyau liquide, dont la partie centrale pourrait être partiellement solide.

Encore aujourd’hui, ce noyau – beaucoup plus grand que ceux des autres planètes rocheuses du Système solaire – intrigue les scientifiques. Mieux comprendre sa structure et la composition du sol de Mercure sera ainsi l’un des grands objectifs de la mission spatiale BepiColombo.

Vue d’artiste du vaisseau de la mission BepiColombo © ESA / ATG / medialab

Onze instruments à bord de la sonde européenne

Le vaisseau spatial, actuellement en transit, embarque avec lui les orbiteurs Mio et MPO. Mio, conçu par la JAXA, analysera le champ magnétique et la magnétosphère de Mercure. Quant à MPO, développé par l’ESA, il étudiera sa surface, sa composition et sa structure interne. Pour ce faire, la sonde européenne compte à son bord 11 instruments, dont 3 qui intéressent particulièrement les chercheurs de l’Observatoire de Belgique : BELA, SIMBIO-SYS et MORE.

« Grâce à BELA (BepiColombo Laser Altimeter), on sera en mesure de construire une carte topographique de la surface de Mercure avec une précision d’un mètre. On espère ainsi comprendre la composition de la croûte, ou encore la densité du manteau », fait savoir le Pr Van Hoolst. En complément, SIMBIO-SYS (Spectrometers and Imagers for MPO BepiColombo Integrated Observatory System) permettra d’étudier la géologie de la planète (volcanisme, tectonique, composition de surface, etc.).

MORE (Mercury Orbiter Radio science Experiment), de son côté, servira à mesurer le champ de gravité de la planète ainsi que sa rotation. « A partir de ces données, on pourra déduire la taille et l’état physique du noyau, et déterminer s’il est partiellement ou totalement liquide », précise Rose-Marie Baland, chercheuse à l’Observatoire et spécialiste de la rotation de Mercure.

Image de Mercure lors du premier survol en octobre 2021 © ESA / BepiColombo / MTM
Image de Mercure lors du 2e survol en juin 2022 © ESA / BepiColombo / MTM
Image de Mercure lors du 2e survol en juin 2022 © ESA / BepiColombo / MTM

Quand le Soleil provoque des marées terrestres

Les instruments MORE et BELA seront, par ailleurs, utiles pour analyser la force des marées terrestres sur Mercure, ce qui permettra d’en savoir plus sur la structure interne et l’état du noyau. Ce phénomène, dû à la force d’attraction du Soleil, se retrouve sur toutes les planètes rocheuses du Système solaire. Sur Terre, le sol sous nos pieds fluctue tous les jours de plusieurs dizaines de centimètres, de la même manière que les marées océaniques élèvent et descendent le niveau des mers.

« Sur Mercure, en raison de sa proximité avec le Soleil, la force de marée terrestre est importante. Dès lors, la surface monte et descend de 2 mètres tous les 88 jours terrestres », fait savoir Marie Yseboodt, également impliquée dans la mission BepiColombo et spécialiste de la rotation de Mercure.

MORE contribuera aussi à mieux connaître la composition globale de sa structure interne. Les scientifiques vont, notamment, chercher à comprendre l’absence de traces de fer dans le sol, alors même qu’il est supposé être le constituant principal de Mercure.

Les différences entre la Terre et Mercure © Reflexions ULiège

Déjà trois survols au compteur

Lancé en 2018, le vaisseau BepiColombo a atteint le système mercurien à la fin 2021. Depuis, il a déjà opéré trois survols de la planète (le dernier ayant eu lieu en juin 2023), sur les six prévus par la mission. Bien que la plupart des instruments à bord des sondes ne soient pas encore activés, certains ont déjà pu récolter plusieurs informations, comme les particules présentes à proximité de la planète, ou encore les limites de son champ magnétique. Selon l’ESA, « ces survols offrent la possibilité d’échantillonner des régions autour de Mercure qui ne seront pas accessibles une fois que nous serons en orbite ».

Surtout, ces survols ont permis de prendre une série d’images inédites de la surface cratérisée de la planète, donnant un avant-goût de Mercure avant la mise en orbite de MPO et Mio en décembre 2025.

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