Les musées universitaires, futurs lieux de démonstration de la recherche scientifique ?

12 novembre 2019
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 4 minutes

Les musées souffrent régulièrement d’une image un peu poussiéreuse et élitiste. Pourtant, des commissaires d’exposition se démènent pour mettre au jour des collections originales et vulgarisées, surfant sur les derniers développements muséographiques. Les musées universitaires n’échappent pas à ce constat. Pourraient-ils devenir des lieux de démonstration de la recherche scientifique en cours? Cette question fut soulevée lors du colloque « Les musées universitaires et leurs publics », qui s’est tenu à l’ULiège.

De la recherche polaire au cœur d’un musée mosan

La réflexion débute avec une expérience réussie. Benoît Durieu, doctorant à l’Université de Liège, et Valentina Savaglia, doctorante en cotutelle à l’Université de Liège et à celle de Gand, étudient l’évolution des cyanobactéries en Antarctique. Il s’agit de bactéries photosynthétiques, aussi dénommées « ancêtres des plantes ». Lors de l’édition 2018 du Printemps des Sciences, ils ont, de leur propre initiative, monté une activité vulgarisant leurs recherches en cours. Intitulée «  Etudions les cyanobactéries de l’Antarctique ! », il s’agissait d’une histoire contée. L’un des chercheurs était à la voix et l’autre au mime.

Leur récit a transporté le public jusqu’en Antarctique, l’a confronté au métier de chercheur dans des conditions extrêmes, lui a fait découvrir le monde des cyanobactéries grâce à la microscopie électronique, la biologie moléculaire et… l’informatique. Et lui a montré comment tirer une information de la masse de résultats obtenus.

Benoît Durieu, doctorant à l’Université de Liège, et Valentina Savaglia, doctorante en cotutelle à l’Université de Liège et à celle de Gand, ont monté une activité théâtralisée vulgarisant leurs recherches en cours. Elle est intitulée «  Etudions les cyanobactéries de l’Antarctique ! » © Réjouisciences

De quoi briser la glace et susciter l’intérêt du grand public au sein même de l’exposition temporaire « Du poil de mammouth à l’œil du cyclope » présentant 200 bizarreries du patrimoine universitaire scientifique liégeois.

« Se produire dans cet espace muséal n’était pas a priori notre volonté. On ne s’est rendu compte qu’après coup que c’était intéressant de l’utiliser. En effet, pour aller voir notre petit conte, le public devait traverser l’expo temporaire qui regorgeait d’information, d’objets de différentes époques, de résultats scientifiques , etc.. De quoi perdre les visiteurs dans le temps et dans l’espace. Notre démarche les plongeait dans un monde actuel en relation directe avec les résultats de notre recherche en cours », explique Benoît Durieu.

Les freins à vulgarisation des recherches en cours

Le conte a été joué quatre fois entre les murs du musée mosan. Sa préparation a demandé du temps ainsi que du travail de vulgarisation et de mise en scène. « Nous avons de la chance d’avoir un promoteur pour qui la diffusion scientifique est importante. Ce n’est pas le cas dans tous les laboratoires. C’est problématique », poursuit Benoît Durieu.

Il explique les motivations et les freins à la diffusion vulgarisée des recherches scientifiques en milieu universitaire :

 

Des relations discrètes entre chercheurs et musées

De cette expérience positive, est née une série de réflexions sur les interactions entre chercheurs et musées universitaires, particulièrement ceux des Sciences. Afin de comprendre pourquoi leurs relations restaient discrètes, un sondage a été diffusé sur l’intranet de l’ULiège. Parmi les quelque 5000 chercheurs de l’institution, à peine 86 ont répondu aux questions (issus essentiellement des facultés des Sciences, Sciences appliquées, Médecine et Philosophie et Lettres). Cette faible participation constitue déjà un élément de réponse.

Près de 7 répondants sur 10 affirment s’investir dans des activités de partage des connaissances, telles que des conférences grand public et scolaires, mais très rarement dans le cadre d’un musée universitaire.

Quant aux chercheurs ne s’étant jamais adonnés à la diffusion des sciences vers un public non-expert, ils expriment ne pas en avoir eu l’opportunité ou l’occasion. « Ils invoquent aussi le manque de temps, de connaissances des possibilités et le fait qu’on ne leur a jamais proposé. Enfin, certains annoncent que ce n’est pas dans leur charge de travail », énumère Thomas Beyer, chargé de projet au sein de Réjouisciences, la cellule de diffusion des sciences et des technologies de l’ULiège.

Il a porté cette enquête, qui n’en est qu’à ses prémices, avec les deux doctorants, Benoît Durieu et Valentina Savaglia, et Mélanie Cornélis, muséologue à l’Embarcadère du Savoir.

Oser le pari d’exposer la recherche en cours ?

Autre résultat interpellant issu du sondage : près de neuf répondants sur 10 estiment que la communication entre professionnels du musée universitaire et chercheurs n’est encouragée par aucune des deux institutions liégeoises. C’est peut-être là, la principale pierre d’achoppement.

Ce mariage n’est pourtant pas contre nature : il existe des musées prenant le pari d’exposer la recherche actuelle à travers des moyens plus ou moins inédits. C’est le cas du Palais de la Découverte à Paris, lequel propose l’espace éphémère «1 chercheur.e, 1 manip» où les équipes scientifiques présentent des démonstrations expérimentales relatives à leurs travaux.

 

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