6G, 7G et WiFi du futur pourraient recharger la batterie de votre téléphone

13 décembre 2021
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 5 min

La Société (française) de l’électricité, de l’électronique et des technologies de l’information et de la communication (SEE), remet aujourd’hui une de ses récompenses annuelles: la Médaille Blondel. Et c’est l’ingénieur belge Bruno Clerckx qui en est cette année l’heureux bénéficiaire. Ce docteur en science de l’UClouvain (ancien aspirant FNRS/Fria) est depuis dix ans professeur de communication sans fil et de traitement du signal à l’Imperial College de Londres.

Les travaux qui lui valent cette récompense concernent des avancées théoriques, mais aussi technologiques très concrètes qui équipent nos GSM. Plus particulièrement des systèmes de communications multi-antennes. Une technologie utilisée par la 4G et la 5G, partout dans le monde. Mais c’est aussi un encouragement pour ses travaux en cours. Ceux-ci pourraient donner naissance à un véritable Internet sans fil, transmettant des données et l’énergie nécessaire au fonctionnement des objets mobiles.

Pr Bruno Clerckx © Christian Du Brulle

Rendre les communications multi-antennes plus efficaces

« Nos téléphones portables utilisent plusieurs antennes pour transmettre les informations », explique le Pr Clerckx. « Les signaux sont morcelés. Dans une même fréquence, nos téléphones transmettent ou reçoivent ces informations indépendantes de manière simultanée. Des informations qui passent par plusieurs antennes. Cette technologie permet d’augmenter le débit des transferts de données. C’est ce qu’on appelle l’efficacité spectrale, c’est-à-dire la quantité d’informations qui peut être transmise par seconde. »

« Cela nécessite un traitement des signaux plus compliqué : toutes ces informations interfèrent les unes avec les autres », précise-t-il. « Il faut donc assurer un traitement approprié pour pouvoir récupérer les données qui ont été transmises, les rendre cohérentes et utilisables. C’est ici que se situe mon travail. En permettant le traitement simultané des signaux, qu’il s’agisse d’un système entre un émetteur et un récepteur, ou entre un émetteur et plusieurs récepteurs, nous rendons les communications multi-antennes plus rapides et plus efficaces. »

Traitement du signal

L’apport du Pr Clerckx dans ce contexte est théorique, mais aussi très pratique. La théorie est applicable à tous les types de communication sans fil à partir du moment où ils utilisent plusieurs antennes. Outre les smartphones, via par exemple la 4G, les systèmes WiFi sont aussi concernés, tout comme les communications avec les satellites.

Dans le cas des satellites, ces engins disposent en général de plusieurs faisceaux de communication basés sur divers types d’antennes. « L’efficacité de leurs communications se base aussi sur nos travaux théoriques », reprend-il.

« Très concrètement, nos travaux portent donc sur l’élaboration d’algorithmes qui rendent cohérents et intelligibles les différents signaux émis de manière simultanée, mais complémentaires par les systèmes multi-antennes. Ces algorithmes sont ensuite implémentés dans toute une série d’applications. Suivant les fabricants, ils se déclinent de manière diverse. Mais tous utilisent notre standard de base. »

Transmettre sans fil des informations, mais aussi de l’énergie

Un autre thématique de recherche du Pr Clerckx, sur laquelle il a commencé à travailler alors qu’il arrivait à l’Imperial College de Londres, concerne les systèmes de transmission d’énergie sans fil.

L’idée est d’essayer de comprendre comment permettre aux réseaux sans fil du futur d’utiliser les ondes électromagnétiques qui servent à la transmission des données. La 4G, la 5G, les réseaux WiFi utilisent les ondes électromagnétiques pour transmettre de l’information. Mais l’énergie de ces ondes n’est pas utilisée. Il s’agit donc d’identifier les moyens de recycler l’énergie de ces ondes pour alimenter en même temps des objets connectés, par exemple.

« Dans 10,15 ou 20 ans, cela devrait déboucher sur la mise au point d’une technologie qui non seulement transmet de l’information, mais qui en plus permet de recharger un senseur, utile dans le cadre d’applications de notre vie quotidienne », précise Pr Bruno Clerckx. « Nous voulons imaginer le design d’un système WiFi, de 6G ou de 7G optimisé qui permette une transmission conjointe d’information et d’énergie. »

Un peu comme les systèmes de recharge sans fil qui existent actuellement, comme ces « pads » sur lesquels on dépose nos smartphones pour les recharger. À la différence que la physique en jeu est différente.

« Les « pads » actuels rechargent les portables par induction. Et cela fonctionne très bien à faible distance. Nous visons à utiliser les ondes électromagnétiques – exactement les mêmes ondes qui circulent actuellement dans les réseaux de communication sans fil- pour récupérer l’énergie. Ces systèmes fonctionnent à des distances beaucoup plus grandes que les « pads ». »

« Les niveaux d’énergie en jeu sont également très différents. L’inductif fonctionne bien à très courte distance, avec des niveaux d’énergie élevés. Celui sur lequel nous travaillons est de type radiatif. Il porte sur de plus longues distances, de quelques mètres à quelques centaines de mètres, avec des niveaux d’énergie bien plus faibles. L’idée est, à terme, de pouvoir disposer d’un vrai système Internet mobile sans fil, qui agisse au niveau communicatif qu’au niveau énergétique.»

« La médaille Blondel qui m’est remise aujourd’hui constitue une belle reconnaissance de mes travaux, et un encouragement », sourit le Pr Clerckx, depuis la Corée du Sud, où il séjourne actuellement dans le cadre d’une année sabbatique à la Seoul National University.

Avant lui, deux autres scientifiques de la Fédération Wallonie-Bruxelles avaient déjà été récompensés par cette médaille: le Pr Jean-Pierre Raskin de l’UCLouvain en 2015 et le Pr Damien Ernst, de l’ULiège en 2018.

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