Série : Vétérinaires sous pression (2/3)
Les bovins constituent l’élevage de ruminants le plus important en Wallonie. En 2023, on recensait un peu plus d’un million d’animaux, selon les données de STATBEL. Malgré une légère diminution de 1,5 % en 2024, ce secteur, dont le cheptel s’est réduit de 30 % depuis 1990, peut aujourd’hui être considéré comme stable. Les vaches à viande et les vaches laitières représentent deux univers distincts qui influencent le travail des vétérinaires.
Blanc-bleu belge : des césariennes à tour de bras
Avec un rendement de carcasse de plus de 70 %, la race blanc-bleu belge est le fleuron des vaches viandeuses en Wallonie. Elles se concentrent en Ardenne. Pour le vétérinaire rural installé dans cette contrée, cela signifie des césariennes à gogo. En effet, l’expression du gène associé à l’hypertrophie musculaire entraîne une incapacité à mettre bas par voie naturelle chez la quasi-totalité des femelles.
Si les vaches sont fécondes toute l’année, la reproduction par insémination permet de s’assurer que le vêlage ait lieu entre février et mai. A cette période, les animaux sont à l’étable, ce qui facilite la surveillance des gestations et la réaction rapide lorsque la mise bas se rapproche. L’hiver et le début du printemps constituent la haute période d’activité pour un vétérinaire ardennais avec en moyenne une cinquantaine de césariennes par semaine.
« Quand c’est la grosse saison, que de nombreux veaux naissent par césarienne, il y a également beaucoup de diarrhées de veaux, de grippes, etc. à soigner. Ce sont les dominantes pathologiques », explique Hugues Guyot, professeur en santé des ruminants à l’ULiège.
Reproduction assistée et programmée
L’idéal pour les éleveurs, tant de vaches à viande que de vaches laitières, c’est d’avoir un veau par vache chaque année. Les premiers vendent de la viande de veau. Les seconds ont besoin que leurs vaches aient des veaux pour entrer en lactation. Celle-ci dure en moyenne 305 jours, en passant par un maximum de production dans les jours qui suivent le vêlage, puis va en diminuant doucement au cours du temps. S’en suit une période de tarissement de 60 jours, avec une ration alimentaire moins riche en énergie et en protéines pour éviter que l’animal ne s’engraisse.
« Pour entamer un nouveau cycle de lactation, il est crucial pour l’éleveur que sa vache soit gestante le plus rapidement possible. » L’insémination se fait au printemps, avec une gestation de 9 mois, aboutissant à un vêlage en hiver. La boucle est bouclée. À noter qu’au cours de sa vie, une vache connaît généralement entre 4 et 5 lactations, et ce sont les deuxièmes, troisièmes et quatrièmes qui sont généralement les plus productives.
A 15 mois, les génisses sont sexuellement matures et sont inséminées. Elles fêtent donc leurs deux ans lorsqu’elles donnent naissance à leur premier veau.

Vêlages naturels pour les laitières
La majorité des troupeaux de vaches laitières se trouve sur les plateaux herbeux, notamment au pays de Herve. Cet élevage représente un mode de vie différent, nécessitant de traire les vaches deux fois par jour, tous les jours. L’utilisation d’un robot de traite peut considérablement simplifier la tâche de l’éleveur. À la ferme expérimentale et pédagogique de l’ULiège, les vaches viennent de manière autonome se faire traire et reçoivent, lors de la traite, une ration adaptée à leurs besoins individuels, identifiés grâce à un transpondeur autour de leur cou. En hiver, le robot est installé dans l’étable, tandis qu’au printemps, il est sorti dans la prairie.
« Les vêlages des vaches laitières se déroulent généralement de manière naturelle et sans assistance. Cependant, un vétérinaire est nécessaire en cas de complications. Par exemple, si le veau est en position de siège, son expertise obstétricale est essentielle pour le repositionner et l’extraire. Les mammites sont des problèmes fréquents chez les vaches laitières », explique Pr Hugues Guyot, président du Département clinique des animaux de production (ULiège).
L’avenir sera préventif
Mais n’allez pas croire que le métier de vétérinaire spécialisé dans les grands ruminants se borne à faire des césariennes et à gérer les urgences. La médecine de troupeau, essentiellement préventive et axée non plus sur des problèmes de santé individuelle, mais du groupe, existe depuis une vingtaine d’années et est enseignée depuis 2012 à l’ULiège.
« En ciblant divers facteurs de risque (comme l’influence de l’environnement et des structures de la ferme sur l’état de santé des animaux, NDLR), on peut identifier les défaillances à corriger. Cela permet d’augmenter la production laitière, d’avoir moins de maladies et d’améliorer l’intervalle entre les vêlages, entre autres», explique Pr Guyot, titulaire du cours de médecine de troupeau à l’ULiège.
« Bien qu’en France, cette médecine préventive soit bien établie, en Belgique, les éleveurs restent encore hésitants à l’idée de payer pour du conseil. Mais des vétérinaires belges commencent à la développer, principalement en proposant à leur clientèle un suivi de reproduction. Ils planifient des visites mensuelles à la ferme, réalisant des diagnostics de gestation. Le cycle reproducteur des vaches est examiné afin de détecter précocement d’éventuels problèmes, comme des kystes ovariens. Selon moi, la médecine de troupeau, c’est l’avenir de la médecine vétérinaire rurale », conclut-il.