Série: Musées universitaires (3/5)
Quelques visiteurs ou quelques milliers de visiteurs ? Suivant le musée universitaire considéré, les chiffres fluctuent énormément. Parmi les musées universitaires les plus fréquentés, on retrouve surtout ceux qui ont pignon sur rue et qui bénéficient donc d’une excellente visibilité. C’est le cas de l’Aquarium-Muséum, au quai Van Beneden, à Liège, un des champions de notre classement.
« Nous accueillons quelque 95.000 visiteurs par an en moyenne », précise le Dr Thomas Beyer, coordinateur du Pôle muséal de l’ULiège. Une belle performance, due sans doute aussi à la présence de son aquarium et de ses nombreuses espèces vivantes. À titre de comparaison, pointons cependant le parc zoologique (non-universitaire) Pairi Daiza qui attire plus de 2 millions de visiteurs par an. Cela permet de fixer les idées.
À Louvain-la-Neuve, le Musée L tire, lui aussi, son épingle du jeu avec quelque 20.000 visiteurs annuels. À l’ULB, le musée de la médecine attire environ 8.000 visiteurs chaque année. Du côté de Namur, ce sont « plusieurs centaines de documents anciens qui sont consultés chaque année par nos lecteurs à la Bibliothèque Moretus Plantin », indique le Dr Olivier Latteur, chargé de valorisation des collections patrimoniales de l’université. « Des chiffres qui varient cependant fortement d’une année à l’autre, allant d’une centaine à près de 700 volumes consultés en fonction des travaux d’étudiants, des expositions, du covid. »
D’autres musées universitaires font mieux ou moins bien. Et les raisons sont multiples. « Au musée de zoologie de l’ULB, les locaux et le personnel réduit ne permettent pas d’accueillir plus de 50 personnes en une fois », précise la Dre Michèle Loneux, conservatrice. Par ailleurs, et pour ces mêmes raisons de ressources en personnel, le musée n’est pas ouvert tous les jours de la semaine.

Une localisation parfois très confidentielle
La localisation des musées peut aussi impacter leur fréquentation. Ceux qui sont cantonnés dans des couloirs menant aux bureaux de scientifiques ou aux salles de cours sans réelles mentions claires de leur existence, par un fléchage visible depuis la voie publique par exemple, n’engagent guère les curieux de passage à venir les découvrir.
« La méconnaissance de la communauté universitaire vis-à-vis de ses propres musées et collections est également évidente », indique la Dre Nathalie Nyst, coordinatrice du réseau des musées de l’ULB. « Or, ces institutions muséales, qui résultent pour la plupart d’initiatives personnelles de l’un ou l’autre professeur ou chercheur, sont avant tout des outils didactiques et de recherche, au même titre que les laboratoires ou conservatoires, et s’inscrivent donc naturellement dans les missions d’enseignement et de recherche de l’université.»

Des musées qui peuvent aussi faire peur !
Les musées universitaires, souffrent-ils d’une image négative ? « Ils sont méconnus », concède volontiers le Pr Francesco Lo Bue, directeur du MuMons. « Et je pense qu’une des raisons à cette situation, c’est parce qu’ils font peur. »
« L’université en elle-même peut être perçue comme quelque chose d’élitiste par le public », souligne-t-il. « Y installer un musée « universitaire », cela revient à mettre une couche supplémentaire d’inaccessibilité. Les gens peuvent se dire: « l’université, ce n’est pas pour moi. Alors un musée universitaire, encore moins ». Or, rien n’est plus faux! »
Ecoutez le Pr Francesco Lo Bue parler du MuMons, de ses collections et de ses initiatives pour attirer le public :
Une image et des missions à clarifier
« En réalité, les gens ne savent pas très bien quoi mettre derrière la notion de musée universitaire », analyse Élisa de Jacquier, directrice du Musée L à Louvain-la-Neuve. « Beaucoup hésitent à franchir nos portes, se disant que c’est un musée de l’histoire de l’université. Ce qui n’est pas le cas. Ou que c’est un musée d’instruments scientifiques. Ce qui n’est pas le cas non plus. Chez nous, les instruments scientifiques ne sont apparus que très tard dans les collections. Par ailleurs, nous disposons dans nos collections d’art moderne belge de plus de 3.200 œuvres d’artistes de chez nous. »
« Et puis, il y a cette double casquette qui prête à confusion », continue-t-elle. « Nous sommes à la fois un musée grand public et un musée universitaire. Quand on se rend au musée Hergé à Louvain-la-Neuve, on sait à quoi s’attendre. Idem pour le musée de la bande dessinée. Avec un musée universitaire, on ne sait pas à quoi s’attendre. Nous réfléchissons à un petit outil de communication qui permettra de mieux le faire savoir. »

Ne pas hésiter à se rapprocher du public
« Pour démystifier le musée universitaire, il y a tout un travail de fond à faire », reprend Francesco Lo Bue. « Par exemple, en sortant de nos murs. Par le passé, les musées avaient leurs collections permanentes et des expos temporaires. Si on veut que les gens fréquentent le musée, il faut que cela change. Il faut faire vivre les collections de façons différentes. Les présenter autrement, dans d’autres lieux. Ou sur les réseaux sociaux, par exemple.»
« À l’UNamur, le portail de numérisation Neptun propose de découvrir dans le détail plus de 1100 livres (dont 10 incunables d’avant 1500), mais aussi 3.800 cartes postales, plus de 700 négatifs de photographies anciennes, une centaine de cartes géographiques, une centaine d’estampes », abonde l’historien de l’art Olivier Latteur, chargé de valorisation des collections patrimoniales.
Cela n’est toutefois pas suffisant pour faire venir des visiteurs. Il faut organiser des soirées thématiques au cours desquelles on fait revivre certaines choses, comme une expérience scientifique historique, par exemple. « Il faut un panel d’activités attrayantes, parfois un peu décalées, surprenantes, pour que le public se décide à pousser nos portes », martèle le Pr Lo Bue, au MuMons.
Jusqu’à organiser des cours de cuisine ? Au Musée L, on mise plutôt sur des enquêtes nocturnes, des ateliers créatifs voire l’organisation d’anniversaires au musée… Histoire de vivre le musée autrement. « Nous ne sommes pas qu’un musée universitaire », dit encore Élisa de Jacquier. « Nous sommes aussi un musée grand public, reconnu par la Fédération Wallonie-Bruxelles », conclut-elle.
NB 1. Cette enquête sur les musées universitaires a bénéficié du soutien du Fonds pour le journalisme en Fédération Wallonie-Bruxelles.
NB 2. Les illustrations qui émaillent cette série d’articles proviennent de l’application « Trezoors », réalisée dans le cadre de cette enquête. Trezoors est disponible gratuitement sur Apple Store et Google Play Store. (Voir notre article sur Trezoors)