Quitter Internet pour trouver l’âme sœur

12 octobre 2015
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min
«Mon partenaire en un éclair» par Pierre-Yves Wauthier. Ed. Academia L’Harmattan, VP 22,33€
«Mon partenaire en un éclair» par Pierre-Yves Wauthier. Ed. Academia L’Harmattan, VP 22,33€

S’attabler et converser successivement avec des personnes inconnues pendant 7 minutes est la stratégie du speed dating. L’anthropologue Pierre-Yves Wauthier s’est immergé dans ces rencontres express. Le collaborateur du Centre interdisciplinaire de Recherche sur les Familles et les Sexualités  de l’Université Catholique de Louvain (UCL) en tire des conclusions, accompagnées de témoignages, dans «Mon partenaire en un éclair» de la collection Pixels des éditions Academia L’Harmattan.

«Avant d’approcher ce terrain à Bruxelles en 2009 et en 2010, l’idée que je me faisais du speed dating était uniquement nourrie du hasard d’un bref reportage vu à la télévision quelques années plus tôt et d’une ou deux fictions filmiques mettant en scène un speed dating», raconte le chercheur.

«Personnellement élevé à l’amour romantique dans une version probablement un peu fleur bleue empreinte d’un certain catholicisme de gauche, je pensais avec candeur que la rencontre du partenaire se faisait par hasard, du moins dans nos contrées. En pratiquant le speed dating, j’ai découvert des personnes pour lesquelles les aléas de la vie ordinaire et extraordinaire ne suffisaient apparemment pas, ou plus, pour parvenir à rencontrer la bonne personne avec laquelle faire couple.»

Éliminer les candidats inadéquats

En créant le «SpeedDating» à Los Angeles en 1998 avec des jeunes de sa communauté, l’intention du rabbin Yaacov Deyo était de promouvoir l’union durable entre Juifs. Découvrir rapidement le partenaire conjugal qui convient dans un cadre régulé. En incorporant l’intellect aux sentiments. Selon son auteur, cette stratégie est basée sur les piliers de la sagesse et de la philosophie juives. Mais elle peut s’appliquer indifféremment de la religion.

Surfant sur la crise des mariages et le nombre croissant de divorces, la fréquence de ces rencontres éclair passe en un an de quelques-unes par mois à Los Angeles à une cadence hebdomadaire dans 25 grandes villes à travers le monde. En Belgique francophone, une agence les organise pour la première fois en 2004. Une dizaine de séances sont orchestrées mensuellement à Bruxelles. Le rythme est moins élevé à Liège, Namur, Anvers, Bruges, Gand, Louvain.

«Les tranches d’âges concernaient le plus souvent les 25-35 et dans une moindre mesure les 35-45 et 45-60. Parmi les participants, j’ai rencontré diverses nationalités d’Europe, d’Asie et d’Afrique. Diverses catégories professionnelles: des avocats, des électriciens, des ouvriers, des fonctionnaires, des agriculteurs, des enseignants, des étudiants, des médecins, des artistes, des cadres, des expatriés… Par contre, je n’ai pas rencontré de SDF ni de personne que j’aurais pu identifier comment extrêmement riche. J’ai également rencontré quelques personnes souffrant d’un handicap physique visible.»

Apprécié des internautes

«Tous étaient internautes, sauf une personne inscrite à l’initiative de sa fille internaute. Ils étaient prêts à dépenser de 0 à 50 euros pour une telle soirée. Et ils étaient suffisamment audacieux pour dépasser leur timidité, satisfaire leur curiosité ou briser ce qui apparaît dans certains milieux comme un tabou. La grande majorité vivait en ville. Certains étaient mariés ou en couple, à l’insu des organisateurs et des autres inscrits. Le speed dating paraît apporter une réponse appréciée par la plupart des participants que j’ai rencontrés. Le sentiment qu’il est du temps perdu ne semble pas faire l’unanimité

Même quand elle est annoncée, la formule originale 7 hommes – 7 femmes – 7 minutes n’est plus respectée. Chaque organisateur invente ses règles. Mais, c’est encore le plus souvent les hommes qui passent de table en table et les femmes qui restent assises. On n’interdit plus de demander à un participant d’où il vient ni ce qu’il fait dans la vie. De parler boulot.

«Si une version différente s’est popularisée, c’est que l’attente des participants est de trouver un plus grand bonheur. Mais ils doutent que la forme couple puisse y pourvoir durablement. De nombreuses études sociologiques mettent en évidence que le phénomène de la rupture concerne un nombre massif et croissant d’individus

Les rencontres éclair ont aussi séduit le monde des affaires et de la politique. Pour embaucher un collaborateur, promotionner un produit, attirer des électeurs.

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