Les femmes restent sous-représentées dans les métiers scientifiques

12 novembre 2025
par Raphaël Duboisdenghien
Temps de lecture : 4 minutes
“Genre et sciences”, sous la direction de Françoise Combes. Editions Odile Jacob. VP 29,90, VN 23,99 euros.

Membre de l’Académie française des sciences et de l’Académie royale de Belgique, l’astrophysicienne Françoise Combes dirige le livre «Genre et sciences». Avec ses collègues du Collège de France, Patrick Boucheron, François Héran et Vinciane Pirenne-Delforge. Aux éditions Odile Jacob.

La situation est préoccupante

Les 19 contributeurs pluridisciplinaires retracent le colloque «Genre et sciences» de la rentrée 2024 du Collège de France.

«La situation est préoccupante car la diversité au sein des domaines scientifiques et technologiques est essentielle pour maximiser l’innovation, la créativité et la représentation équitable de tous les talents», soulignent les scientifiques qui chapeautent le livre. «On songe d’abord aux stéréotypes et aux idées préconçues qui règnent sur les compétences et les intérêts attribués aux femmes. En particulier dans des champs de recherche traditionnellement dominés par les hommes. Comme les sciences exactes, la technologie, l’ingénierie, les mathématiques et les sciences du numérique.»

«Les femmes scientifiques ont été très longtemps invisibles. Leurs découvertes trop souvent ignorées ou confisquées par des proches ou des collègues masculins. Les femmes ne représentent encore que 30% des chercheurs. Et 7% des prix Nobel scientifiques décernés depuis 2000.»

Des attaques religieuses et politiques

Un nouveau champ de recherche s’ouvre avec les offensives religieuses et politiques contre «la théorie du genre» qui a contribué à démanteler des mythes sur la différence entre les sexes. En 2014, l’Université libre de Bruxelles (ULB) organise le colloque «Habemus Gender!» (Nous avons un genre!). Le Pr David Paternotte, qui codirige la Structure de recherche interdisciplinaire sur le genre, l’égalité et la sexualité à l’ULB, préside la session «Qu’est-ce que l’idéologie du genre?». Avec Valérie Piette, professeure d’histoire contemporaine à l’ULB.

«Notre domaine de recherche est fortement redevable au cardinal Joseph Ratzinger, dont les attaques ont contribué à le faire connaître, sinon reconnaître, auprès du grand public dans le monde entier», observe Éric Fassin, professeur de sociologie et d’études de genre à l’Université Paris 8. «C’est, en effet, à celui qui allait devenir pape sous le nom de Benoît XVI que nous devons en premier lieu une reconnaissance internationale – en même temps , il est vrai, que des attaques antiféministes, et homophobes et plus récemment transphobes.»

En 2005, Benoît XVI présente un condensé de la doctrine de la foi catholique. Pour le conférencier au Collège Belgique, «le genre ne serait pas défini tant par ce qu’il est que par ce qu’il devrait être. Il ne serait tolérable, pour le Vatican, qu’à condition de dériver de la biologie. C’est dire qu’il n’aurait plus guère d’utilité, sinon comme béquille du sexe.»

Alors que les études de genre s’inspirent de Simone de Beauvoir qui a écrit «Le deuxième sexe». De l’anthropologue français Claude Lévi-Strauss. De l’anthropologue étatsunienne Gayle Rubin auteure du «Marché aux femmes».

Des inégalités d’accès et de participation

«Le temps est venu de prendre le droit de l’Homme à la science des femmes au sérieux», souligne Samantha Besson. «Il ne suffit plus de s’en remettre à la bonne volonté des communautés scientifiques et de leurs organisations. Et aux nombreux rapports et recommandations qu’elles publient sans lien au cadre juridique existant.»

Ces rapports et recommandations sont au mieux sans effets selon la titulaire de la chaire Droit international au Collège de France. «Et, au pire, font de la protection de la science des femmes un instrument du développement ou de l’économie. Le droit antidiscriminatoire appliqué à la science a, lui aussi, montré ses limites. Notamment du fait de son approche neutralisante de la science des femmes et de son aveuglement aux ressorts internes à la culture scientifique.»

La professeure à l’Université de Fribourg (Suisse) dénonce les inégalités d’accès et de participation à la pratique scientifique comme «lorsque les femmes n’accèdent pas à égalité aux postes de professeures ou aux financements scientifiques». Et «les inégalités d’accès et de participation aux bienfaits de la recherche scientifique à l’instar du manque de recherche scientifique sur la ménopause et d’autres conditions médicales proprement féminines. Ou des barrières à l’accès des femmes aux nouvelles technologies. Et les inégalités de protection contre les méfaits de la science. Lorsque les femmes sont soumises à des expériences scientifiques sans leur consentement. Ou font l’objet de recherches scientifiques visant à justifier une forme de sexisme qui devient alors ‘scientifique’».

Haut depage