Quelle est la meilleure université du pays? Si vous pensez qu’il suffit de jeter un coup d’œil sur les “rankings”, ces classements internationaux des universités (classement de Shanghai, du Times higher education, de Leiden etc.) pour avoir une bonne idée de la situation… Prudence!
“Ils souffrent tous de divers maux”, commente le Pr Michel Gevers, de l’Institut des technologies de l’information et de la communication, électroniques et mathématiques appliquées (UCL). “A commencer par la prétention de vouloir résumer en un unique chiffre la qualité générale d’une institution”.
“C’est presque insultant”, s’insurge le Pr Bernard Rentier, recteur de l’Université de Liège (ULg), qui ne porte pas du tout les rankings dans son coeur. “Résumer à un seul chiffre l’Université de Liège ou celle de Cambridge, cela rime à quoi? Tous les problèmes de choix dans la vie, y compris celui d’une université, ne peuvent pas se baser sur des hit-parades faits par d’autres”.
Voici “U-Multirank”
“Ces classements traditionnels se basent sur un nombre limité de données qui sont ensuite agrégées, normalisées, pondérées”, rappelle Linda Tempels, Responsable ranking et coordinatrice qualité institutionnelle à l’Université Catholique de Louvain (UCL). “Cela pose des questions sur la pertinence de certaines variables, de leur poids dans le mode de calcul, dans le mode de comptabilisation et finalement de la transformation de ces données en un classement”.
Contrairement aux classements classiques et honnis d’inspiration anglo-saxonne, mais dont personne ne peut se passer, U-Multirank, veut faire la différence. L’initiative de l’Union Européenne opte dès lors pour une tout autre approche. Une révolution dans le domaine.
Elle a pour but de classer les universités sur base d’indicateurs mais sans agrégation des résultats et en donnant une appréciation par critère. Cinq piliers, cinq catégories de critères, sont ainsi proposés : l’enseignement, la recherche, les transferts de connaissance, l’orientation internationale et l’engagement régional.
“Ce que nous venons de mettre au point n’est rien d’autre qu’un tout nouveau système de classement des universités”, explique le Pr Frans Van Vught, du Center for Higher Education Policy Studies, (Université de Twente, aux Pays-Bas), qui a co-élaboré U-Multirank. “Nous avons retenu 30 indicateurs dans cinq catégories. Mais nous refusons les indicateurs composites qui mélangent divers types de données et qui au final ne veulent rien dire. Enfin, le système mis au point permet à l’utilisateur, quel qu’il soit (chercheur, politicien, futurs étudiants…) de comparer les universités selon ses propres critères”.
Pas de classement mais des appréciations multiples
“Cela devrait permettre de comparer ce qui est comparable”, estime le Pr Vincent Yzerbyt, prorecteur à la Recherche (UCL). Les rankings traditionnels font trop la part belle à la recherche, au nombre de prix Nobel, de médaillés Fields (le “Nobel” des mathématiques), aux articles scientifiques publiés dans des revues à comité de lecture”.
“Ce nouveau système européen n’est pas parfait, mais il va dans le bon sens”, concède Bernard Rentier (ULg). “Il est multi-critères et permet de mieux prendre en compte les spécificités européennes. Il est dès lors aussi multi-publics et multi-usages”.
“Pour les universités belges, c’est une bonne chose. Nos missions ne sont pas nécessairement les mêmes que celles des universités plus prestigieuses d’Amérique du Nord par exemple”, reprend Vincent Yzerbyt. “Outre l’accessibilité (d’un point de vue financier), les universités belges ont une mission d’enseignement, de recherche et de service à la société. Cela signifie que ce sont des universités de masse et non des institutions réservées à une certaine élite”, souligne-t-il.
879 universités sondées
La première édition d’U-Multirank se concentre sur 879 institutions, essentiellement situées en Europe. Ce multiranking européen ne “classe” pas les universités. Il attribue des points allant de 1 à 5 (de très bien à faible) aux variables rassemblées au sein des fameuses cinq catégories.
“Nous allons pouvoir nous comparer sur des critères précis et identiques (le mode de calculs entre universités belges a été quelque peu harmonisé en amont)”, précise Vincent Yzerbyt. “Il ne donne pas un score global, ce qui permet d’éviter des comparaisons suspectes. Une université classée 29e est-elle vraiment moins “bonne” que celle en 27e position ? Cela n’a pas de sens. Et enfin, cela permet aussi de choisir les institutions auxquelles on souhaite se comparer sur base de caractéristiques précises”.
Soit, mais dans quels buts? Monter dans les “sondages”? “Certainement pas”, estime encore Vincent Yzerbyt. “Ces rankings nous permettent d’avoir un autre regard sur nos institutions. Cela peut aussi être une sonnette d’alarme à l’échelle de la Communauté”.
A noter toutefois, toutes les universités francophones belges ne sont pas évaluées par l’initiative U-Multirank. Seules les trois universités “complètes” (UCL, ULB et ULg) y sont reprises ainsi que l’Université de Mons (UMons).
Quelques chiffres sur U-Multirank
879 universités sont mentionnées dans ce premier classement
67% sont situées en Europe
17% en Amérique du Nord
14% en Asie
7 % en Océanie, Amérique latine et Afrique