Stéphanie Zeoli, une ingénieure dans le vent

13 août 2018
par Véronique Pipers
Durée de lecture : 5 min

SERIE (6/6) Têtes chercheuses

Stéphanie Zeoli est ingénieure civile en mécanique de la Faculté Polytechnique de Mons, spécialisation « Mécanique ». Après une année chez Caterpillar, elle choisit de revenir à l’université pour mener une thèse en dynamique des fluides dans le cadre de l’implantation de petites éoliennes.

« Après un travail de fin d’études, il est toujours difficile de se lancer dans un doctorat », explique la jeune femme. « On a envie de connaître le monde de l’industrie. J’ai voulu essayer. Mais après un an, j’ai éprouvé le désir de revenir à la recherche et de faire des choses plus techniques. »

Ecoulements éoliens

Aujourd’hui, Stéphanie Zeoli s’intéresse à tout ce qui est écoulement d’air autour des bâtiments pour l’implantation de petites éoliennes. En tant qu’assistante à l’université, la jeune chercheuse consacre 50% de son temps à dispenser des travaux pratiques et exercices. Les 50% restants sont réservés à sa thèse. « Après 4 ans et demi, je viens de terminer mon doctorat. On a droit à six ans en tant qu’assistant, soit trois mandats de deux ans »

A l’exception de cette année où le nombre de filles est très élevé, la filière mécanique attire, on le devine, beaucoup de garçons. En général, la présence féminine représente, sur l’ensemble des sections polytechniques, une proportion faible, de l’ordre de 20 à 30%.

« Mes études secondaires étaient clairement orientées maths et sciences. J’ai regardé les programmes de cours et constaté qu’ingénieur civil est le plus ouvert car il permet de ne pas s’orienter directement. Comme je ne savais pas trop ce que je voulais faire, je me suis dit, va pour polytechnique et je verrai bien au fil du temps quelle direction prendre. Au sortir de polytechnique, on peut travailler dans le secteur pharmaceutique comme dans la métallurgie, deux mondes bien différents. C’était donc un bon compromis. »

Plutôt attirée par la chimie au départ, Stéphanie Zeoli s’est finalement tournée vers la mécanique.

Bien placer les éoliennes

« A l’origine, je devais poursuivre mon travail de fin d’études qui concernait la dispersion des polluants dans l’atmosphère. Mais l’obtention d’un contrat avec Engie (pour l’UMons en collaboration avec l’UCL), nous a amenés à étudier l’intégration des petites éoliennes en milieu urbain. Cela concerne en premier lieu l’écoulement de l’air autour des bâtiments. J’ai commencé à travailler sur cette thématique qui est finalement devenue mon sujet de thèse.»

Le rotor des petites éoliennes se situe à environ 30 mètres de hauteur, on les retrouve plutôt dans les zonings, à l’usage des entreprises désireuses de produire leur propre énergie. Elles présentent, entre autres, la particularité d’être plus influencées par les bâtiments que les grandes éoliennes. Avec à la clé des fluctuations de puissance. L’étude conjointe de l’UMons et de l’UCL a permis de calculer si cela valait la peine de les implanter à de tels endroits, comme c’est déjà la cas dans le zoning de Seneffe.

L’étude devait aborder la question des éoliennes à axe horizontal ou vertical. Ces dernières sont moins sensibles aux turbulences générées par les bâtiments. Sur base de cette étude, Engie a décidé d’investir dans le domaine et a opté pour le modèle à axe vertical, plus facile à mettre en œuvre dans la région grâce à la proximité d’un constructeur local.

100 millions de points de calcul

Stéphanie Zéoli a travaillé essentiellement sur la simulation numérique qui consiste à résoudre les équations de Navier-Stokes qui permet de décrire le mouvement des fluides. Il y a différents niveaux de simulation. Ils nécessitent soit l’utilisation d’un ordinateur simple, soit celle de supercalculateurs, sur plusieurs centaines voire milliers de processeurs. C’est alors du calcul “massivement parallèle”, qui permet d’arriver à des maillages de 100 millions de points. »

On dispose également de l’expérimentation en soufflerie, sur des maquettes à l’échelle. « Cela aide pour valider les codes, mais l’idéal est tout de même que l’éolienne soit implantée pour vérifier les prédictions»

La finalité de ces simulations est d’analyser et de prédire, de la manière la plus réaliste possible, les conditions de vent auxquelles l’éolienne va être soumise. Observer le comportement du vent, déterminer au mieux la zone d’implantation. Juste derrière un bâtiment, où le vent a perdu une grosse partie de son énergie, elle ne produira pas d’électricité. Par contre, sur les côtés du bâtiment, dans la zone d’accélération, les conditions sont idéales.

S’inspirer à l’étranger

Pour la suite, Stéphanie Zéoli compte sur sa nomination en tant que première assistante au service Fluide-Machines à l’UMons. Une condition préalable est qu’elle parte au moins trois mois à l’étranger pour faire un séjour post-doctoral. « Je dois développer ma propre thématique de recherche. J’ai des pistes. Je suis partie 3 mois à New York il y a deux ans, j’ai gardé de bons contacts à l’université de Columbia avec des professeurs qui se trouvent maintenant à l’université de Stanford.

«  Les groupes de recherche américains fonctionnent différemment. Ils sont plus conséquents que chez nous, avec davantage de moyens. Je prends ce voyage comme une occasion de découvrir un nouvel endroit, une nouvelle manière de penser. C’est une expérience à vivre absolument. »

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