Pascale Delcomminette (WBI) et le Pr Jerson Lima Silva, président de la Faperj signent le nouvel accord de collaboration à Rio (c) Christian Du Brulle

Cap sur le Brésil pour les chercheurs de la Fédération Wallonie-Bruxelles

13 mars 2020
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 6 minutes

« Les problèmes complexes ne peuvent pas être résolus par un seul laboratoire scientifique ni par les chercheurs d’un seul pays. La crise du coronavirus que nous traversons actuellement l’illustre de manière éclatante ». À Rio de Janeiro, le professeur Jerson Lima Silva, président de la Faperj, ne pouvait pas trouver meilleur exemple dans l’actualité pour commenter l’événement de cette semaine, organisé à l’Académie des Sciences du Brésil.

La Faperj, son institution, qui finance la recherche scientifique dans l’État de Rio de Janeiro, avec plus 100 millions d’euros de budget cette année, vient de concrétiser un peu plus cette volonté de collaboration internationale en signant un accord académique et de recherche avec la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). Un accord qui passe par Wallonie-Bruxelles International (WBI), l’Agence en charge des relations internationales de la FWB.

Diplomatie scientifique

« Cet accord arrive au bon moment », estime Pascale Delcomminette, administratrice générale de WBI, qui a contresigné cet accord au nom de son institution. « Il va permettre d’intensifier les collaborations entre nos deux régions, de pérenniser nos relations en matière de science, de recherche et d’innovation. Et ce, dans l’intérêt de chaque partenaire ».

Les acteurs de la recherche scientifique au Brésil traversent actuellement une période difficile suite aux coupes sombres imposées par le pouvoir fédéral dans les budgets fédéraux alloués à la science. « Cet accord est également une illustration de la diplomatie scientifique de la FWB », estime Mme Delcomminette.

Il fait écho à celui qui a déjà été signé en 2015 entre le Fonds de la recherche scientifique belge (FNRS) et la Fapesp, l’autre principale agence de financement de la recherche fondamentale,  mais de l’État de Sao Paulo cette fois. Un accord destiné à faciliter la mobilité des chercheurs.

Un vaccin contre le trypanosome

Pour les chercheurs de Bruxelles et la Wallonie, le nouvel accord de Rio est l’occasion de développer ou d’amplifier des projets dans des secteurs de niche où le Brésil excelle. Par exemple, dans les domaines des technologies vertes ou encore de la santé et des biotechnologies.

« Nous voulons effectivement développer notre collaboration avec l’Université fédérale de Rio de Janeiro », confirme le professeur David Perez-Morga, directeur du laboratoire de parasitologie moléculaire de l’Université libre de Bruxelles (ULB), installé au Biopark de Gosselies.

Le professeur Perez-Morga, qui a lui aussi fait le déplacement au Brésil, est un spécialiste du trypanosome, le parasite responsable de la maladie du sommeil en Afrique et de la maladie de Chagas, en Amérique du Sud. Un parasite qui se trouve également au cœur des travaux du professeur Didier Salmon, de l’Université fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ).

Le Pr Salmon tente de mettre au point un vaccin afin de prévenir la transmission des maladies induites par le parasite. Une nouvelle collaboration avec l’ULB l’intéresse clairement. « L’étude de la structure des molécules intéressantes dans le cadre de mes travaux pourrait bénéficier de l’expertise développée en microscopie à Gosselies », indique-t-il.

Sciences de la vie et Biotech à Sao Paulo

Imagerie moléculaire à Gosselies

Outre le savoir-faire développé au sein du laboratoire du professeur Perez-Morga, les ressources du CMMI (le Centre de microscopie et d’imagerie moléculaire mis  sur pied par l’université libre de Bruxelles et l’université de Mons, également situé à Gosselies), pourraient également lui être utiles.

Plus concrètement, le nouvel accord WBI-Faperj devrait aussi faciliter le séjour de chercheurs brésiliens en Wallonie, via le programme Beware. « Il s’agit d’un programme d’accueil de chercheurs étrangers disposant déjà d’une grande expérience », précise Julie Dumont, agente de liaison scientifique de Wallonie-Bruxelles international (ALS), en poste au Brésil.

Les agents de liaison scientifique: des points de contact privilégiés

« Ce programme Beware de la Région Wallonne permet d’accueillir dans nos universités, centres de recherche et entreprises innovantes de Wallonie, des chercheurs venus de l’étranger. Et ce, pour une période pouvant aller jusqu’à trois ans », précise-t-elle.

Le travail des agents de liaison scientifique de WBI consiste notamment à promouvoir et faciliter les collaborations entre les acteurs de la recherche et de l’innovation de Wallonie et de Bruxelles et ceux du pays partenaire. Mais aussi d’identifier des partenaires industriels et/ou financiers en vue de créer des partenariats bilatéraux et des spin-offs communes.

La seconde vie de la canne à sucre

En ce qui concerne les technologies vertes, également susceptibles d’intéresser de nombreux partenaires wallons et brésiliens, la valorisation de la biomasse occupe une place de choix. Par exemple, l’exploitation des résidus de l’industrie de la canne à sucre, qui, au Brésil, sert à produire de l’éthanol pour les transports.

À l’Institut National de Technologie (« INT »), qui fêtera en 2021 son centième anniversaire, les « Greentechs » sont aujourd’hui au centre des préoccupations.

« Si dans le passé, l’INT a aidé à mettre au point les filières de production du bioéthanol, une activité désormais routinière au sein dans 300 usines du pays, nous sommes conscients que l’enjeu actuel passe par la valorisation des résidus de cette exploitation », indique le Dr Marco Fraga, chercheur à l’INT et spécialiste de la catalyse.

Labo de Biotech à l Open Innovation Medicinal Chemistry Center de l’Université de Campinas

Technologies vertes

« L’industrie n’utilise en réalité qu’un tiers de la canne à sucre pour produire de l’éthanol. Les deux autres tiers constituant des déchets. Notre but est de trouver des moyens de valoriser ces déchets de manière économique et intéressante, et d’en retirer des molécules utiles pour d’autres applications industrielles. Des molécules vertes, susceptibles de se substituer à celles utilisées au départ de dérivés du pétrole ».

Une activité qui entre parfaitement dans les préoccupations du professeur Benoît Moreau de la haute école Condorcet, à Ath. « Le Pr Moreau collabore avec les équipes brésiliennes de Rio de Janeiro depuis plusieurs années », explique Cédric Bister, conseiller scientifique et coordinateur des relations internationales chez SynHERA, l’association en charge de la valorisation de la recherche menée dans les Hautes Écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

« Le professeur Moreau sera au mois d’avril à Rio afin d’avancer dans son projet de production de biosurfactants. Il s’agit de produire des molécules biosourcées utiles à divers types d’industries. Pour le chercheur wallon, l’intérêt de cette collaboration réside dans le développement de ses compétences en matière de recherche en chimie verte, avec des experts brésiliens du domaine », précise Cédric Bister.

Les attraits des collaborations scientifiques avec le Brésil sont multiples. Dans la délégation venue quelques jours dans cet énorme pays d’Amérique du Sud, on parle aussi recherche médicale, avec notamment l’Institut Welbio et le pôle de compétitivité BioWin, ou encore de photonique, avec le Centre de recherche agréé montois Multitel. Tous explorent les liens potentiels à tisser avec des équipes de Sao Paulo, Rio ou Brasilia. Et avec un enthousiasme non dissimulé.

 

 

 

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